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L’accélération requise de la réponse humanitaire dans le nord-est du Nigeria

D 25 mai 2014     H 05:21     A IRIN     C 0 messages


En raison de craintes d’ordre sécuritaire, d’un manque d’acteurs humanitaires sur le terrain et d’un trop plein de confiance dans la capacité du gouvernement nigérian à gérer seul ses propres crises, bon nombre des milliers de personnes déplacées par les attaques de Boko Haram dans le nord-est du pays se retrouvent sans nourriture, avec un accès restreint (voire nul) aux soins de santé ou à des denrées de base de type eau potable et couvertures.

L’autorité nigériane chargée de la gestion des catastrophes fait appel à la communauté internationale pour doper urgemment la réponse humanitaire.

« Nous ne pouvons pas répondre aux besoins de toutes [les personnes affectées] - nous n’avons pas les ressources adaptées. Nous faisons de notre mieux mais ce n’est pas simple », a dit à IRIN Manzo Ezekiel, le porte-parole de l’Agence nigériane de gestion des urgences (NEMA) qui gère l’intervention humanitaire. « Nous avons besoin de l’aide des ONG internationales. Le gouvernement ne peut pas y arriver seul. » La NEMA et l’Agence de gestion des urgences de l’État (SEMA) supervisent la réponse humanitaire.

Selon la dernière évaluation de la NEMA, les violences ont déplacé 249 446 personnes dans les États de Yobe, Borno et Adamawa entre janvier et mars 2014. La moitié des 12 millions d’habitants que totalisent ces trois États est directement affectée par ces violences.

Le groupe extrémiste Boko Haram mène une campagne de violence aveugle depuis plusieurs années. Lors de sa dernière attaque, il a enlevé 100 écoliers du pensionnat de Chibok, dans l’État de Borno.

La plupart des déplacés sont confrontés à des conditions sanitaires « effroyables », selon la NEMA, avec une seule latrine pour 500 personnes ; le système de santé, déjà branlant, se trouve désormais dans un état de « délabrement total » - 37 pour cent des centres de santé primaire ont fermé ; et les civils victimes de brutalités n’ont pas de commission des droits de l’homme vers laquelle se tourner.

La majorité des personnes interrogées par la NEMA ont indiqué avoir réduit la fréquence de leurs repas de trois à un par jour. Lors de l’évaluation du mois de mars, 200 000 personnes avaient bénéficié des distributions de denrées alimentaires de l’agence, mais 50 000 autres n’y avaient pas encore eu accès.

Pourquoi la réponse tarde-t-elle autant ?

La mise en place de l’aide a pris du temps pour diverses raisons. Tout d’abord, les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) sont difficiles à localiser car seule une minorité vit dans des camps - pour l’essentiel, elles séjournent chez des membres de leur famille ou chez des amis vivant dans les capitales de ces États, ou dans les États du sud.

« Les PDIP craignent d’être attaqués dans les camps. Elles préfèrent s’installer en zone urbaine en cherchant à s’intégrer aux familles hôtes. Mais la capacité d’absorption de ces familles touche à ses limites », a dit Choice Okoro, représentante d’OCHA au Nigeria. « Nous devons porter assistance à une population qui ne vit pas en camp, et se déplace constamment », a-t-elle dit. « Habituellement, les populations déplacées de ces trois États en situation d’urgence vivent en famille d’accueil, puis c’est au tour de ces familles d’être attaquées. »

La NEMA a depuis désigné un lieu d’hébergement pour les PDIP dans l’État de Gombe touché par les inondations, et met actuellement en place des systèmes de coordination et de gestion du camp.

La violence aveugle de Boko Haram entrave également l’accès de l’aide, qui reste difficile à négocier pour les organisations humanitaires qui en font la tentative.

« Dans le nord-est, le problème est d’ordre sécuritaire - on n’a pas la moindre idée de ce qui peut se passer d’un jour sur l’autre », a dit M. Ezekiel de la NEMA à IRIN.

Les organisations humanitaires sont rares dans le nord-est du Nigeria, essentiellement en raison de l’insécurité mais également parce que le gouvernement est solide, et qu’il donne traditionnellement l’image d’être capable de gérer ses problèmes lui-même malgré un niveau de malnutrition chronique élevé et des infrastructures de santé chancelantes. Seule une dizaine d’organisations humanitaires sont présentes sur place, dont quelques-unes seulement interviennent, notamment la Croix-Rouge du Nigeria, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le Comité international de secours (IRC), Action contre la faim, et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). La plupart d’entre elles ont décliné les demandes d’interview d’IRIN.

« Pris par surprise »

« [Traditionnellement], c’est en effet un pays qui accueille les populations en difficulté des pays voisins [comme le Niger] et qui est considéré comme l’un des plus stables de cette région », a dit Mme Okoro d’OCHA. « C’est la première fois que l’on assiste à un déplacement de cet ampleur engendré par un conflit, et le pays et la communauté internationales ont été pris par surprise », a-t-elle dit.

Les acteurs humanitaires veulent en faire plus mais ont des difficultés à trouver des « points d’entrée », a-t-elle dit. « Nous ne pouvons pas intervenir au Nigeria comme s’il s’agissait d’un pays de trois millions d’habitants alors qu’il en compte près de 200 millions. »

Les discussions sur la marche à suivre prennent de la vitesse, notamment parce que « les acteurs reconnaissent que le Nigeria, du fait de son rôle sur le plan régional, ne peut pas s’écrouler », a-t-elle dit.

Jusqu’à présent, ECHO - l’organe humanitaire de l’Union européenne - a versé 7,5 millions d’euros pour contribuer à la prise en charge des besoins humanitaires du Nigeria, y compris ceux n’ayant pas de rapport avec les attaques de Boko Haram ; mais l’essentiel de la réponse visant les PDIP a été financé par le Comité présidentiel pour les secours et le rétablissement post-inondations fondé en 2012.

Prochaines étapes

La NEMA, ECHO, OCHA, l’Organisation internationale pour les migrations et d’autres organismes se sont réunis le 15 avril pour débattre de la manière dont accélérer la réponse, notamment en améliorant la communication avec l’armée pour garantir un accès sécurisé.

La meilleure voie à suivre « dans un contexte si fluide et si incertain », serait de collaborer avec des ONG nationales et communautaires, a dit Mme Okoro.

La NEMA, OCHA et les organisations intervenant sur place partagent leurs informations plus ouvertement, et la NEMA a annoncé qu’elle essaierait de faciliter l’accès des ONG.

OCHA et le gouvernement travaillent de concert à un plan d’action humanitaire dont le lancement est prévu en mai, et lanceront un appel de fonds de 75 millions de dollars US pour venir en aide aux personnes touchées par le conflit.

Source : http://www.irinnews.org