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Togo : Réconciliation ou Phagocytose françafricaine ?

D 16 août 2011     H 04:31     A Kofi Alouda     C 0 messages


L’autre envers du décor des "dialogues" et autres "réconciliations" en Afrique et en particulier au Togo

Les Africains avertis, de plus en plus nombreux, perçoivent bien que le vrai problème ne se situe pas au sein du Peuple, mais entre le Peuple tout entier et des agents locaux phagocytés, défaitistes et démissionnaires, installés ou que l’on veut installer aux sommets de nos Etats au service d’intérêts extérieurs.

Bien entendu, ces agents rendent le service contre vie luxueuse et pouvoir illimité à la baïonnette sur le Peuple.

Le système, très bien rodé, a toujours tenté de déplacer dangereusement le problème au sein du peuple par la manipulation ethnique.

Que ce soit pour maintenir au pouvoir les protégés "bons élèves" de la françafrique, du FMI et consorts ou pour remplacer les récalcitrants, la manipulation a malheureusement parfois fonctionné et conduit à des génocides (Biafra, Rwanda, etc.) ou à des massacres à grande échelle, aux relents également génocidaires (Madagascar, Algérie, Cameroun, Togo, Côte d’Ivoire, etc.).

Une fois cette confusion périlleuse semée, vient le temps des "dialogues" et autres "réconciliations".

Beaucoup d’encre, de salive et de claviers ont été épuisés au sujet de ces "machins" mais en restant aussi, malheureusement, enfermés dans cette logique détournée du vrai sujet.

La phagocytose à la françafricaine : un processus selon lequel les forces vives intègres représenteraient plutôt les « agents pathogènes » menaçant le système qui, pour survivre, cherche absolument à les détruire par aspiration, captation, engloutissement, ingestion et digestion …

L’équation ultime des "dialogues" et autres "réconciliations" telle que l’entendent ceux qui en « soufflent » l’idée n’est en réalité pas une équation interne. Il s’agit pour les mentors extérieurs des "pouvoirs" installés, d’achever leur processus phagocytaire en incluant le peuple entier, toutes ses forces, toutes ses élites dans le système vicié qu’ils ont créé à leur bénéfice exclusif.

Cette approche va de pair avec le renforcement et la concentration des pouvoirs au sommet de l’Etat à travers les dérives monarchistes et les modifications constitutionnelles. En effet, il s’agit de pouvoir tenir tout un peuple ainsi phagocyté par une seule et unique poignée par laquelle toutes les ficelles du filet sont tirées pour ramener, avec le moins de peine possible, toute la capture, tout le butin, hommes, femmes, terres et richesses, à leur service.
Et pourtant, il existe toujours une vraie solution pour le vrai problème.

Le cas du Togo : éléments de contexte et propositions

Tout d’abord, nous avions été saisis d’une perplexité au sujet de la démarche de la CVJR envers la diaspora, dans la mesure où les autorités qui lui ont confié cette mission de Vérité, Justice et Réconciliation ont toujours ignoré, voire méprisé, les avis et les demandes de cette diaspora. Par la suite, nous avons appris que l’initiative de consulter la diaspora n’émanait pas de ces autorités (de fait), mais de la CVJR elle-même. Ce qui lève nos interrogations initiales et maintient notre perception de la triste réalité des rapports que ces autorités entretiennent avec la diaspora, à l’image de ce qu’il en est avec nos concitoyens sur place.

Néanmoins, nous allons rappeler quelques éléments du contexte chaotique togolais et ensuite faire notre proposition.

1. Cela fait des décennies que cette question de réconciliation court. En effet, c’est depuis les années 60 que le sujet revient régulièrement. Pour espérer réussir cette fois-ci, il faudrait comprendre et faire ressortir clairement les causes des précédents échecs.

2. L’histoire vécue nous dit quant à elle qu’une Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) n’a de sérieuses chances de réussir que dans un contexte de changement de régime politique et des dirigeants qui l’incarnent.

•Afrique du Sud ;
•Rwanda ;
•Voire l’Allemagne et l’Europe des années 40 ; …
3. Dans le cas célèbre de l’Afrique du Sud où par ailleurs c’est également un archevêque qui a conduit le processus, qui peut parier que ce processus aurait réussi si ce n’était dans un contexte de fin de l’ancien régime d’apartheid ?

4. Pour ce qui est en particulier de la Vérité, base de la Justice et de la Réconciliation, pourrons-nous obtenir que cette Vérité soit dite quand « le juge » lui-même est en cause ? Comment peut-on être juge et partie ? Si le régime Allemand des années 40 avait gagné la 2e grande guerre et s’était maintenu au pouvoir, n’est-ce pas une autre « vérité » qui aurait été enseignée au monde entier ?

5. Quelle prise en compte des acteurs extérieurs dans ce processus, ceux-là mêmes qui ont installé ce système au Togo et qui le maintiennent de père en fils depuis près d’un demi-siècle ?...

6. Au Togo et dans bien d’autres pays d’Afrique, nous avons des régimes aux pouvoirs tentaculaires sur le plan interne, agissant en chapes de plomb sur leurs peuples régulièrement réprimés. Mais ces mêmes pouvoirs n’ont aucune voix sur le plan externe alors que nous vivons dans un monde de plus en plus globalisé.

7. Quelle sincérité de la démarche de la part du système en place lorsque se poursuivent les répressions de l’opposition et de la population, dont celle des étudiants en cours ; et alors que des morts violentes et brutales d’hommes politiques, dont ceux de haut rang tel M. Agbobli, restent encore sans enquête sérieuse plusieurs années après ? Cette sincérité est encore plus mise à mal lorsque nous constatons de surcroît ces derniers temps, des tentatives de renforcement des pouvoirs constitutionnels du chef de l’Etat dans le domaine judiciaire, comme si ces pouvoirs déjà exorbitants n’étaient pas suffisants. Qui voudrait un hyper monarque disposant de tous les droits sur ses sujets ?

