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Le Sénégal, nage dans les eaux nauséabondes de l’idéologie féodale.

D 8 mars 2015     H 05:49     A Ababacar Fall-Barros     C 0 messages


Les propos tenus par l’ancien Président de la République, Abdoulaye Wade, le mardi 24 février 2015, à l’encontre de son successeur Macky Sall, ont été analysés sous toutes les coutures. Mais le plus souvent de façon biaisée, au regard de l’évolution historique globale de notre société. Car le comportement de l’homme Wade, ne fait que refléter l’idéologie dominante incarnée par une catégorie sociale (dont il est le porte-parole), qui gouverne notre pays depuis plus de 50 ans, pour faire court.

Une situation que certains n’osent pas regarder, en face, tant elle crève les yeux. Cela pour des raisons d’intérêts de toute sorte. Pour la jeune génération, maintenue dans le brouillard, dans l’ignorance politique, l’idéologie n’est qu’un mode de pensée entretenu et professé par certains individus ou groupes de personnes (politiciens véreux, faux affairistes, faux dévots), dans un contexte historique déterminé. Et pour la défense d’intérêts bien compris. Cela est indispensable à préciser, car, pour le premier président de la République du Sénégal, toute réflexion progressiste qui n’épousait pas ses points de vue, était une ‘’idéologie importée de l’extérieur.’’ Ceci dans le cadre de son combat viscéral qu’il menait, contre la gauche et les hommes de gauche.

Notre souci, au-delà du clairon nage d’indignations hypocrites, qui a dû fait sourire beaucoup de nos compatriotes honnêtes et sincères, n’est pas ici, de faire l’apologie de l’ignominie, ni de nous ériger en défenseur de celui ou de ceux qui ont été acteurs de son émergence dans notre pays en s’en accommodant. Mais d’essayer d’expliciter et de partager notre analyse, avec nos concitoyens sincères, par rapport à ce qui passe dans notre pays.

Alors, qu’est-ce que recouvre la notion de féodalité ? Pour nous, c’est d’abord, le ‘’Tout pour Un’, incarné par un Roi et non le ‘’Un pour Tous’’. Au moyen âge, en Europe, c’est ce qui régissait l’ordre politique et social. Malheureusement, contre la volonté des peuples, nous vivons quasiment cette situation à l’orée du 21 ème siècle, en Afrique, malgré le vernis démocratique. Voici quelques échantillons du fondement de base de l’idéologie féodale de notre société, renforcée la pollution du système capitaliste. N’en déplaise à certains : ‘’ Lu neex Buur jël. Door fapp’’ (les bonnes choses pour le Roi, Répression et expropriation, sans indemnisation ou dédommagement … juste). ‘’Doomu Buur, Buur lë’’(le fils du Roi est un Roi). Mon fils a ‘’étudié l’Ingegneri financière’’, ‘’Je dirai à ta maman que tu as bien travaillé.’’(Dixit Wade). La féodalité, c’est également l’immobilisme, et toute attitude réfractaire au progrès culturel, social et économique, pour l’épanouissement d’un peuple.

Le système colonial français dans sa stratégie de ‘’ diviser pour régner’’, a fait bon ménage avec cette situation, jusqu’à l’avènement des indépendances. Et pour la consolider il a composé avec beaucoup de tenants de cette idéologie, en les nommant ‘’chefs de province, chefs de canton’’ etc., Aujourd’hui (sauf changement de dernière heure), un personnel appelé ‘’Chef Coutumier ‘’, payé à ne rien faire sinon ‘’conseiller’’ le Roi, émarge au budget général de l’Etat. A l’instar de ces ‘’néo- chefs coutumiers’’ appelés ‘’ministres d’Etat’’, dont le plus emblématique est le porteur de canne. Jusqu’à une période récente les crédits servant à rémunérer cette féodalité étaient logés au ministère de l’Intérieur.

Quand Sigmund Freud (fondateur de la psychanalyse), parlait des ‘’tendances refoulées’’, Wolof Njaay, disait que ‘’Ku wax feen, ku dox, ku xool, feen’’( qui marche, parle, observe, se découvre). Cela pour dire, que Wade à travers ses propos n’a fait que révéler sa véritable nature. D’ailleurs, n’a-t-l pas dit qu’il ne ‘’regrette rien’’ de ce qui s’est passé. Que de dégâts collatéraux d’une guerre déclarée ??!! Donc, pour le ‘’surdiplômé’’ en droit et autres disciplines, ‘’Les hommes naissent libres et égaux’’(…) ‘’Il n’y a au Sénégal ni sujet, ni privilège de lieu de naissance de personne ou de famille etc., (art. 7 de la constitution), se sont que des clauses de style.

C’est aussi valable pour une importante frange de l’Etablissement qui nous gouverne. On peut reconduire la même remarque en ce qui concerne le fonctionnement de la démocratie interne, dans les autres partis (gauche comme de droite), où trônent des oligarques féodaux, depuis des décennies.

