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Carnet de voyage : Ce que nous apprend CUBA de la Révolution et du Socialisme

Diagne Fodé Roland

D 24 mars 2016     H 07:06     A Fode roland DIAGNE     C 0 messages


Quand on est communiste partisan et défenseur de Cuba socialiste, visiter Cuba c’est vérifier de visu auprès de la population, dans l’organisation socio-politique, socio-économique et dans l’environnement naturel la réalité de la révolution Cubaine. Il s’agit en plus de voir en quoi le blocus est un handicap, comment la révolution Cubaine s’organise pour résister et continuer à mobiliser le peuple Cubain et fournir ainsi les arguments d’une solidarité internationaliste. Il est frappant d’observer que de simples touristes curieux ou adversaires de la révolution ou tout simplement motivés par le soleil, les plages, les montagnes, les oiseaux, les paysages de l’île révolutionnaire sont confrontés à ces enjeux.

Venir à Cuba c’est forcément en plus des motivations personnelles diverses se confronter directement et au quotidien à la question : comment un petit pays de 109.884 km2 et 11 millions d"habitants a pu tenir face à la terrible guerre que lui inflige la puissance impérialiste hégémonique que sont les USA. Dans le contexte de l’actuelle "politique d’ouverture" d’Obama beaucoup doutent et se demandent : "ce qui n’a pas réussi par la force agressive peut-elle le devenir par la ruse" ? Tous les touristes rencontrés ont, au détour d’une conversation sur leurs motivations touristiques, fait allusion à cette double équation avec pessimisme et rarement avec optimisme. Même les touristes étatsuniens, qui sont contraints de contourner les dispositions légales du blocus en passant par un tiers pays, souvent le Mexique pour se rendre à Cuba, vous disent qu’ils sont "venus à Cuba avant que tout ne change".

Le pessimisme sur l’avenir de la révolution est parallèlement tempéré par les Cubains eux mêmes : "Nous avons besoin que cesse le blocus, que Guantanamo nous soit restitué comme moyen de sortir du sous-développement pour édifier un socialisme prospère".

La réalité du sous-développement

Cuba est un pays marqué par les caractéristiques économiques et infrastructurelles du sous développement consécutif du colonialisme. Pays essentiellement agraire dont les cultures d’exportation sont la canne à sucre de laquelle est tiré le rhum et le tabac à partir duquel est produit artisanalement les cigares. C’est là un héritage typique des monocultures coloniales. La principale industrie extractive exportatrice est le nickel. Le colonialisme et le néo-colonialisme ont pour fonction de freiner l’essor économique du pays dépendant.

Cette structure économique caractéristique des économies coloniales a persisté y compris après l’indépendance conquise de haute lutte par Cuba contre le colonialisme espagnol sous la direction du leader patriote José Marti en 1898. Le néocolonialisme US, s’appuyant sur des pouvoirs semi-coloniaux comme celui du tyran Batista, fit de Cuba un vaste casino, un bordel livrant aux bourgeois impérialistes et leurs vassaux locaux un terrain privilégié de prostitution, de pédophilie, de blanchissement de l’argent sale, etc. Cuba a été une vaste boîte de nuit où les impérialistes US et occidentaux déversaient leurs vices bestiaux jouisseurs qui prolongeaient tout simplement au fond les crimes contre l’humanité que furent le génocide des Indiens, la traite des Noirs et le colonialisme.

José Marti débarrassa Cuba du régime colonial dans le sillage de la révolution indépendantiste et anti-esclavagiste de Haïti en 1804, mais le néocolonialisme US imposa au peuple la perte de sa souveraineté.

L’intégration dans le camp socialiste

Avec la révolution en 1959 et surtout l’option socialiste par la fusion du M26 juillet de Fidel Castro dans le Parti Communiste Cubain (PCC), Cuba reçut la solidarité du camp socialiste, en particulier de l’URSS qui pallia le blocus économique US en lui fournissant les machines-outils, le pétrole à des prix bas, l’achat du sucre en remplacement de la rupture du "sugar act" par les USA à un prix double de celui du marché mondial et une coopération militaire défensive contre l’agression US, etc.

