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Fadel Barro du mouvement « Y’en a marre » du Sénégal : « Nous sommes des fils de Thomas Sankara »

D 8 juillet 2012     H 10:16     A Moulay     C 0 messages


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« Je suis un Barro du Sénégal, pas du Burkina Faso (rires). », nous accueille avec humour Fadel, la figure emblématique du mouvement « Y en a marre ». Il dit qu’il a été agréablement surpris de savoir qu’il y a des Barro au Burkina. Ce journaliste de métier est devenu un personnage important dans la vie politique sénégalaise depuis la croisade de 2011 contre la troisième candidature d’Abdoulaye Wade. A l’occasion du premier anniversaire de l’insurrection du 23 juin contre le projet du ticket présidentiel de Wade (amené à l’Assemblée pour adoption), nous l’avons rencontré à Dakar pour échanger sur leur lutte et la nouvelle donne qui a vu l’élection à la présidence d’un ancien allié, Macky Sall. Que vont-ils devenir ?

Mutations : Pourquoi le mouvement « Y’en a marre » ?

Fadel Barro : Je suis le modeste coordonnateur du Mouvement « Y’en a marre » qui est né dans la nuit du 15 au 16 janvier 2011 ici à Dakar. Le mouvement a été créé par un groupe de rappeurs et de journalistes suite à une analyse profonde de la situation du pays. Longtemps restés indifférents et passifs, nous nous sommes sentis interpellés par les dérives du pouvoir d’Abdoulaye Wade. Nous avons trouvé que nous avions longtemps croisé les bras face à un système qui devenait de plus en plus arrogant et qui chaque jour imposait des situations inadmissibles et inacceptables au peuple.

En effet, à l’époque, la vie au Sénégal était rythmée par des coupures intempestives d’électricité, des scandales financiers à coût de milliards, une injustice sociale extraordinaire, l’arrogance du régime de Abdoulaye Wade dont le système et ses hommes affichaient une indifférence face aux souffrances de la population. A l’époque, on s’était senti abandonné en tant que citoyen sénégalais. Abandonnés par les élites politique, syndicale, maraboutique… il n’y avait quasiment personne pour se faire l’écho sonore de nos frustrations et de nos préoccupations et faire entendre et dire à ceux qui sont au pouvoir de s’arrêter. Au tour de ces réflexions et de ces discussions qui se menaient entre amis, on a décidé une nuit de mettre sur pied un mouvement qui s’appelle « Y’en a marre ».

Pourquoi Y’en a marre ? Parce qu’on en avait marre tout simplement. C’était une manière d’exprimer notre ras le bol, de dire que ça suffit, mais surtout de dire que y’en a marre de nous même qui restons les bras croisés sans rien faire ; yen a marre des coupures d’électricité, yen a marre de la cherté de la vie, des inondations récurrentes sans solutions, des enseignants qui sont tout le temps en grève, yen a marre tout simplement d’être un pays sous développé. Yen a marre de rester les bras croisés ! Yen a marre…Donc on s’engage pour se faire entendre. C’est comme cela que le mouvement est né et très vite, on a su s’organiser et on s’est battu jusqu’au départ de Abdoulaye Wade et on continue le combat.

Vous avez été au cœur de la journée historique du 23 juin 2011 qui a été marquée par la fronde contre le projet de révision de la constitution pour instaurer un ticket présidentiel initié par l’ancien président Wade. Qu’est-ce qui vous a motivé à adopter cette posture ?

Le 23 juin est une date symbolique et historique pour le Sénégal mais déterminante et fondamentale pour le mouvement Y’en a marre. En ce sens que nous avions su provoquer avec les autres forces vives de ce pays des émeutes pour arrêter un projet de loi qui était sur le point de remettre en cause nos acquis démocratiques, qui voulait remettre surtout en cause l’option républicaine du Sénégal. Nous avons choisi de vivre dans une république et non dans une monarchie. Nous avons opté pour l’alternance en 2000 en remplaçant Abdou Diouf par Abdoulaye Wade pour dire que le Sénégal est un pays démocratique et nous voulons une démocratie qui respire.

Le Sénégal n’est pas le Gabon ni le Togo où un président peut choisir son fils ou designer quiconque pour le remplacer. Abdoulaye Wade avait voulu le faire à travers un projet de loi scélérate que les députés de sa majorité s’apprêtaient à voter pour instaurer le ticket présidentiel qui permettrait d’élire le président de la république et son vice président avec seulement 25% du suffrage. Nous l’avons combattu dans la rue et nous avons obtenu gain de cause. La majorité du peuple s’en est opposée dans la rue et a dit « non ». Donc ce 23 juin était symbolique.