Que dire du comportement de type féodal, du deuxième personnage de l’Etat, Secrétaire général de l’Afp, qui a eu à proférer des injures à certains de ses militants qui exigeaient, simplement, un fonctionnement démocratique de leur parti ?

Fonctionnant sous l’emprise du conservatisme féodale, on ne devrait pas s’étonner des propos de Me Wade, et de son clan qui l’a assisté lorsqu’il détruisait la République, de fond en comble, jusqu’au 23 juin 2011.

Chaque président de la République, installé au pouvoir (de Senghor à Macky ) , a éprouvé le besoin d’avoir à côté de lui ‘’ses’’ griots, bouffons, laudateurs, etc. Un personnel loin de jouer le rôle que jouait leurs devanciers, les ‘’griots-guerriers’’. C’est-à-dire, ne pas encourager, la rapine et la médisance. Mais comme le soulignait le Pr. Dieng, celui de galvaniser le sens de l’honneur, le courage et la bravoure, par exemple : ‘’Ba muy dem da fa war, ba mu nëw da nu ko sëf ’’ ( En partant, il était à califourchon sur sa monture, au retour il était sur un porte charge. in ‘’Guillé’’, par Kiné Laam, allusion à la bataille de Guillé).

Après l’offense de Wade, il n’est pas étonnant de voir son ancien disciple envoyer son ‘’griot de naissance’’ auprès des médias, pour porter la contradiction à ses contempteurs et rétablir ‘’la vérité ‘’sur… son arbre généalogique. Il faut dire que sur ce registre, il n’y a pas à dire, c’est le Président Sall, qui dame le pion à tout le monde avec ‘’son député griot’’, son ’’ ministre laudateur’’ pour … la ‘’première’’ Dame’’.

En ce moment, le vocable wolof est truffé de mots, de phrases qui renvoient à la cosmogonie de l’idéologie féodale rétrograde, que récuse l’ordre démocratique républicain, voire constitutionnel. Du reste, l’imagerie populaire, pour parler comme notre ami, le Pr. Ibrahima Sow de l’Ifan, a intériorisé tout cela : ‘’Xaju Buur, Buur lë, fassu Buur, Buur lë’’ (Le chien du Roi est Roi, le cheval du Roi est roi). Waxi Buur, waaw lay sant (les paroles du Buur ont pour nom : Oui). Mag Buur la (la personne âgée est Roi, etc. Le terme ( ‘’Buur Mbëbëss’’, ‘’Buur, bone tati’’), a fait floraison, sous le règne de Abdoulaye Wade. Avant qu’un ‘’Avocat-Député’’ qui se fait appeler Lénine, ne lui emboite le pas et réclamer le titre de ‘’Buur Salum’’(Roi du Saloum). Disons que son homonyme, lui, s’attaquait en son temps, au ‘’crétinisme parlementaire’’ de son pays.

Voilà le contexte idéologique dans lequel le Président Wade,’’Buur’’(Roi) dans l’âme, a puisé dans le vocabulaire féodale, rétrograde et réactionnaire pour brocarder son successeur. D’autant qu’il considère que son ancien disciple ‘’ Macky’’, a assisté, sans mot-dire, lorsque des personnalités de l’Etat et du Parti au pouvoir ( l’Apr), l’attaquaient lors d’une ‘’conférence de presse insultes’’. Ce qui fait que la riposte de Wade, dont le vocabulaire est riche de termes de ‘’tomates pourries’’, fut cinglant : ‘’Dans d’autres situations, je l’aurais acheté en tant qu’esclave’’, parlant de son successeur de Président. Du reste, il semble que Wade a l’habitude de dire que : ‘’Chaque politicien ou sénégalais a un prix’’.

Cela dit, s’agissant d’injures adressées à ses adversaires, au dirait que Macky ne les dédaigne pas. Tout le monde se rappelle de la sortie de l’oligarque politicien Saleh, à Louga. S’adressant aux jeunes de son parti. Il leur dit tout crument : ‘’Bufi Alioune Badara Cissé, Newee saga leen ko ndey( Si Alioune Badara Cissé, mettait les pieds, ici, injuriez-le de mère). Et cela après l’avoir traité de lâche, à Dakar, pour avoir donné son sentiment sur un point de débat national. Jusqu’à présent notre gars n’a jamais été rappelé à l’ordre. Ni par Macky, ni par les ‘’néo-républicains’’ de l’Etat et de son Parti. A ceux-là qui s’indignent, ABC ne fut pas ministre d’Etat des Affaires Etrangères de la République et militant de l’Apr, parti au pouvoir ?

A l’arrivée qu’est-ce que tout cela donne, au plan politique ? Naturellement : Abus, dérives et impunités, dont souffre l’écrasante majorité des Sénégalais, à l’heure où nous sommes.