Cuba adopta la stratégie de la planification économique en nationalisant 90% du secteur industriel et 70% du secteur agricole. Le COMECON fonctionnait sur le principe d’une coopération économique fondée sur des échanges basés sur la spécialisation économique et sur le développement non capitaliste des pays intégrés au camp socialiste.

A la différence des "intégrations et coopérations" néocoloniales, Cuba développa la scolarisation et la médecine gratuites et mis ainsi l’accent sur le développement de la médecine, de la recherche médicale, pharmaceutique et de la santé à la fois comme base d’un développement socio-économique d’une performance inégalée dans le monde et d’un internationalisme coopératif entre pays sous-développés. La coopération militaire défensive avec l’URSS et le camp socialiste a permis le développement d’une armée populaire dont les prouesses internationalistes ont été les défaites des armées sud-africaines racistes à Cuito Cuanavale en Angola, l’indépendance de la Namibie et ont permis la libération de Nelson Mandela, la suppression de l’apartheid politique et l’avènement du pouvoir de l’ANC. Le premier voyage à l’étranger de Nelson Mandela fut à Cuba pour y exprimer contre l’impérialisme US et occidental la gratitude du peuple sud-africain vis à vis de Cuba.

La lutte interne contre le blocus pour préserver les acquis du socialisme

La défaite du camp socialiste et de l’URSS contraint Cuba à développer pour exister et sauver l’essentiel des conquêtes sociales et patriotiques (santé et école gratuites) l’agriculture vivrière, en particulier l’agriculture suburbaine, biologique, l’agroécologie et l’agroforesterie. Ayant perdu brusquement 80% de ses échanges économiques internationaux, seules les cultures d’exportation comme le tabac et le rhum ont été maintenues. Alors pour nourrir les villes la révolution a littéralement mis les terres autour des villes en culture avec des serres pour atteindre, dès 1996, la fourniture de 300 grammes de légumes frais par jour à chaque Cubain.

Cuba est un pays d’agriculteurs combinant ANAP (association nationale des petits agriculteurs) privées, UBC (unité de bases des coopératives) collectivistes et fermiers privés notamment producteurs de tabac qui sont fournis en machines-outils par l’Etat et vendent 60% de leurs productions leurs productions à l’Etat.

Cette adaptation, appelée "période spéciale", à la nouvelle situation a fait enregistrer à Cuba un taux de croissance annuel de 4,2% par habitant de 1996 à 2005 supérieur à toute l’Amérique du Sud en combinant la recherche agricole, notamment basée sur la phytosélection participative qui associe étroitement chercheurs et agriculteurs dans l’amélioration des semences. Cuba socialiste est en effet un exemple qui met en pratique libération nationale, sociale et écologique.

C’est dans ce contexte que la stratégie de développement du tourisme maîtrisé et planifié par l’Etat s’est mise en place pour accroître les moyens financiers de l’Etat socialiste en vue d’augmenter ses investissements dans des projets de développement national, d’ouvrir des zones franches spéciales comme celle de Mariel, ce grand port adossé à des projets industriels et de permettre l’expérimentation, pour alléger les dépenses budgétaires étatiques, des activités des "travailleurs indépendants" dont l’évaluation de la première phase est à l’ordre du jour du 7éme congrès du PCC.