Nous avons commémoré cette date le 23 juin 2012 pour nous souvenir mais surtout pour rappeler à ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui, qu’il ya cette forte opinion publique qui est là, qui veille et qui ne laissera plus faire n’importe quoi. Je dois vous rappeler qu’à l’origine du mouvement, nous avons refusé d’être un parti politique parce que les politiques sont restés indifférents face aux préoccupations des populations, mais ils ont surtout réussi à exclure la majorité des Sénégalais dans la gestion des biens publics. Et c’est malheureusement ce qu’on constate un peu partout en Afrique où vous voyez des partis politiques qui s’organisent pour dire que le bien public et le développement sont leurs affaires ; et ainsi, ils réussissent à exclure de ce fait les autres.

Alors qu’un pays ne peut pas se développer si la majorité des bras et des énergies de ses fils et filles ne sont pas exploitées. Donc Yen a marre est un appel à toutes les jeunesses à s’occuper de leur pays et à s’occuper de leur propre destin. C’est pourquoi le 23 juin, nous étions dans une campagne de sensibilisation avec le thème :« ma carte mon arme » pour inciter les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales. Y’en a marre qui avait déjà six mois d’existence et qui avait déjà ses démembrements à travers tout le pays s’est levé avec les différentes forces vives- notamment la RADDHO d’Alioune Tine-, pour se battre et dire non jusqu’à ce que Wade recule.

On est revenu sur cette date d’abord pour dire que non seulement, c’est une date qui appartient à tous les Sénégalais et que par conséquent, il faut la mémoriser ; ensuite pour dire à Macky Sall que nous restons vigilants et enfin pour le symbole que cette date incarne. Parce que un pays a besoin de référence. La fête du travail aujourd’hui qui est commémorée à la date du 1er mai est devenue une fête internationale. Mais à l’origine, ce sont des ouvriers américains qui se sont battus. Leur combat a été tellement légitime et retentissant que tout le monde s’en souvient. Cette histoire était loin des ouvriers africains mais malgré tout, elle fait l’objet d’une commémoration à l’échelle de la planète. Si on est capable de fêter le 1er mai bien qu’elle soit une histoire qui ne nous concerne pas de près, nous qui avons fait le 23 juin 2011, nous avons le droit de nous réunir à la même date en 2012 pour dire que c’est le jour où on a été le plus fier d’être sénégalais. Parce que c’est le jour où on a exprimé notre ras le bol pour stopper une dérive monarchique car Abdoulaye Wade était sur le point de monarchiser notre pays !

Wade est parti. Il a perdu au second tour de la présidentielle de mars 2012. Après cette victoire, Yen a marre ne devait-il pas logiquement déposer son bilan et disparaitre ! Est-ce que votre concept n’est pas devenu obsolète ?

Quand on a créé le mouvement, on avait vite compris qu’il ne faut pas que Abdoulaye Wade en soit sa finalité. On avait vite compris que nous ne nous battons pas contre un homme mais contre un système. Et le système qui est là, c’est le système partisan et clanique des partis politiques. Une élite politique et politicienne qui a pris l’Afrique en otage depuis les indépendances. Vous voyez un peu partout en Afrique, il n’y a pas que le Sénégal, mais un peu partout, on observe qu’il ya une élite politique et politicienne qui est là et qui se succède aux affaires souvent avec les mêmes hommes, les mêmes partis et les mêmes familles et qui ont fini par créer la désaffection de la politique au niveau des peuples. Toute chose qui exclut d’office, la majorité des citoyens dans la gestion du projet de développement national. A partir de ce moment, ce n’est pas le changement d’un homme qui va résoudre le problème. Le changement ce n’est pas un jeu de chaises musicales ; pour nous, il n’est pas question qu’on change l’orchestre et qu’on continue de jouer la même symphonie. Primo, changer Abdoulaye Wade était une première étape.

