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Niger : Séminaire annuel des leaders paysans et acteurs de la société civile sur le droit à l’alimentation

D 4 décembre 2016     H 05:43     A     C 0 messages


Du 15 au 20 Novembre 2016, s’est tenu, à l’espace Frantz Fanon, au siège d’Alternative espaces Citoyens, le séminaire annuel des leaders paysans et acteurs de la société civile sur le droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire ; organisé par un Consortium d’organisations de la société civile nigérienne (Alternative Espaces Citoyens, ANDDH, AREN, Mooriben et Timidria), ce séminaire porte sur le thème général : « informer, sensibiliser et mobiliser le monde rural pour promouvoir et défendre le droit à l’alimentation ».

Nous, leaders paysans et acteurs de la société civile, issus des différentes régions de notre pays, faisons, à l’issue de ce séminaire, la déclaration dont la teneur suit :

 Considérant que le droit à l’alimentation est reconnu dans les instruments juridiques internationaux ratifiés par l’Etat du Niger) à savoir la déclaration universelle des droits de l’homme, de 1948, et le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC), de 1966 ;

 Considérant que ces instruments juridiques (DUDH, PIDESC) font partie intégrante de la constitution du 25 novembre 2010 dont l’article 12, consacre du reste « le droit à une alimentation saine et suffisante dans les conditions définies par la loi » ;

 Constatant que malgré les dispositions pertinentes des instruments juridiques internationaux et de la constitution, notre pays ne dispose ni d’une loi sur droit à l’alimentation, ni d’une politique agricole et pastorale orientée vers la réalisation progressive du droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire, et ce aux mépris des articles 12, 146 et 184 de la loi fondamentale ;

 Considérant que l’absence d’un cadre juridique et d’une politique agricole et pastorale appropriés constitue une porte ouverte à toutes les dérives pouvant mettre en péril la vie et le devenir des personnes vulnérables, en particulier les paysannes et des paysans, qui ont plus que jamais besoin de la protection publique, contre les effets dévastateurs des politiques néolibérales ;

 Considérant que l’article 2 du pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels stipule que « chaque Etat partie s’engage à agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives ;

 Considérant que la constitution oblige les gouvernants non seulement à « investir dans les domaines prioritaires, notamment l’agriculture, l’élevage, la santé et l’éducation », mais aussi à « faire de la création des richesses, de la croissance et de la lutte contre les inégalités un axe majeur de ses interventions, à promouvoir la souveraineté alimentaire, le développement durable, l’accès de tous aux services sociaux ainsi que l’amélioration de la qualité de vie. »

 Considérant que l’Etat du Niger est partie à la déclaration de Maputo qui l’engage à « consacrer au moins 10% du budget général » en faveur de le secteur de l’agriculture et l’élevage et le résolutions de l’OMS recommandant aux États de consacrer au moins 10% de leur budget à la santé ;

 Constatant le non respect par le Gouvernement de ses engagements en matière de financement dans les secteurs de l’agriculture, l’élevage, la santé et l’éducation dans le projet de budget 2017 ;

 Considérant que les prévisions des dépenses des secteurs de l’agriculture et de l’élevage ne représentent que 3,6% du budget général de l’Etat pour l’année 2017, celles du secteur de l’éducation ne représentent que 14% et celles du secteur de la santé seulement 6%.

– Considérant que le monde rural sahélien tout entier fait face à des menaces existentielles de plus en plus persistantes, portées notamment par les accords de partenariat économique, le phénomène d’accaparement des terres agricoles et pastorales par des investisseurs locaux et internationaux, la multiplication des foyers de conflits armés et les politiques anti migratoires ;

 Considérant que derrière ces nouvelles menaces se joue particulièrement le devenir des petits exploitants agricoles et pastoraux, et plus généralement le devenir de la paix et des pays de la sous région. Il est temps d’ouvrir les yeux !

Au regard de tout ce qui précède, Nous, participants au séminaire annuel sur le droit à l’alimentation :

Sur la nécessité de Bâtir un cadre juridique et politique approprié pour la mise en œuvre du droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire au Niger :

Déplorons l’absence, au Niger, d’une loi sur le droit à l’alimentation et une politique agricole orientée vers la réalisation du droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire ;

Recommandons par conséquent au Gouvernement de prendre sans délai les mesures appropriées pour doter notre pays d’une véritable politique agricole orientée vers la réalisation du droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire au Niger. Cette politique agricole doit réserver une place de choix aux paysannes et paysans et offrir une meilleure protection de l’agriculture familiale ; car au Niger, plus de 85% des personnes vivent en zones rurales (INS, 2015) et la survie de la plupart d’entre elles dépend de l’activité agricole qu’elles mènent dans le cadre de leur petites exploitations agricoles et familiales.

