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NIGER : Conséquences de la fermeture de la frontière nigériane pour les marchands de Diffa

D 12 mars 2012     H 05:22     A IRIN     C 0 messages


DIFFA - Depuis des générations, la région de Diffa, la pointe aride du sud-est du Niger, a profité du fait qu’elle était plus proche du Nigeria que des centres commerciaux du Niger : les céréales de base, le carburant, les vêtements et d’autres articles proposés à des prix intéressants ont passé la frontière.

La production de Diffa - le bétail, les produits laitiers et les poivrons rouges principalement - ont aussi trouvé sans problème un marché au Nigeria. Des langues communes et des attaches familiales ont renforcé les liens à tel point que le naira nigérian est la première monnaie de Diffa.

Mais le dernier apport du Nigeria, les militants de Boko Haram, [http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?reportid=93934 ] est moins apprécié. Il a forcé les autorités à fermer la frontière, ce qui entraîne des conséquences tragiques pour Diffa, à un moment précisément où la région essaie de faire face à la pire sécheresse de ces dernières années.

Il y a environ trois semaines, les autorités ont arrêté 15 personnes soupçonnées d’être affiliées à Boko Haram, saisi des grenades et des explosifs artisanaux et déjoué un plan d’attaque à la bombe dans plusieurs endroits publics de Diffa, a indiqué Tinni Djibo, secrétaire-général adjoint de Diffa.
Depuis, le prix des céréales de base, comme le millet, a doublé et le prix des bêtes a plongé, alors que les villages de la région et les campements d’éleveurs sont confrontés à l’insécurité alimentaire liée à la sécheresse.

« Nous sommes conscients de l’impact que peut avoir la fermeture de la frontière, a dit M. Djibo, mais il faut bien éteindre le feu chez nous quand notre voisin est en train d’éteindre le feu chez lui. »
Il a fait remarquer que les membres de Boko Haram dont la base présumée (Maiduguri) n’est qu’à 130 kilomètres au sud de Diffa, se sont sentis menacés, ils se sont précipités au Niger. « Nous savons qu’ils essaient de mettre en place des cellules à Diffa. »

Les conséquences pour les marchands de chameaux

Les habitants de Diffa, quant à eux, ont du mal à comprendre la position officielle. Malammamane Nur, le chef âgé d’une communauté de Tobou, l’un des principaux groupes pastoraux du Niger, a dit à IRIN, dans le village de Medelaram, à quelque 30 kilomètres de la ville de Diffa : « Boko Haram, c’est comme un lointain tonnerre : on en entend parler mais on les voit pas. Où est donc ce Boko Haram ? »

Depuis trois semaines, les membres de sa communauté sont dans l’incapacité de vendre leurs chameaux à N’guel Kolo, l’un des plus grands marchés aux bestiaux, car les acheteurs nigériens ne viennent pas. Ce qu’ils auraient gagné les aurait aidés à faire des réserves de nourriture pour leur famille et leurs bêtes. « Nous avons encore devant nous une longue période sans nourriture [encore quatre mois avant les pluies ; la prochaine récolte sera prête en novembre], » a déclaré M. Nur.

Les éleveurs vont désormais devoir accepter 1 250 000francs CFA (2 500 dollars) pour un chameau, s’ils arrivent à trouver des acheteurs à Diffa, alors que les marchands nigérians auraient pratiquement payé le double. « C’est maintenant que nous avons besoin de ce genre de bénéfice, quand les temps sont durs, » a dit M. Nur.

Selon les évaluations du gouvernement, les gens vont se trouver à court de vivres d’ici avril, a indiqué Theodore Mbainaissem, responsable des opérations du Programme alimentaire mondial (PAM) à Diffa.

Dans la ville de Diffa, il règne sur le marché aux bestiaux une atmosphère de désolation. « De moins en moins de gens amènent leurs bêtes ici, à cause de la fermeture de la frontière. Le prix des moutons a chuté de 60 pour cent, » a dit Yousufa Bukar, un vendeur qui a admis avoir un besoin urgent d’argent liquide pour pouvoir acheter de la nourriture. Les plus optimistes gardent leurs animaux en espérant la réouverture de la frontière.

C’est la troisième année consécutive de sécheresse pour la région de Diffa. Beaucoup ont perdu toutes leurs vaches et n’ont plus que quelques moutons et quelques chèvres ; certains ont quelques chameaux. La production agricole a atteint son point le plus bas depuis trois ans. Pour une partie des paysans qui cultivent des poivrons sur les rives du Koumadougou-Yobé, qui sert de frontière entre le Niger et le Nigeria, la récolte n’a pas été bonne, parce que les cultures ont été ravagées par les insectes. Beaucoup ne peuvent plus se permettre d’acheter de la nourriture.

En temps normal, l’argent de la vente d’une chèvre aurait permis d’acheter trois sacs de 100 kilos de millet. Aujourd’hui il faut vendre trois chèvres pour avoir un seul sac, a expliqué Hadjara Abdou, une responsable du Bureau pour la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA) à Diffa.

Le prix des céréales est lié à celui du carburant, a dit M. Mbainaissem du PAM. Le prix du diesel a toujours été plus bas à Diffa que n’importe où ailleurs au Niger, à cause des importations informelles de diesel du Nigeria. « Depuis la fermeture de la frontière, le prix a augmenté de près de 200 francs CFA (0,40 dollar) par litre, ce qui a affecté le prix de toutes les marchandises. »

Les agences humanitaires basées à Diffa disent elles aussi que Boko Haram présente une menace directe : "Nous envisageons de déménager nos bureaux loin de la route principale, car nous pensons être des cibles trop évidentes, » a déclaré le directeur d’une agence.

De l’aide en vue ?

Les autorités et les agences humanitaires disent que l’aide va arriver : Selon M. Djibo, le gouvernement va fournir du millet et du sorgho à la population de Diffa à la moitié du prix du marché. Il est aussi prévu de fournir de l’alimentation animale. Mais nul ne peut savoir si cette assistance sera suffisante pour huit mois. « Nous aurons une idée de la situation réelle en avril, » a noté un travailleur humanitaire.

Un responsable humanitaire auquel a parlé IRIN a réclamé de meilleures routes pour relier Diffa aux autres régions du Niger, mais les liens avec le Nigeria sont « plus profonds que cela, ce sont des liens sociaux, » a déclaré M. Djibo. « Nous devons l’accepter. »

Le Plan de soutien aux populations vulnérables [ http://www.cic.ne/IMG/pdf/plan_soutien_2012_7fev_VF.pdf ] publié en février 2012 par le gouvernement du Niger souligne que dans les zones rurales, 32,1 pour cent des ménages souffrent d’insécurité alimentaire, insécurité modérée pour 25,8 pour cent et sévère pour 6,3 pour cent d’entre eux.

Pour les personnes souffrant d’insécurité alimentaire sévère, le gouvernement prévoit divers programmes de transfert d’argent, d’argent contre travail et de vivres contre travail, ainsi que des distributions gratuites de vivres. D’après le rapport, au niveau national, 5 458 871 personnes sont dans une situation d’insécurité alimentaire.

Source : http://www.irinnews.org