On l’a fait, mais ça ne veut pas dire que le combat est fini. Deuxio, nous avons dit qu’il est clair que le changement véritable ne viendra pas d’un homme, ni d’un parti ni d’une coalition de partis. Ce sera l’œuvre du peuple qui aura décidé de prendre son destin en main. Et nous sommes en train de faire ce travail et il ne peut pas s’arrêter parce que Wade est parti. Au contraire, nous appelons tous ceux qui étaient aux affaires et qui ont été battus aux urnes d’aller à casanosa pour changer et revenir accompagner le Sénégal dans sa marche. Parce que pour nous, c’est le Sénégal qui compte. Ce ne sont pas les hommes politiques qui nous intéressent, mais c’est le pays. C’est vous dire que le combat ne fait que commencer.

Yen a marre a commémoré le 1er anniversaire du 23 juin le samedi dernier aux côtés de membres du gouvernement du nouveau pouvoir dirigé par Macky Sall. Fadel Barro et sa troupe n’ont –ils pas déjà gouté au fruit défendu de l’inféodation au régime en place ? Nous avons refusé des postes et des privilèges divers. Nous avons décliné des postes de nominations à de hautes fonctions sous l’ancien régime et sous le régime actuel. Nous ne nous battions pas pour ce genre d’avantages. Nous avons renoncé à tout cela parce que pour nous, ce qui est important et fondamental reste et demeure le travail d’accompagnement du peuple et de la jeunesse que nous avons entrepris.

Nous avons fait le pari de rester nous mêmes. Nous avons réussi ce que nous avons fait sans grand moyens et il n’est pas question de changer une attitude qui gagne. Nous avons fait le serment de contribuer à la création d’une masse critique d’hommes et de femmes engagés pour l’émergence d’une opinion publique forte. C’est ce qui manque à l’Afrique. Certes nous sommes conscients que la tâche n’est pas facile. Mais je pense que c’est la meilleure façon pour nous de rester connectés avec la base.

Maintenant, quant à la présence des membres du gouvernement dans la commémoration du 23 juin, nous avons dit que la date appartient à tous les Sénégalais. Même ceux qui ont été battus devaient se sentir concernés. C’est une date symbolique et de référence qui devait apprendre aux générations à venir qu’il ya eu des gens qui se sont battus à des moments donnés pour éviter qu’on ne sombre pas dans une dérive monarchique. Si l’Etat décide d’être présent pour accompagner l’élan, et que Macky Sall qui est membre du M23 contribue à cotiser et à soutenir le mouvement pour qu’il continue d’organiser des activités, on ne peut pas lui interdire cela comme personne ne peut renier son droit d’appartenance au M23. Cependant, nous qui sommes du M23 et surtout Yen a marristes, nous gardons une distance et un œil critique vis-à-vis de lui et de son pouvoir de sorte à pouvoir exercer notre rôle de contre pouvoir et de vigile de la démocratie.

Vous prônez l’émergence d’un nouveau type de Sénégalais (NTS). Pouvez-vous nous dresser un portrait de cette race de Sénégalais qui vous est si chère ?

Le NTS n’est pas une race, c’est un modèle. Nous avons hérité d’une classe politique qui ne cherche pas à diriger les hommes sur la base de leurs vertus et qui ne cherche pas à mettre en valeur ce qu’il ya de mieux pour nous telle que les notions de tolérance et de solidarité par exemple. Nous prônons l’avènement d’un « NTS » pour mettre en relief ce que nous avons de mieux chez nous. Certainement qu’il ya des contre valeurs que nous devons abandonner. Mais il faut remarquer que depuis la colonisation, on a mis en exergue ce qui nous divise, ce qui nous maintient dans les lambeaux de la servitude et de la contemplation pour pouvoir continuer de surfer sur nos misères et sur nos ignorances pour perpétuer le système de domination. Alors on a dit non. Désormais le NTS, c’est celui qui se dit que si le quartier est sale, je dois contribuer à le nettoyer sans attendre tout de l’Etat ; c’est celui qui se dit que désormais, les affaires publiques, ce sont nos affaires ; il doit se dire qu’il ne doit plus laisser le monopole de la citoyenneté aux partis politiques.

