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France/Mauritanie – Lune de miel Sarkozy-Ould Abdelaziz

D 3 décembre 2009     H 16:31     A Mariam Seri Sidibe     C 0 messages


Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, a été
reçu du 26 au 28 octobre 2009, à l’Elysée, dans le cadre de
la normalisation des rapports entre la France et la
Mauritanie. L’homme fort de Nouakchott a été très apprécié de
ses hôtes, notamment Joyandet, ministre de la coopération et
Kouchner, ministre des Affaires étrangères. Le général-putschiste,
sera également invité d’un diner, en compagnie de l’avocat Robert
Bourgi, et madame, ainsi que de Claude Gueant, et sa tendre
moitié. C’est sur qu’entre copains qui adorent l’Afrique, on se
préoccupera des relations économiques franco-mauritaniennes.
Parce que si le capitalisme est impatient, le peuple, lui, peut
toujours attendre. On est bien loin de la rupture de la
Françafrique à papa. Surtout en ce qui concerne la Mauritanie.

Mohamed Ould Abdelaziz
ou comment passer de
putschiste à Président

C’est le 6 aout 2008, par un
coup d’Etat militaire, que
Mohamed Ould Abdelaziz,
renverse Sidi Mohamed Ould
Cheikh Abdallahi, premier
président mauritanien
démocratiquement élu depuis 1984. Il se fera ensuite investir
président de la République Islamique de Mauritanie le 5 août
2008, après avoir officiellement remporté l’élection présidentielle
contestée du 18 juillet. La France n’est pas innocente dans cette
régression politique. C’est dans ce contexte que les déclarations
de Nicolas Sarkozy comme quoi il y aurait eu « un coup d’Etat
sans protestations, sans manifestation, si ce n’est celle de la
France », on s’en doute, en ont fait bondir plus d’un à
commencer par Messaoud Ould Boulkeir, président de l’Assemblée
nationale mauritanienne et dirigeant de l’APP, ainsi que l’ONU et
l’UE. C’est ignorer également la protestation du peuple
mauritanien et de la diaspora, pourtant durement réprimées.
Sarkozy méprisait tout bonnement son éphémère homologue,
pourtant lui aussi élu au suffrage universel direct. Celui-ci ayant
l’outrecuidance de se soucier des négros-mauritanien-ne-s, ainsi
que des déporté-e-s depuis 1984 au Sénégal et en Mauritanie et
de leur retour au pays des 1000 poètes (1). Il fallait donc que
quelqu’un mette un coup d’arrêt à ce vent de démocratie. C’est
donc l’ex-chef de la garde présidentielle, tout juste limogé pour
incompétence notoire, qui s’y est employé. Et le fait que le
président soit mis au secret par les militaires n’a nullement
inquiété Sarkozy qui, d’ailleurs, ne l’a jamais reconnu en tant que
tel.
Economie du pétrole de la Mauritanie
La Mauritanie est devenu producteur de pétrole en 2006,
année durant laquelle le premier tanker a quitté le pays pour la
Chine. A terme, le gouvernement table sur une production de
100000 barils/jour et plusieurs gisements sont exploités par
Woodside, Dana Pétroleum et …. Total. On comprend pourquoi le
regain d’intérêt soudain pour un pays au 3/4 désertique et
pourtant si stratégique. D’autant plus qu’on a repéré, dans ces
endroits mêmes, des terroristes islamistes dont il faut absolument
se débarrasser. D’où la coopération renforcée des armées
mauritaniennes et françaises. Sans compter que le pré-carré
Françafrique, intéresse en plus haut lieu les USA qui interviennent
déjà, sous couvert d’assurer la sécurité, au nord du Mali. De là à
se faire manger la part du gâteau africain, il n’y qu’un pas que
Sarkozy ne laisserait franchir pour rien au monde. Pour cela, il
peut compter sur ses amis Joyandet, Balkany, Bourgi ainsi que la
DGSE pour faire légitimer n’importe quel putchiste en empêchant
son isolement sur la scène mondiale. Ils ont également forcé
l’opposition à participer au scrutin, faussé d’avance pour cause
d’irrégularité. Les accords franco-mauritaniens laissent la haute
main à la junte militaire sur les institutions du pays.

Et le peuple dans tout ça ?

La population est composée de Beydanes, origine araboberbère
et de négro-mauritanien-ne-s (fulbe, wolof, soninke,
bambara) et de Haratines (anciens esclaves noirs mais de culture
arabe). Toutefois, ce sont les Beydanes qui ont le pouvoir, au
travers de leurs dirigeants. L’esclavage des noir-e-s, aboli
officiellement en 1981, est toujours pratiqué et se renforce. Dès
1984 ce fut l’arabisation forcée de l’enseignement, l’interdiction
d’accéder aux postes de responsabilité, le maintien à des
fonctions subalternes. Interdiction leur était également faite de
s’exprimer en leurs langues maternelles, d’exprimer leurs
cultures, traditions ancestrales, etc. Cette politique d’apartheid a
atteint son point culminant en 1989. Sous prétexte de conflit
sénégalo-mauritanien, et donc de la complicité « tacite » des
populations noires, le colonel Sidy Maouya Ould Taya, alors au
pouvoir, ordonne le massacre et la déportation de tous les négromauritanien-
ne-s. C’est près de 60.000 « réfugié-e-s » qui
croupissaient dans des camps de fortunes au Sénégal et un peu
plus de 100000 au Mali. Le 28 novembre 1990, pour « fêter » le
trentième anniversaire de l’indépendance 28 prisonniers militaires
noir-e-s de la base d’INAL furent choisis « au hasard » et pendus
sur le champ.

Sarkozy adoube la junte et le Quai d’Orsay accorde
l’impunité à un présumé tortionnaire mauritanien

Le Quai d’Orsay ayant toujours soutenu les régimes ethnogénocidaires,
on s’étonnera pas que l’impunité soit accordée à un
ancien tortionnaire. Mr Lemrabott, ancien ministre de l’Intérieur
de Taya est visé par une plainte déposé pour torture sur un
ressortissant français d’origine mauritanienne en 2002. Mais
Sarkozy préfère passer l’éponge pourvu que les contrats
commerciaux soient signés en bonne et due forme. Au moment
où Besson nous cause identité nationale et renvoie des immigrés
dans leurs pays en guerre, la France devient une terre d’accueil
pour les bourreaux. Choisi ton camps, camarade.

Mariam Seri Sidibe

(1) L’opération de rapatriement des réfugiés du Sénégal, qui a débutée en
2008 devrait prendre fin le 31 décembre 2009.