Le secteur des biotechnologies est un atout majeur du développement de Cuba avec 32 instituts et entreprises qui sont rassemblés sous l’égide de l’entreprise publique BioCubaFarma, laquelle emploie plus de 21.000 salariés et est le premier exportateur de biens du public (plus de 680 millions de dollars en 2013). Les produits les plus exportés sont le Herberprot-P, l’érythropoïéne humaine recombinante (iorHuEPO) ou la technologie SUMA. L’industrie pharmaceutique cubaine est l’une des six au monde produisant une protéine nommée interferon (INF). Elle produit aussi le facteur de croissance épidermique, utilisé dans des crèmes contre les brûlures, le vaccin contre l’hépatite B, le vaccin antiméningocique de type B, la streptokinase recombinante utilisée contre l’infarctus du myocarde et l’embolie pulmonaire, des modulateurs immunologiques, antihypertenseur, hypocholestérolémiant et plusieurs médicaments anticancéreux. Sans oublier le développement d’un vaccin contre le virus du Sida présenté en 2012 à un congrès de biotechnologie à la Havane expérimenté avec succès sur des souris et en voie d’être testé sur les humains. Même les USA, malgré le blocus, ont été contraints pour des raisons de santé publique chez eux de permettre l’importation de deux vaccins élaborés à Cuba. Toutes ces avancées scientifiques et technologiques dans le domaine médical et pharmaceutique sont confirmées par l’OMS. Ce sont là des atouts majeurs de Cuba une fois que le blocus assassin des USA sera levé, blocus auquel obéissent les puissances, pays vassaux et Firmes Transnationales des USA à l’exception des pays de l’Alba, de la Celac d’Amérique du Sud et les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).

La lutte mémorielle pour l’indépendance et le socialisme

Partout, y compris dans les maisons personnelles qui appartiennent à 95% aux propriétaires et 5% à l’Etat, ce sont les héros et martyrs de la révolution indépendantiste et socialiste qui ornent les murs. Partout on trouve des musées de la mémoire historique qui célèbrent et commémorent la résistance et les résistants des plus connus aux humbles inconnus du grand public. Partout ces musées portent sur des thèmes comme ceux sur la lutte contre les "bandidos" de la contre-révolution où l’on voit des photos et récits sur les combattants révolutionnaires, leurs hauts faits d’armes, leurs paroles, etc. Parmi ces héros et martyrs reviennent très souvent : Che Guevara, Camilo Cienfuegos, José Marti, Marx, Engels, Lénine, Hô Chi Minh, Chavez, Bolivar et Mandela, etc. Et quand on pose la question sur la relative absence de Fidel (à l’exception de phrases murales), la réponse est significative : "Fidel, c’est Fidel, il est vivant, mais quand il ne sera plus là, alors Fidel fleurira nos murs". Voilà toute une leçon que chacun doit méditer, notamment ceux et celles qui sont victimes de la propagande impérialiste présentant Cuba comme une "dictature" policière, d’endoctrinement et d’embrigadement fanatique.

Il est important de comparer cela au fait que les commémorations dans la plupart des prétendues "démocraties" impérialistes portent sur les massacres, par exemple en France, commis par les occupants Nazis (Oradour, Ascq, etc) ou sur les victoires militaires comme celle de la première guerre impérialiste mondiale. On commémore les massacres ou les victoires, mais pas la résistance et les résistants. Les semi-colonies d’Afrique ne commémorent même pas les massacres, fêtent l’indépendance nominale en jetant la chape de plomb de l’oubli volontaire sur les crimes et les résistants héros et martyrs de la première phase de lutte pour la décolonisation.

Cuba offre un exemple de lien dialectique entre les massacres, les victoires et les résistances et les résistants. Ailleurs les impérialistes et les bourgeoisies néocoloniales utilisent les massacres et les victoires pour enterrer dans l’oubli les résistances et les résistants, c’est toute la différence. Dès la maternelle et à tous les cycles scolaires, la visite du mémorial du Che est une coutume qui forge l’unité nationale, la conscience du patriotisme et du socialisme.

Citons le poète à la brouette, Luis, rencontré à Trinidad : "Subissant l’adversité mortelle de la contre-révolution, la révolution française sous le gouvernement de salut public dirigé par Maximilien Robespierre, dont on trouve la statue à Arras ville du Pas-de-Calais, a décapité plus d’hommes que notre révolution cubaine". Ce poète dictionnaire ambulant est le prototype même de la culture générale et de l’instruction dispensées à Cuba. Les enfants dès le collège y font des stages en agriculture pour y apprendre à connaître les plantes, les animaux et l’environnement naturel qui fait de Cuba un véritable monument écologique classé par l’ONU comme patrimoine de l’humanité. L’écologie politique anti-sociale et anti-écologique, qui culpabilise le "consommateur/client" et non les grands patrons des Firmes Transnationales, ferait bien d’aller se sourcer à Cuba pour comprendre ce que Marx écrivait dans ses manuscrits de 1844 : "le capitalisme exploite et détruit l’homme et la nature".

