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Au Nigeria, la coupure des réseaux téléphoniques perturbe le commerce

D 4 juillet 2013     H 05:32     A IRIN     C 0 messages


KANO - Depuis le 15 mai, le réseau de téléphonie mobile est coupé dans de vastes régions de trois États du nord-est nigérian dans le cadre d’une offensive militaire contre les islamistes de Boko Haram (BH). Les résidents, anxieux, disent que les malades sont coupés de l’aide médicale, que les marchandises disponibles s’épuisent et que les prix des denrées alimentaires augmentent.

Les États affectés sont ceux de Borno, de Yobe et d’Adamawa. À la suite d’une recrudescence des violences associées au BH dans la région, le gouvernement nigérian a envoyé des milliers de soldats supplémentaires dans le nord-est du pays à la fin mai. L’armée a procédé à des frappes aériennes sur les camps de BH et fait un nombre indéterminé de victimes.

À Maiduguri, la capitale de l’État de Borno - qui a été particulièrement touchée par les trois années d’insurrection de BH -, les activités commerciales, déjà perturbées par l’insécurité prolongée, se sont effondrées, ont dit les résidents. Les commerçants sont en effet incapables de commander des marchandises à leurs fournisseurs de Kano et de Lagos. Les prix du riz, du maïs et du millet ont donc augmenté de 25 à 150 pour cent.

Un sac de 50 kilogrammes de riz, qui se vendait auparavant pour l’équivalent de 51 dollars, coûte maintenant 95 dollars ; le prix du sac de maïs est passé de 25 à 41 dollars et celui du sac de millet, de 46 à 63 dollars, selon les commerçants.

L’épicier Sanda Adamkolo a dit qu’il vendait maintenant ses sacs de piments pour 101 dollars au lieu de 38 dollars.

Simon Bulus, un commerçant de Maiduguri, a dit à IRIN que ses réserves de conserves, de jus, de farine, de riz, de pâtes, de sucre, d’assaisonnements, de lait et de savon étaient épuisées parce qu’il n’a pas pu joindre par téléphone son fournisseur habituel. « J’ai commandé 50 cartons d’items variés [d’un autre fournisseur], mais j’en ai reçu 20 seulement à cause de la demande élevée des autres commerçants », a-t-il dit à IRIN.

La vaste majorité des Nigérians n’ont pas de ligne fixe et dépendent des télécommunications mobiles.

L’armée a interdit aux camions de se rendre dans l’État de Borno, ce qui donne lieu à de graves pénuries, a dit Bukar Zanna, directeur de l’association des commerçants de la ville de Gamboru Ngala. « Nous craignons de manquer bientôt des denrées essentielles si la situation persiste », a dit M. Zanna à IRIN.

Abdurrahman Tahir, directeur médical au centre hospitalier de l’université de Maiduguri, a dit à IRIN que l’hôpital ne pouvait pas envoyer des médecins aux urgences et qu’il était impossible de transporter des malades ou des blessés à l’hôpital sans services de communication.

Ils n’abandonnent pas pour autant, a-t-il ajouté. « Nous avons ressorti nos vieux émetteurs-récepteurs radio brisés et acheté plus de talkies-walkies pour le personnel médical. »

Le lieutenant-colonel Sagir Musa, porte-parole de l’armée dans l’État de Borno, a dit que les restrictions à la libre circulation des marchandises imposées dans certaines régions du nord de Borno ont pour objectif d’empêcher que les denrées tombent entre les mains de BH. « Nous ne voulons pas que des denrées destinées aux résidents finissent entre les mains de terroristes. Nous avons dit aux leaders des communautés de certaines régions d’informer l’armée s’ils prévoient de se ravitailler afin que nous puissions leur fournir la couverture sécuritaire nécessaire pour acheminer les marchandises. »

« Inconvénients »

« La coupure du réseau téléphonique est une stratégie opérationnelle pour paralyser BH. L’absence de communication les empêche de s’organiser et crée la confusion dans leurs rangs. Nous savons qu’il y a des inconvénients pour la population, mais les avantages sur le plan de la sécurité sont supérieurs à ceux-ci », a dit à IRIN un haut responsable de l’armée impliqué dans l’offensive militaire à Maiduguri.

Selon lui, BH modifie des téléphones portables pour en faire des détonateurs à distance pour des bombes artisanales. La coupure du réseau a contribué à réduire la campagne d’attentats presque quotidiens de BH, a-t-il ajouté.

Le 14 mai 2013, le président Goodluck Jonathan a imposé l’état d’urgence dans les trois États considérés comme des bastions de BH et accordé des pouvoirs très larges à l’armée pour récupérer des territoires de Borno qui sont sous le contrôle de BH depuis janvier. Les bombardements des camps de BH ont poussé la plupart des rebelles à se disperser ; nombre d’entre eux se seraient apparemment réfugiés de l’autre côté de la frontière tchadienne.

Des résidents anxieux

De nombreux résidents sont inquiets parce qu’ils n’ont pas pu contacter leur famille. « Depuis plus de deux semaines, je n’ai eu aucun contact avec mes parents, mes frères et ma soeur qui habitent Gubio », a dit Bulama Mali Gubio, porte-parole du Borno Elders Forum (BEF). « J’ignore dans quelle situation ils se trouvent et cela me préoccupe. » La plupart des travailleurs qui ne sont pas originaires de Maiduguri ont envoyé leur famille à l’extérieur de la région pour des raisons de sécurité.

Ceux qui sont restés sont nombreux à fréquenter les cybercafés qui traitent avec des fournisseurs Internet indépendants des principaux opérateurs de téléphonie mobile. De longues files se forment devant leurs portes.

« Cela fait quatre heures que j’attends, mais ce n’est pas encore mon tour. Je ne partirai pas tant que je n’aurai pas écrit un courriel à ma femme pour lui dire que je suis sain et sauf. Je sais qu’elle s’inquiète parce que je n’ai pas donné de nouvelles depuis presque trois semaines », a dit Michael Adeleke, fonctionnaire fédéral.

« J’ai viré un peu d’argent dans le compte bancaire de ma femme pour qu’elle sache que je suis vivant et que je me porte bien », a dit Ahmed Bawa, un auxiliaire médical dont la famille vit à Kaduna.

Les résidents qui en ont les moyens se tournent vers les téléphones satellitaires Thuraya, qui coûtent jusqu’à 1 000 dollars et pour lesquels les frais d’appels sont élevés.

Certains vont jusqu’à parcourir les 240 kilomètres qui les séparent du village de Dagauda, dans l’État de Yobe, pour faire des appels, a dit Kabiru Dalhatu, un résident de Maiduguri. « Notre village est devenu une sorte de Mecque au cours des deux dernières semaines. Des dizaines de personnes - y compris des militaires et des policiers - viennent en voiture depuis Maiduguri, Damaturu et Potiskum pour faire des appels et repartent ensuite », a dit à IRIN Danlami Inuwa, un habitant de Dagauda.

Source : http://www.irinnews.org