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Déclaration de la LTDH, du CACIT et de l’ACAT-Togo

SUITE AUX PROPOS NEGATIONNISTES TENUS PAR LE PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE

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Dans sa parution n°76 du 16 septembre 2010, le bimensuel « Tribune d’Afrique » a accordé une interview à M.Abass Bonfoh, Président de l’Assemblée Nationale et ancien président de la République par intérim. Parlant des cas de décès intervenus suite aux évènements malheureux que le Togo a connus avant, pendant et après la présidentielle de 2005, M.Bonfoh déclare : « Même quand vous racontez qu’il y a eu des morts au Togo, quels morts, où ont t-il été enterrés et qui s’en était plaint ? Ce ne sont que des histoires auxquelles je ne crois pas, parce que je n’ai rien vu de la sorte, pas un seul mort… Qu’on nous montre les morts ou les fausses communes dans lesquelles ils sont enterrés. Je n’ai vu aucun cadavre… ».
A la question du journaliste lui précisant que même une commission mise en place par le gouvernement a reconnu le fait qu’il y a eu des morts, le président de l’Assemblée nationale rétorque « c’est d’ailleurs vous qui m’apprenez qu’une commission du gouvernement avait reconnu des centaines de morts. Cette affirmation vous engage ».
Ces propos, venant d’un haut responsable de l’Etat, actuellement président de l’Assemblée nationale et qui, de surcroit, occupait les fonctions de Chef de l’Etat par intérim à l’époque des faits, ont ravivé les douleurs des Togolais, jeté l’opprobre sur le pays et suscité de la part des populations togolaises et des défenseurs des droits de l’homme à travers le monde entier, une vive consternation.
Pour leur part, les organisations signataires de la présente déclaration voudraient exprimer leur véritable réprobation contre de tels propos qui tendent à nier le passé douloureux de toute une nation.
La LTDH, le CACIT et l’ACAT-Togo rappellent en effet :

• Que dans un rapport publié en 2005, la LTDH a fait état d’au moins 811 morts enregistrés durant cette période ;

• Que la Commission nationale d’enquête indépendante mise sur pied par le gouvernement togolais a évoqué le chiffre de 150 morts ;

• Que les Nations Unies, à travers une Commission d’enquête, ont fait état de 400 à 500 morts ;

• Que bien d’autres organisations nationales et internationales ont reconnu les cas de décès enregistrés au cours de cette période et régulièrement lancé des appels pour que les auteurs soient identifiés et poursuivis, et que les victimes obtiennent justice et réparation ;

• Que des plaintes ont été déposés pour le compte des victimes de cette tragédie par le CACIT ;

• Que, dans un discours prononcé en juillet 2007 à Atakpamé, l’une des localités durement touchées par ces faits macabres, le Chef de l’Etat, Faure Essossimna Gnassingbé a reconnu ces évènements et a fortement martelé : « plus jamais ça sur la terre de nos Aïeux » ;

• Que c’est au regard de ces faits, jamais contestés jusqu’alors, que l’ensemble de la classe politique a voulu s’amender en signant l’Accord politique Global qui, entre autres, a mis en place une Commission Vérité, Justice et Réconciliation dont les travaux sont actuellement en cours.
Vivement indignées par les propos de M. Abass Bonfoh, les organisations signataires de la présente déclaration :

  Notent avec tristesse qu’ils traduisent le sentiment d’impunité dont jouissent les auteurs des graves atrocités commises contre les Togolais en 2005 ;
  Constatent que le président de l’Assemblée nationale s’est rendu coupable de négationnisme ;
  Exigent, en conséquence, sa démission pure et simple.
La LTDH, le CACIT et l’ACAT Togo interpellent le Chef de l’Etat, le Premier Ministre et les députés à l’Assemblée Nationale sur les suites à réserver à ces propos. Ils demandent à chacune de ces personnalités d’user de ses prérogatives constitutionnelles pour rétablir la vérité et rassurer le peuple togolais meurtri que son passé ne fera jamais l’objet d’un discours révisionniste.
Les trois organisations réaffirment leur détermination à tout mettre en œuvre pour que ces propos ne restent pas impunis.

Fait à Lomé le 20 septembre 2010

Pour :

• la LTDH : Me Raphaël N. KPANDE-ADZARE

• le CACIT, Me Zeus Ata Messan AJAVON

• l’ACAT-Togo : Me Jil-Benoït AFANGBEDJI