Mentionnons simplement le projet féodal pour lequel Wade qui voulait se faire élire avec 25% des suffrages des votants, en sa faveur. Si ce projet était entériné, le 23 juin 2011, par ‘’ses’’ députés béni-oui-oui, ne serait-il pas capable de transformer le Sénégal en Royaume, comme l’avait fait Jean Bedel Bokassa, de la Centrafrique ?

Un de ses anciens ministres, ne disait-il pas que : ‘’Wade parle en démocrate et agit en théocrate ? ’’

Maintenant, peut-on en déduire que l’Etablissement est atteint d’un mal endémique, y compris ses ‘’éminences grises’’ ?

Dans le numéro du ‘’LeTémoinquotidien’’ du 27 février 2015, un professeur, philosophe de formation, conseiller du Président de la République, El H. Kasset, pour ne pas le nommer, semble faire comme ceux de la Cour du Roi. Prenez : ’’Le Président Sall est admirable pour son calme, sa courtoisie reconnue et son humilité qui sont des marques d’une grande capacité, de maitrise de soi.’’ Un comportement similaire au culte de la personnalité et à celui de ce professeur d’histoire, qui, s’adressant à la première, Premier ministre-ministre de Wade, lors de son passage à l’Assemblée Nationale, a servi à son hôte, aux députés et au peuple, du véritable ‘’Taggaaté’’(louanges), déconnecté de l’évènement politique. D’ailleurs, il a eu à récidiver récemment, en 2014, lors du passage du premier ministre actuel, de Macky.

Notons que si ces discours avaient été prononcés en langue wolof, pour sûr, cela allait donner des complexes à nos les ‘’communicateurs traditionnels’’.

Par ailleurs, ce même quotidien dans sa livraison du Week-End (28 février / 1er mars 2015), nous informe que trois millions 3.000 000 de francs CFA, ont été offerts, aux femmes de son fief politique, pour ‘’la réélection de Macky en 2017’’, par l’ancien conseiller spécial du Président de la République, membre de l’Apr et actuel Président du collège de l’Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP), Abou Abel Thiam. En le voyant s’installer dans les lambris du pouvoir, on ne peut manquer de dire que l’ex-sémillant journaliste, se gardera longtemps de nous rappeler les ‘’Soviets et l’électricité’’. Car, comme dit l’adage wolof : ‘’Adina dëfa gudd tank’’ (la vie a des jambes tentaculaires).

Tout cela montre qu’il ne suffit pas de maitriser la rhétorique, d’être bardé de diplômes, pour être un intellectuel ou un progressiste.

Farba,le ministre laudateur de Wade et Farba ‘’député-griot’’ du Président Macky, ont été tous coupables de voies de faits. Mais tous partagent les faveurs de l’impunité. Le Sénégal peut-il continuer à fonctionner, en 2015, sur ces bases. Que non !!!

Donc, ne nous cachons pas derrière le petit doigt, en nous contentant de discours, de colloques et de séminaires ou de palliatifs parcellaires, sans lendemain, pour traiter notre mal. Le Pr. Mor Mbaye, parle souvent de ‘Ndepp’ (Exorcisme) pour traiter le mal sénégalais. Nous sommes preneurs, si tant son efficacité permettrait de restaurer, au moins, l’Etat de droit, la démocratie, le partage judicieux et équitable de nos ressources pour que les secteurs vitaux de notre pays (santé, agriculture, éducation-alphabétisation), soient judicieusement dotés. Nous sommes preneurs si cela nous permettrait de juguler la prévarication, les concussions puis recouvrer notre souveraineté et notre indépendance, et nous conduire à une révolution des mentalités.

Le mot est lâché : ‘Révolution’ ! (dont le français Maurice Duverger Pr. agrégé de droit qui vient de nous quitter, disait que ‘’c’est la construction et non la destruction’’). En ce moment tout le monde en use, lorsqu’il est question de présenter positivement une œuvre, une entreprise. Mais, en retour, certains n’osent jamais l’admettre quand il s’agit d’une œuvre visant la transformation culturelle, social et économique de la société.

Nous ne devons plus nous accrocher ou compter sur des mirages, des théories soporifiques, déconnectées de l’action, et sur ceux qui, comme disait récemment, l’Avocat Assane Dioma Ndiaye, ont ‘’perçu un dédommagement conforme au système’’. Pas plus que sur une certaine catégorie de journalistes hagiographes. A fortiori, sur une certaine gauche, caractérisée de façon saisissante, la semaine passée, par un présentateur de la Télévision, de ‘’goos bi ci duruaat gi ‘’ (cette gauche dans la droite).

Ne pensait-il pas, à une certaine gauche totalement intégrée au système féodal, parquée dans les enclos des diverses officines de sinécure, pour ne pas dire de corruption ? Ou voudrait-il parler de cette gauche ringarde, qui ne parle de ce miroir aux alouettes : ‘’l’Unité de la gauche’’, qu’à l’approche des élections, pour se faire peser ensuite monnayer son poids, au moment du partage du gâteau ?

Dakar, le 1er mars 2015

Ababacar Fall-Barros

Ancien conseiller municipal

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