Un pays métissé et laïc fondé sur la liberté, la démocratie et la sécurité

Ce qui saute aux yeux du visiteur de Cuba qui vient des pays d’Europe minés dans le contexte actuel par la xénophobie exacerbée, le racisme, les discriminations et le fascisme, c’est le mélange des populations de toutes les couleurs. Ici l’égalité "raciale", culturelle, religieuse est visible. C’est d’autant plus frappant que Cuba a été fondée comme colonie esclavagiste dont la seule trace apparente qui reste est la coexistence sans friction basée sur l’égalité entre la religion et ce que certains appellent la religion Yorouba ou la sanctaria cubaine, c’est-à-dire un composé religieux des descendants d’esclaves déportés d’Afrique lors de la traite des Noirs. Comme ils, elles le disent "les Cubains sont religieux", Fidel est même l’auteur d’un ouvrage sur socialisme et religion que l’on trouve dans toutes les librairies. Retenons ici une phrase forte entendue : "Le temps est le meilleur professeur qui a montré à Cuba qu’on peut être communiste et religieux, que athée communiste ou religieux communiste sont unis dans le combat pour l’indépendance de la patrie et le socialisme". Et les auteurs de ces propos nous donnent des exemples tirés de leur propre vie et histoire familiale par l’engagement concret de leurs parents, l’un athée et l’autre religieux dans la lutte révolutionnaire qui a conduit à la victoire populaire de 1959. Ces questions qui divisent ailleurs semblent avoir trouvé à Cuba une réponse concrète au service de la liberté du peuple et de son édification du socialisme à partir des réalités cubaines. Personne n’est stigmatisée pour sa religion, ni ses origines, ni sa culture.

La liberté d’expression est aussi une réalité concrète au contraire des délires de la presse impérialiste. Les conversations sont libres, les opinions critiques s’expriment et le prétendu "état policier" se révèle une chimère diffamatoire fabriquée dans les laboratoires de la dictature de classe de la bourgeoisie impérialiste. Ce pays, d’une propreté telle que l’on ne trouve quasi nulle part des sachets ou des canettes à terre, est ainsi composé de familles où se mélangent toutes les couleurs, de toutes les cultures, toutes les religions. Au contraire de la propagande anti-cubaine sur "l’état policier", ce qui est patent c’est la liberté et la sécurité. Les critiques et les débats sont quasi naturels et spontanés. Les portes sont ouvertes et laissent entrevoir les portraits des héros et martyrs en bonne place dans les ornements des salons.

A Cuba, il n’y a nulle part la pollution médiatique de la publicité commerciale des grands groupes capitalistes qui décervelle les populations pour en faire des "consommateurs/clients" abrutis par l’individualisme forcené que l’on constate sous le capitalisme.

La sécurité est aussi sociale, car ici chacun travaille et mange à sa faim. A Cuba il y a deux monnaies qui coexistent : le Pesos pour les Cubains et le Cuc (= euro) pour les touristes étrangers. Le salaire de l’ouvrier qui fabrique les cigares est d’environ 1000 Pesos avec lequel il vit correctement vu les prix pour se loger, manger, s’habiller sans oublier que l’éducation et la santé sont gratuites. Quel pays du tiers monde, voire quel pays impérialiste développé sous le rapport capitaliste peut se targuer de faire plus et mieux pour l’ouvrier, pour le travailleur, pour le peuple ? Assurément aucun.

