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Niger. La libération d’un activiste doit aussi s’appliquer à toutes les personnes arrêtées pour avoir exprimé des opinions dissidentes

D 24 avril 2017     H 05:54     A Amnesty International     C 0 messages


La libération aujourd’hui d’un activiste est un signe positif pour les droits humains au Niger, qui doit se poursuivre et se confirmer avec celle des autres activistes et étudiants arrêtés pour avoir exprimé leur opinion, a déclaré Amnesty International.

Le tribunal de Niamey, la capitale, a ordonné ce matin la remise en liberté de Maikoul Zodi, Président du Mouvement des jeunes républicains, une organisation de défense des droits des jeunes, interpellé le 5 avril dernier par des éléments de la police judiciaire. Il était poursuivi pour « concussion », mais le tribunal a estimé que ces faits n’étaient pas constitués.

« Les autorités nigériennes doivent aller plus loin en relâchant immédiatement et sans condition toutes les personnes arrêtées pour avoir exprimé leur opinion, notamment le journaliste Baba Alpha, célèbre pour ses prises de position sur la chaîne privée Bonferey, et les membres de la direction de l’Union des scolaires nigériens, » a déclaré Gaétan Mootoo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

Le climat est tendu au Niger depuis le début du mois avec l’arrestation de plusieurs voix dissidentes et la répression brutale de manifestations d’étudiants. Cela a entraîné la mort, le 10 avril dernier, de l’étudiant Mala Bagallé après que les forces de sécurité ont fait irruption dans le campus pour disperser à coups de grenades lacrymogènes des étudiants qui protestaient contre l’âge limite de 24 ans imposé par la réforme de l’aide sociale et la suspension du paiement des arriérés de bourses. Les étudiants ont riposté avec des jets de pierre. Il y a eu l’arrestation d’au moins 300 élèves et étudiants sur toute l’étendue du territoire national.

Selon les autorités, la mort de l’étudiant Mala Bagallé n’a aucun lien avec les "opérations de maintien de l’ordre" qui n’ont occasionné "aucune perte en vie humaine". Mais, selon l’Union des scolaires nigériens (USN) et les parents de l’étudiant décédé, il aurait reçu un tir tendu de grenade lacrymogène au niveau de la nuque alors qu’il était debout devant l’entrée du campus. Il y a eu des dizaines de blessés aussi bien dans les rangs des étudiants que des forces de l’ordre.

Amnesty International considère que la réponse brutale des forces de sécurité constitue un usage excessif et disproportionné de la force et viole les droits des manifestants à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

« Les autorités doivent prévenir tout usage excessif de la force qui risquerait d’embraser une situation déjà tendue, et ouvrir une enquête approfondie, indépendante et impartiale afin d’établir les circonstances exactes de la mort de l’étudiant Mala Bagallé et des blessures occasionnées aux autres. Elles doivent aussi traduire en justice les personnes mises en cause au cours d’un procès équitable sans recours à la peine de mort, » a déclaré Gaetan Mootoo.

Des membres de la société civile et des étudiants de l’USN ont dû reporter à une date ultérieure pour cause de deuil de l’étudiant Malla Bagallé, la manifestation pacifique qu’ils devaient organiser ce mercredi 19 avril pour exiger une enquête indépendante sur les circonstances de la mort de l’étudiant.

A Niamey, 66 élèves et étudiants dont 9 jeunes filles avaient été interpellés le 10 avril et détenus au camp Bano de l’école de police. Amnesty International a pu se procurer la liste de 17 autres personnes également arrêtées et détenues dans les locaux de la police judiciaire. A ce jour, sept étudiants blessés sont en attente d’être entendus par un juge.

Selon les informations recueillies par Amnesty International, plusieurs étudiants arrêtés ont subi des mauvais traitements avant leur arrivée au camp et à la police judiciaire. Les forces de sécurité ont asséné plusieurs coups de matraque à certains étudiants alors que d’autres ont vu leur tête rasée. L’organisation appelle les autorités à faire la lumière sur ces mauvais traitements afin d’en identifier les responsables. La majorité des étudiants arrêtés sera toutefois libérée sans charge le vendredi 14 avril.

La veille, le doyen des juges avait placé sous mandat de dépôt les étudiants membres de la direction de l’USN, transférés à la prison civile de Niamey. Yayé Djibo secrétaire général adjoint du comité directeur de l’USN, d’Ousseini Amadou secrétaire chargé de la presse, Seyni Hamani Chaibou et Mahamadou Gohe Hachimou de l’Union des étudiants nigériens à l’Université de Niamey (UENUN) sont poursuivis pour participation à une manifestation illégale, atteinte à la liberté de circulation et rébellion.

Le journaliste Ulrich Benjamin de la chaine Canal 3 qui couvrait la manifestation a été insulté et a reçu une gifle de la part d’un élément des forces de sécurité, alors qu’il demandait à son cameraman de filmer un étudiant que des forces de sécurité passaient à tabac.

De son côté, le porte-parole de la police le capitaine Adily Toro a déclaré aux médias que « trois policiers ont été identifiés comme suspectés d’avoir participé à ces forfaits… La direction générale de la police nationale se démarque totalement de ces actes et ne saurait ni cautionner, et encore moins protéger les auteurs de tels actes ».

« Il est essentiel que les responsables de l’agression du journaliste et des blessures des étudiants soient identifiés et tenus de rendre des comptes. Les autorités au plus haut niveau doivent annoncer clairement et publiquement que le recours excessif à la force ne saurait être toléré, » a déclaré Gaetan Mootoo.