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Togo : Nomination d’Ahoomey-Zunu : Faure Gnassingbé joue la carte du durcissement et rempile déjà pour 2015

D 26 juillet 2012     H 05:42     A Sepe Dzake     C 1 messages


La nomination de Kwessi Arthème Seleagodji Ahoomey-Zunu est accueillie sans surprise, mais en même temps avec beaucoup de déceptions ce matin à Lomé. Les opinions sont quasi unanimes quant à l’interprétation de cette nomination : il s’agit d’un durcissement de la ligne de Faure Gnassingbé qui, à l’évidence, a nommé un Premier ministre dont la mission inavouée est d’organiser les prochaines élections dont le cadre électoral controversé est le point d’orgue ayant entraîné la démission de Gilbert Houngbo.

Titulaire de deux doctorats en droit public et en aménagement du territoire, Ahoomey-Zunu a une indéniable expertise en matière électorale, après son passage à la Céni et au ministère de l’administration territoriale et des collectivités locales ; il est de loin le haut-fonctionnaire ayant qualité dans le domaine des élections. Ça peut servir.
Or, le nouveau Premier ministre est un partisan zélé de ce cadre électoral contesté par l’opposition et voté au forceps par un parlement largement favorable au chef de l’Etat. La messe semble donc être dite, en ce qui concerne les prochaines élections, même si Faure Gnassingbé entretient le flou en donnant comme consigne "l’approfondissement du dialogue démocratique". Un terme générique qui voudrait signifier "reprise du dialogue" avec l’opposition et à qui on peut faire dire tout. Ce dialogue ne s’annonce-t-il pas déjà périlleux quand l’élu du chef de l’Etat est décrit par ses ex-collègues de l’opposition et des proches du président comme : "arrogant, égo surdimensionné, extrêmement clivant, revanchard, vindicatif" ?

A l’analyse, savoir raison garder et lire sans passions l’état d’âme du Palais de la Marina. Tout d’abord, il faut souligner la sérénité du chef de l’Etat que l’on a cru fragilisé par la démission "surprise de Houngbo". Le mental de Gnassingbé fils est si fort qu’il peut se permettre certaines gesticulations de type politicien retors en nommant un politicien marrane pour faire accroire qu’il veut travailler avec son opposition.

Le communiqué officiel de nomination de Arthème Ahoomey-Zunu, qui voudrait peut-être semer la confusion, souligne que ce dernier vient de la CPP, un parti de l’opposition, qu’on le veuille ou non. Il s’agit d’une mascarade, la CPP n’est guère ici qu’une caution même pas morale, le nouveau chef de gouvernement n’était plus membre depuis belle lurette de son ancien parti. Reste à savoir si Arthème Ahoomey-Zunu a la caution de son ex-mentor Edem Kodjo que la présidence a cherché à joindre en vain mardi et mercredi, selon nos informations au mo5-togo.com. Une bonne leçon pour l’expérimenté Edem Kodjo ; logiquement sa CPP apparait comme un vivier du clan où l’on vient puiser chaque fois un chef de gouvernement quand le pouvoir est en panne.

Ahoomey-Zunu n’est plus officieusement membre de la CPP depuis la fin des législatives d’octobre 2007. Le nouveau Premier ministre a déclaré il y a quelques semaines sur la chaîne LCF qu’il n’est plus membre de la CPP mais de l’UNIR. Certes, la CPP a toujours essayé de ramener ce fils prodigue mais talentueux au bercail ; en vain. Véritable concepteur de l’UNIR, Ahoomey-Zunu fut pressenti Secrétaire général ; fort de ces opportunités il n’a jamais daigné répondre aux sollicitations de son ancien parti.

Arrêtez les manifestations ou prenez les armes !

Sa nomination constitue donc une affaire rondement menée par le chef de l’Etat. Un signal politique fort significatif au Collectif Sauvons Le Togo. Il n’y aura pas de changement de politique, le Président maintient le cap. Tout se passe comme s’il disait au CST : "Arrêtez vos conneries de manifestations ou prenez les armes si vous voulez !"

L’ennui de cette nomination c’est que le président est même resté indifférent aux souhaits de l’opposition, des partis qu’on considère comme du centre. La nomination d’une personnalité issue du centre tant souhaitée dans l’opinion ne rentrerait pas dans les plans du Président, d’autant plus que le choix éventuel de Léopold Gnininvi (il dit n’avoir jamais été consulté), sur lequel tout le monde semblait d’accord, marquerait une rupture avec la politique actuelle et dresserait une ligne nouvelle pour assurer à toutes les forces politiques les chances égales dans le jeu politique.

Un tel Premier ministre devrait avoir pour programme non seulement le report des élections prochaines mais de pacifier le théâtre politique en organisant un véritable dialogue. Il irait inévitablement au clash avec l’establishment militaire des officiers supérieurs impunis, véritables dépositaires du pouvoir au Togo. Une telle hypothèse aurait pu nous entraîner dans une transition démocratique d’un ou deux, voire trois ans.

Même avec la démission de Gilbert Houngbo, la classe politique n’a pas réussi à éviter une confrontation entre les extrêmes, c’est-à-dire une lutte pour tout ou rien entre le CST-FRAC et les faucons du pouvoir, Faure Gnassingbé ayant préféré en découdre directement avec le CST. C’est la raison du choix d’Arthème Ahoomey-Zunu.

En dépit du capharnaüm au somment de l’Etat[les ordres et les contre-ordres, prises de décisions à l’insu du Président, les immixtions de ses concubines dans les affaires de l’Etat], Faure Gnassingbé se sent comme un poisson dans l’eau, son plan de conservation du pouvoir restant très cohérent.

Schématiquement le pouvoir est émietté entre différents clans des officiers impunis qui le gèrent chacun comme une portion de territoire. Le président a fait acte d’allégeance à ces officiers des FAT en leur assurant l’impunité, "peut-être parce qu’ils en savent un peu trop sur lui", selon un diplomate. C’est un jeu de " je te tiens, tu me tiens par la barbichette" auquel se livre Faure Gnassingbé et les officiers, qui le tiennent en réalité par les c…

Faure Gnassingbé rempile déjà pour 2015. Pour lui, le jeu est presque fait. Reste à savoir s’il gagnera son pari. Il a le soutien de l’armée et, à l’extérieur, il n’est pas dépourvu de soutiens, au point de se moquer en privé "que l’alternance aura lieu, peut-être dans 150 ans" !

Reste donc à savoir la réaction du CST dans les tout prochains jours. Quant aux partis du centre, ils peuvent dire adieu…..

Sepe Dzake

Source : www.mo5-togo.com

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