La sécurité, on la retrouve encore dans le niveau d’organisation des services publics. Au contraire des néocolonies impérialistes, le secteur informel est ici quasi-inexistant. Le transport urbain et inter-urbain est un service public qui fonctionne correctement a un niveau d’organisation comparable aux pays développés, même si les moyens ne sont nullement comparables. Il n’y a nullement les surcharges dangereuses des transports que l’on voit systématiquement dans les semi-colonies des puissances impérialistes où le "client" est à la merci de l’inorganisation, voire des pratiques anti-sociales et non citoyennes d’une économie informelle de survie laissée à l’abandon par les Etats. Avec des moyens aussi faibles que dans les néo-colonies des impérialistes, le patriotisme socialiste cubain parvient à atteindre un niveau d’organisation du service public comparable aux pays capitalistes les plus développés. Il y a cependant des habitations en mauvais états, mais nulle part on ne voit les bidonvilles mal famés sous contrôle de la délinquance parfois criminelle du lumpen qui fourmillent dans les néocolonies et même de plus en plus dans les pays impérialistes. Tout comme les signes de la corruption, de la gabegie, du népotisme dont Cuba n’est pas exempt sont marginaux.

C’est en cela que l’on peut dire que Cuba est, certes sous-développé, mais a un peuple d’un niveau développé d’organisation et d’administration comparable à n’importe quel pays développé. On peut voir cela aussi par ces voitures souvent taxis (Cadillac, Chevrolet, etc) des années 50 qui continuent à circuler avec des moteurs d’origine bien entretenus ou avec des moteurs plus récents prouvant l’extraordinaire technicité des mécaniciens autos cubains.

La démocratie participative est une réalité à Cuba qui se voit à travers les Comités de Défense de la Révolution (CDR) qui réunit la population par quartiers pour s’occuper des questions allant de la vie dans le quartier, la propreté, les problèmes de voisinage, les activités sportives ou culturelles des enfants, les cours du soir pour adultes sur des sujets choisis par les concernés aux questions de la ville, des élections locales, régionales, nationales jusqu’aux questions internationales et du Parti Communiste. A travers les CDR les populations s’occupent aussi de la sécurité locale et nationale.

Liberté, démocratie, paix et sécurité sont aussi un constat fort qui explique le choix fait par le Pape des catholiques et le Pope des orthodoxes de se rencontrer à Cuba pour y lancer ensemble un appel à la paix dans le monde. Chacun de ces prélats est venu prendre conseil auprès du plus grand sage révolutionnaire de la fin du XXéme et début du XXIème siècle, l’athée Fidel Castro. Dans ce monde où plane dangereusement la menace d’une guerre nucléaire des fauteurs de guerres que sont les impérialistes US,OTAN et UE flanqués des théocraties des pétrodollars du Moyen-Orient, mesurons l’importance majeure de ce choix et de cet appel à la paix alors que les deux églises ne s’étaient jamais rencontrées depuis le schisme religieux, il y a plus de 1060 ans.

Le lien dialectique entre patriotisme et socialisme

José Marti, le père de l’indépendance cubaine enseigne : "Un peuple n’est pas indépendant lorsqu’il est parvenu à secouer les chaînes de ses maîtres, il commence à l’être lorsqu’il s’est arraché des vices de l’esclavage battu, et pour le bien de la patrie et d’une nouvelle vie, il soulève et préconise des concepts de vie radicalement opposés à la coutume de la servitude passée, aux mémoires de la faiblesse et de la flatterie que les dominations despotiques utilisent en tant qu’instrument de maîtrise sur les peuples esclaves" (Brève histoire de Cuba, de Colomb au XXIéme siècle, éditions Capitan San Luis, 2014).

Cet enseignement a été mis en pratique à partir de la révolution cubaine de 1959. Il ne suffit pas de chasser la puissance coloniale, mais surtout il s’agit, comme prolongement nécessaire, d’émanciper le peuple de la mentalité, de la coutume, du complexe d’infériorité cultivé par le système esclavagiste et colonial. On reconnaît ici le dilemme qui sévit dans les actuelles néo-colonies dont l’élite locale libérale ou social-libérale a été forgée par le système colonial à travers ses écoles, ses administrations, ses cultures exotiques, ses structures religieuses, ses grilles de lectures culturalistes, racialistes des rapports esclavagistes et esclaves, colons et colonisés, patrons et ouvriers, propriétaires terriens féodaux ou capitalistes et ouvriers agricoles ou petits paysans, etc.