Il s’intéresse à tout ce qui se passe dans son pays et fait preuve d’une bonne conduite. Ainsi, le NTS forme une masse critique de citoyens responsables capables de dire « non » aux dérives à travers l’action. Et on ne reste pas seulement dans nos salons pour dire non, mais on s’organise pour l’exprimer sur le terrain et dans la rue et contester la manière dont le pays est gouverné. Donc le NTS, c’est un acteur du développement finalement. Je viens de finir une réunion avec des filles pour monter des chantiers de leadership et de l’entreprenariat jeune. Ce sont des initiatives qui sont portées par des femmes qui vont se battre pour aider des jeunes à libérer leurs talents, à avoir de la formation adéquate, à monter des projets et à trouver des financements pour ne plus attendre l’Etat. Mais en même temps, le NTS est un vigile, une sentinelle de la démocratie qui observe et qui apprécie. Il sait sanctionner et dire « non » quand il le faut.

Si on inculque cette perspective à la majorité de la population, forcement ceux qui seront élus seront obligés d’en tenir compte dans leur gouvernance parce qu’ils auront en face d’eux des citoyens responsables qui se refusent de se laisser conduire comme des moutons de panurge. Nous refusons de nous morfondre dans un fatalisme suicidaire. Nous avons amorcé ce changement de mentalité et nous y mettons notre engagement, notre volonté et notre énergie. Et je suis sûr que nous y parviendrons.

De plus en plus, les jeunes sont en proie au chômage ! Qu’est-ce que ce phénomène vous inspire ?

Le chômage n’est pas une fatalité. Malheureusement, tous les mécanismes qui sont mis en place pour lutter contre le chômage ne concernent qu’une élite instruite. Et en Afrique, ceux qui sont instruits ne constituent qu’une minorité. Nous avons des chantiers qui vont promouvoir l’entreprenariat des jeunes à travers des projets de création d’emplois dans différents secteurs (environnementaux, formations citoyennes et civiques…) par exemple. Si le mouvement Y en a marre qui n’est ni un bailleur de fonds, ni une structure gouvernementale, nourrit ces ambitions dans la lutte contre le chômage, cela veut dire que le gouvernement peut réussir à condition d’afficher une réelle volonté politique.

Mais si on pense qu’il n’ya qu’avec des milliards qu’on développe un pays, si les populations continuent de penser qu’on ne peut rien réussir sans des millions, on ne pourra pas s’en sortir. Parce qu’on va se refugier derrière des clichés et se dire qu’on n’a rien et donc on n’est rien. Si on ne se pose pas en homme capable de tracer les lignes de son destin, d’écrire ce qu’il sera demain, de penser à la mutualisation des ressources et des énergies, on ne va pas s’en sortir et le chômage sera là, ad vitam aeternam. Parce que nous avons la fâcheuse habitude de suivre les canaux de développement de l’occident et de ne pas compter sur nous-mêmes. Nous avons l’habitude de rappeler que les Chinois n’ont pas construit la grande muraille de Chine avec des milliards. L’Europe et la Chine se sont développés avec du génie, de l’engagement, de la volonté et du sacrifice de leurs peuples respectifs.

Conscients de cette donne, nous sommes en train de faire un plaidoyer en occident pour demander à la diaspora sénégalaise de revenir au pays pour mettre son expertise et ses ressources au service du développement du Sénégal. Parce qu’on en a marre d’être des Africains qui pensent que le développement, c’est en Europe que ça se passe, et tout le monde déserte le continent pour aller enrichir et développer davantage l’Europe. Et quand on deviendra grabataire, on reviendra polluer l’Afrique. On sera jeté comme des écorces, comme des citrons dont on presse le jus et qu’on jette l’écorche par-dessus bord. Il faut que si on accepte d’être un citron, qu’on laisse le jus chez nous. Il faut commencer à planter les graines chez nous.

Il faut commencer maintenant et peut-être que demain, nos enfants ne connaitront pas la même galère que nous. Demain nos enfants n’auront plus besoin d’aller en Europe ou mourir en mer. Y’en a marre veut convertir cette volonté et cette détermination de braver la mort pour aller à l’aventure en une opportunité pour investir chez nous et éradiquer ainsi le spectre du chômage endémique qui accable la jeunesse.

Quels conseils avez-vous à donner aux jeunes d’autres pays qui auraient les mêmes préoccupations que vous ?