Sur la nécessité de protéger les petits exploitants agricoles face aux nouvelles menaces résultants des politiques néolibérales : accaparement des terres, pillages de semences, changement climatique, insécurité armée :

Nous, participants au séminaire :

Condamnons avec la dernière énergie toute velléité d’accaparement des terres agricoles et pastorales par des prétendus investisseurs locaux et étrangers. Les participants exigent la cessation de tout projet d’accaparement des terres à grande échelle, en particulier, nous nous insurgeons contre le projet d’accaparement de 120.000 ha de terres agricoles et pastorales dans la région de Diffa par une société étrangère ;

Recommandons aux organisations paysannes et de la société civile de faire une cartographie des terres accaparées et celles qui sont en passe de l’être et susciter une véritable campagne de mobilisation citoyenne pour contrer ce phénomène ô combien périlleux pour le monde rural et le devenir paysan ;

Demandons au Gouvernement l’abandon de toute politique anti migratoire ; car la migration, telle qu’elle est pratiquée/vécue chez nous, en Afrique de l’Ouest, elle reste et demeure saisonnière et circulaire et constitue un pilier important de résilience, en particulier en milieu rural ; Du reste, « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays », c’est un droit humain fondamental reconnu à tous et à toutes, sans discrimination aucune, par les instruments juridiques internationaux, régionaux, sous régionaux et nationaux.

Sur la nécessité d’accroitre le financement public du secteur agropastoral au Niger et les secteurs sociaux de base (santé, éducation) et réduire les inégalités :

Nous, participants au séminaire sur le droit à l’alimentation :

Fustigeons la non prise en compte de nos droits fondamentaux lorsqu’il s’agit d’inscrire des ressources budgétaires suffisantes pour les mettre en œuvre ;

Sommes particulièrement ulcérés de constater les injustices et l’iniquité en matière des allocations des ressources. Nous sommes particulièrement frappés par le grand paradoxe qui caractérise l’attitude de nos gouvernants, car la plupart des domaines qui reçoivent plus de ressources sont ceux qui ne sont pas déclarés officiellement prioritaires ; et inversement, ceux qui sont reconnus officiellement prioritaires ne bénéficient que de peu d’égard en matière d’allocation budgétaire ;

Demandons, par conséquent, aux parlementaires, actuellement en pleine session budgétaire, de procéder à une réallocation des ressources en faveur de l’agriculture, l’élevage, la santé et l’éducation, secteurs prioritaires, conformément à l’article 153 de la constitution.

Recommandons plus particulièrement d’accorder une place de choix aux investissements dans l’agriculture familiale, voie royale pour réaliser les droits fondamentaux des ruraux et asseoir les bases d’une paix durable dans notre pays.

Précisons que l’allocation des ressources dans ce secteur doit promouvoir l’agro-écologie, qui constitue à nos yeux, un formidable outil de développement qui offre de vraies réponses aux défis majeurs de notre époque. Elle assure l’avenir, la durabilité des systèmes agricoles, la souveraineté alimentaire du pays, la réduction de la pauvreté et la gestion durable de l’environnement, dans le respect du savoir-faire paysans et de la diversité culturelle de la population nigérienne.

Sur la nécessité des convergences d’actions voire de la construction d’un mouvement paysan fort pour défendre les droits fondamentaux des paysans, en particulier notre droit fondamental à l’alimentation et la souveraineté alimentaire :

Face à la gravité de la situation,

Convaincus, que seul un mouvement social paysan fort et conscient des enjeux et défis de l’heure ô combien nombreux, peut influencer les politiques publiques à l’échelle locale, nationale et sous régionale, et défendre efficacement les droits fondamentaux du monde rural, les participants au séminaire recommandent :

Aux organisations paysannes et celles de la société civile œuvrant dans la défense des droits humains et la démocratie d’unir leurs forces pour construire un mouvement social fort capable de prendre efficacement en charge les menaces que sont l’accaparement des terres agricoles et pastorales, faible financement dans le secteur de l’agriculture, pauvreté en milieu rural, conflit armé, violations massives des droits humains) ;

Aux participants à ce séminaire d’organiser des rencontres de restitutions des débats et conclusions de cette grande rencontre dans leurs localités respectives et s’engager à multiplier des actions et initiatives pour la protection, la promotion et la défense des droits humains, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels ;

A l’Observatoire sur le droit à l’alimentation d’instituer le présent séminaire annuel et l’organiser de façon tournante pour en faire un véritable outil de réflexion, de sensibilisation, d’information et de mobilisation des paysans et des défenseurs des droits humains autour de la défense, la promotion et la protection des droits fondamentaux du monde rural en général, et le droit à l’alimentation et la souveraineté alimentaire en particulier.

En avant pour l’émergence d’un mouvement paysan, uni et fort pour une meilleure protection des droits fondamentaux des paysans, gage de la paix et la quiétude sociale ;

Fait à Niamey le 20 Novembre 2016