C’est à cela que doit s’attaquer toute indépendance véritable pour forger une patrie et une vie nouvelle des populations. C’est à cela que s’est attaqué la révolution de Cuba socialiste à partir de 1959 et qui continue de le faire dans le contexte de la défaite temporaire du camp socialiste. Bien entendu Cuba est un pays socialiste sous-développé qui n’a plus dans le cadre de la "voie de développement non capitaliste" l’apport du pays socialiste relativement développé qu’était l’URSS et des autres pays moins développés du camp socialiste vaincu. Mais partant des conquêtes fondées sur des "concepts de vie radicalement opposés à la coutume de la servitude passée, aux mémoires de la faiblesse et de la flatterie que les dominations despotiques utilisent en tant qu’instrument de maîtrise sur les peuples esclaves", Cuba fusionne sur le plan idéologique le patriotisme et le socialisme pour faire face à l’adversité de la plus grande puissance impérialiste de tous les temps, les USA.

Ce lien dialectique entre patriotisme et socialisme a été le moteur de la résistance cubaine face aux agressions multiformes de l’impérialisme US et reste aussi, dans la perspective de la fin du blocus, le moteur de la préservation de l’indépendance et du socialisme de Cuba. C’est Fidel mieux que quiconque qui a défini, en prévision de l’abandon par les USA du blocus, le lien dialectique entre "L’indépendance, le patriotisme et le socialisme prospère".

La lutte contre le blocus dans une perspective de socialisme prospère

L’humanité a connu jusqu’ici la Commune Française comme la première expérience révolutionnaire anti-capitaliste, puis la seconde expérience a été la Révolution Bolchevik d’Octobre 1917 et l’édification de la première phase du communisme dans un seul pays, l’URSS. Cette expérience a été réalisée grâce à des prouesses incroyables à l’échelle de l’histoire humaine en transformant, sans et contre la bourgeoisie, un pays féodal arriéré en puissance industrielle, scientifique, technologique et culturelle fondée sur l’égalité des peuples et dirigée par la classe ouvrière alliée à la paysannerie. L’URSS en triomphant magistralement par suite d’un effort pas encore égalé du fascisme mondial coalisé a ainsi été la matrice d’où ont surgi les expériences révolutionnaires du camp socialiste dans l’est du sous-continent européen, en Chine, en Corée du Nord, au Vietnam et à Cuba.

Le facteur national patriotique et la perspective sociale prolétarienne ont été décisifs dans la victoire de ces différentes expériences de transformations révolutionnaires. Il en est de même des expériences en cours nées de la formidable résistance Cubaine face à l’impérialisme étatsunien, malgré les difficultés actuelles auxquelles elles sont confrontées, dans les pays d’Amérique du Sud, particulièrement les pays de l’Alliance Bolivarienne (Venezuela, Bolivie, Equateur, Nicaragua, etc).

Il existe une tendance au sein des gauches anti-libérales, y compris communistes, qui consiste à différencier ou à opposer les expériences Chinoises, Coréennes, Vietnamiennes, voire Cubaine d’une part aux expériences Bolivariennes d’autre part. Il y a une volonté viscérale de l’idéologie de classe bourgeoise et ses ramifications social-démocrate, écologiste et trotskiste d’empêcher le mouvement ouvrier de faire le lien dialectique entre ces différentes expériences progressistes et révolutionnaires. Il y a là une erreur fondamentale que de tomber dans ce piège idéologique bourgeois qui relève d’une approche non dialectique et anti-scientifique.

Faire cela, c’est en réalité céder au reniement idéologique et politique révisionniste qui consiste à ne pas voir l’expérience Bolchevik comme étant la matrice historique qui a engendré les expériences qui lui ont succédé. Dès décennies de domination du réformisme dans le mouvement ouvrier et de social-démocratisation du mouvement Communiste ont conduit à désapprendre l’utilisation Marxiste-Léniniste du scalpel du matérialisme dialectique et historique pour transformer et non seulement interpréter la société.

Rappelons qu’auparavant la Commune a d’une certaine manière enfanté les Soviets comme l’enseignait Lénine lui même. Nous ne parlons pas ici des formes nationales nécessairement variées, mais du FOND, DE L’ESSENCE DE CLASSE de toute révolution ou processus révolutionnaire qui doit prendre en compte le rapport réel des forces de classe au plan national et international.