Il faut s’engager. Il ne faut jamais baisser les bras. Il ne faut pas se condamner. Nous avons l’habitude de dire à Y’en a marre qu’il n’ya pas de destin forclos, mais qu’il n’ya que des responsabilités désertées. Le destin de l’Afrique n’est pas forclos. Je refuse donc de croire que le destin de la jeunesse africaine est forclos. Je suis un afro-optimiste et je refuse ce fatalisme. Nous devons avoir confiance en nous-mêmes. Nous ne sommes pas moins intelligents que les peuples des autres continents. Depuis l’époque de l’esclavage jusqu’à maintenant en passant par la colonisation, des générations entières ont été toujours sacrifiées. Maintenant, l’enjeu du moment, c’est de se demander quand allons-nous accepter nous-mêmes volontiers de faire le sacrifice pour nous-mêmes en prenant en main notre destin et en faisant le travail qu’il faut pour éviter à nos enfants d’avoir un avenir sombre. Nous voulons propager un message d’espoir à toute la jeunesse africaine. Il faut certainement s’organiser et se structurer et avoir le sens de l’intérêt commun.

Vous est-il déjà arrivé de penser à un NTA (nouveau type d’Africain) ?

On y pense ! Le « y’en a marre » commence par soi-même. On avait dit que si nous ne réussissons pas ici au Sénégal, ça ne servira à rien d’essayer en Afrique. Puisque nous avions eu l’idée, il fallait que nous nous débarrassions de Abdoulaye Wade. Dieu merci, nous avons atteint cet objectif que l’histoire retiendra. On s’est débarrassé de Abdoulaye Wade -qui voulait s’octroyer un troisième mandat indu- de la manière la plus pacifique. On lui a opposé la force des arguments, il nous a opposé une violence inutile et inouïe ; il nous a opposé l’argent de la corruption et on lui a donné la réplique par une détermination sans faille et l’amour pour notre patrie ; il nous a opposé les intimidations, les bastonnades et on lui a opposé l’espoir, les rêves de vivre dans une Afrique libre et développée ; on lui a opposé notre détermination à aller de l’avant ! Il nous a diabolisé, il nous a intoxiqué, mais on est resté déterminé, ferme dans l’engagement et on a eu gain de cause sur lui. Alors, il fallait commencer cela au Sénégal et depuis lors, notre expérience est en train de faire école dans certains pays du continent.

Ce que nous avons réussi au Sénégal, c’est dans l’intérêt de tous les Sénégalais. Ce n’est pas pour des intérêts personnels qu’on doit hypothéquer l’avenir de tout un continent. Il faut que les dirigeants laissent les jeunes développer leurs idéologies et leurs engagements ; il faut les laisser s’épanouir tout simplement. Ils ne doivent pas être inquiétés lorsqu’ils donnent leurs opinions sur la marche de leur pays. Du reste, ça ne sert à rien de les intimider. Parce que quand la jeunesse africaine se réveillera, les mauvais gouvernants seront tous balayés d’une manière ou d’une autre. Ça ne sert à rien d’opposer la violence. Abdoulaye Wade l’a essayé mais en dépit de tout, nous avons réussi à l’extirper de notre système de manière non violente. Y’en a marre est un mouvement non violent. Je dis à ces jeunes qui nous suivent un peu partout en Afrique de rester non violents. C’est important. Car on peut gagner le combat de manière non violente. Au Sénégal, nous avons hérité d’un pays stable et nous avons dit que notre responsabilité en tant que jeunes serait de préserver cette stabilité sociale. Dès le départ de Y’en a marre, nous avons affirmé qu’il faut qu’on « enterre » les fils de Houphouet Boigny, de Mobutu, de Eyadéma … pour que vivent les fils de Sankara et de Cheick Anta Diop. Nous sommes des fils de Cheick Anta Diop ; nous sommes des fils de Thomas Sankara.

Fadel Barro n’a-t-il pas l’intention de glisser en politique ? La politique partisane ?

Je n’aime pas insulter l’avenir parce que je ne sais jamais comment demain sera fait. Mais la politique partisane comme vous le qualifiez n’est pas dans mes plans. Ce n’est pas non plus dans mes ambitions. Le système des partis politiques a montré ses échecs en Afrique et il est temps qu’on essaie autre chose. Ce qu’on essaie de promouvoir aujourd’hui au niveau de Y’en a marre, c’est une citoyenneté responsable. Nous n’entendons pas compromettre cette expérience par des envies ou des mirages politiques ni par de l’illusion de la gloire de vouloir être politicien et diriger les choses. Non ! On peut servir son pays en restant dans l’engagement citoyen. C’est cette conviction qui m’anime et qui va continuer de m’animer.

Interview réalisée par Touwendinda Zongo

MUTATIONS N. 11 de juillet 2012, Mensuel burkinabé