8. Ne devrions nous pas interpréter cette sorte de monarchisme rampant du régime togolais et par contamination des autres régimes africains dans ce contexte de renforcement d’un totalitarisme interne, mais soumis à un dictat externe pour des intérêts qui nous échappent ? Notre pays serait-il la propriété privée de réseaux extérieurs qui sous-traitent à quelques locaux ?

9. Au vu de tout ceci, entre autres, la réconciliation affichée ne risquerait-elle pas alors de signifier plutôt amener toutes les forces vives du pays, y compris celles qui tentent encore d’y échapper, à se plier au service de la consolidation d’un système de néo-esclavagisme renforcé à l’intérieur et qui, à l’extérieur est comme tenu en laisse depuis des palais étrangers ? Si nous n’y prenons garde, même les meilleures volontés de réconciliation risquent plutôt, malgré eux, de pousser le peuple désabusé vers une phagocytose complète dans un système vicié et en panne de projet ; un engrenage où règnent l’éphémère, l’argent « facile », l’affairisme, l’égoïsme, la ruse, la raison du plus fort et la violence ; autant d’ingrédients de déchéance et de fabrication de la misère à plein régime.

10. En réalité, derrière le rideau opaque de cette scène se trouvent également les véritables bénéficiaires à terme, les mêmes. Ce sont ceux qui ont fait de nos pays leurs « pré-carrés ». Il s’agit de leur livrer tout le pays en une sorte de paquet cadeau complet à travers l’inclusion de tous sous une unique poignée qui tiennent à leur service. Aucune fausse note, aucune « brebis galeuse » ne doit s’écarter cette canalisation et entraver leurs plans. Voilà une des raisons, entre autres pour lesquelles leurs médias, en particulier ceux en direction de l’Afrique, participent à la médiatisation, sinon à la propagande autour de ce processus. Personne ne s’y trompe, ils n’encourageraient jamais la « réconciliation » s’ils ne maîtrisaient pas le sommet de l’Etat, au contraire, c’aurait été le torpillage.

11. Il revient donc à tout citoyen soucieux de l’avenir de notre pays de veiller à ne pas annihiler ce qui reste encore comme espoir d’une alternative à une telle impasse. Cet espoir pour le pays est incarné par ceux qui ont su se tenir en dehors de cette spirale. La réconciliation que nous souhaitons est celle qui nous permettrait d’en sortir tous par le haut, y compris ceux qui sont déjà pris dans ce système s’ils le souhaitent, plutôt que de nous aspirer tous dans un nivellement vers les plus bas-fonds.

C’est pourquoi nous faisons la proposition qui suit.

12. Notre proposition consiste à des Assises Nationales de la renaissance togolaise, sur un modèle largement inspiré de celui de l’Afrique du Sud, devant aboutir à la fin du système actuel, au retrait pacifique du régime qui l’incarne et à une transition politique toute aussi pacifique. La garantie de retrait et de transition pacifiques, sans une quelconque « chasse aux sorcières », pourra au besoin être renforcée par des instances et des personnalités africaines appelées en témoins. En quelque sorte, un rattrapage des erreurs de la Conférence Nationale avec les expériences acquises au Togo comme ailleurs et avec les données d’un contexte actualisé.

Ces assises devront élaborer une feuille de route en matière de changements institutionnels que devra appliquer la transition politique jusqu’à des élections générales.

Parmi ces changements institutionnels majeurs, les trois ci-après :

•Le retour à la constitution légitime votée par le peuple en 1992
•La décentralisation et la mise en place d’institutions démocratiques locales avec des élections locales.
•Le recensement de la diaspora et son association à part entière à la vie politique du pays dans des conditions équitables. Sachant à quel point cette diaspora constitue un levier économique pour le pays.Au-delà du rejet obligé de toute forme « d’arrangement » conduisant à la compromission et à la phagocytose complète de tout ce qui reste encore d’intégrité et de vision pour le Togo, en lieu et place de la fin d’un système et de la descente aux enfers pour tous, il est fondamental qu’un maximum de togolais maîtrise tous les enjeux, cachés comme apparents qui sous tendent ces « réconciliations » et autres « dialogues » à la françafricaine.

Il peut être ainsi utile de se parler un minimum, y compris avec ceux qui jouent le jeu de ce que nous considérons comme un piège, afin que ceux-ci soient prévenus au plus haut point des responsabilités qu’ils prennent et dans quels sens ils devraient s’orienter le cas échéant s’ils en attendaient un résultat en toute sincérité.

Dans une situation aussi critique où rivalisent ruse et violence et où les enjeux les plus fondamentaux sont cachés, c’est une erreur naïve de s’arrêter à l’idée que « tout le monde sait déjà », étant donné que « savoir » est forcément à des degrés divers selon les sujets et selon les individus, aussi haut placés soient-ils.

Nous sommes disposés à apporter une contribution plus détaillée et à participer à la mise en œuvre d’un vrai dialogue et d’une vraie réconciliation qui inclut nécessairement la fin du régime cinquantenaire si en face, « le miracle » d’une volonté sincère se manifestait enfin dans le sens d’une telle sortie si salvatrice et honorable pour tous de cette longue et périlleuse crise.

Paris, le 17 juillet 2011

Pour le Bureau provisoire du MoLiTo

Kofi Alouda.