En effet l’expérience révolutionnaire anti-capitaliste la plus aboutie pour l’instant, mais qui a été temporairement vaincue est l’URSS. Celle-ci en raison de conditions particulières internes et externes a été amenée à stopper la NEP (nouvelle politique économique) pour engager la socialisation des moyens de productions et oeuvrer à les développer rapidement pour faire face à l’encerclement agressif de l’impérialisme et de sa forme la plus brutale le fascisme.

Les expériences Chinoise, Vietnamienne, Nord-Coréenne et Cubaine sont des étapes qualitativement inférieures dans la marche inévitable vers l’étape Soviétique. Ces expériences intègrent des concessions à la bourgeoisie nationale plus ou moins importantes selon le pays. Les expériences Bolivariennes sont encore qualitativement en dessous du point de vue du rapport des forces des classe intérieures. Le compromis de classe est encore plus marqué dans des pays comme le Brésil du Parti des Travailleurs (PT), etc.

Dans ces pays, l’affrontement incontournable avec la bourgeoisie compradore est à venir, voire commence seulement maintenant sous une forme qui combine tentative de destabilisation des bourgeoisies compradores en collusion avec l’impérialisme et lutte électorale entre forces révolutionnaires, anti-libérales, anti-impérialistes et progressistes d’une part et forces contre-révolutionnaires compradores pro-impérialistes.

Alors que dans les pays rescapés du camp socialiste défait en 89 et 90 du siècle dernier, la défaite de la bourgeoisie compradore a porté les Partis Communistes au pouvoir dans les démocraties populaires. A Cuba la bourgeoisie compradore s’est réfugiée à Miami aux Etats-Unis, celle de Corée du Nord en Corée du Sud et en Chine la fraction compradore de la bourgeoisie est à Taïwan pendant que la bourgeoisie nationaliste s’est associée aux Communistes et celle du Vietnam est éparpillée à travers le monde. Il y a dans ces pays rescapé du camp socialiste entre le Parti Communiste et la bourgeoisie nationaliste une alliance dont l’objectif est justement de sortir du sous-développement grâce à un "socialisme prospère".

Or le "socialisme prospère" qui est aussi l’objectif de la lutte de Cuba contre le blocus va nécessiter une certaine intégration contrôlable par le PCC dans le marché capitaliste mondial tout comme le sont la Chine, le Vietnam et dans une moindre mesure la Corée du Nord. Comme le démontre pour le moment la Chine et le Vietnam, une telle intégration ne signifie nullement automatiquement la fin de la construction du socialisme, la fin du pouvoir Communiste.

Il n’y a que les Communistes qui ont perdu tout sens de l’optimisme de la volonté dont parlait Gramsci qui sombrent dans le pessimisme qu’engendre toute lecture non matérialiste, non dialectique et anti-scientifique de la corrélation de la lutte des classes et de l’évolution du rapport des forces entre les classes, les nations et les peuples au plan national et au plan international. Cuba a des atouts pour opérer la transition vers le socialisme prospère auquel travaille le PCC tout comme le montrent pour le moment la Chine, la Corée du Nord et le Vietnam.

Certes tout comme vient de le faire le Parti Communiste Cubain avec l’introduction des "travailleurs indépendants", l’évolution-adaptation au rapport des forces de classes à l’échelle internationale et son prolongement national va faire coexister progressivement à Cuba sur le plan économique les secteurs : socialiste, capitaliste d’état (avec par exemple des joints-ventures de l’Etat Cubain et Etats ou privés étrangers), privés Cubains, la petite production artisanale ou paysanne, etc.

Bien entendu toutes ces expériences vont poser à terme la question fondamentale soulevée par Lénine lui-même à l’époque de la NEP : Qui l’emportera ?

Voilà toute l’importance théorique et pratique du concept de "socialisme prospère" adossé au patriotisme comme le formule le grand visionnaire Marxiste-Léniniste Fidel Castro.

Mars 2016