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Togo : une dette comme les autres

D 24 décembre 2012     H 05:59     A Samir ABI     C 0 messages


Retour sur le débat autour la dette publique
togolaise organisée par Attac Togo et Visions
Solidaires en présence de la Direction de la Dette
publique et de la Banque mondiale en cet aprèsmidi
du 15 octobre. Au même moment, au pays
du soleil levant, s’achevait l’assemblée générale
des institutions de Brettons Woods en présence de
nos distingués Ministres des finances et de la
planification allés faire des courbettes pour de
nouveaux prêts. La mise en débat de la dette
publique togolaise par la société civile s’imposait
deux ans après avoir atteint le point d’achèvement
de l’initiative PPTE. En effet, que de cris de joie
et de célébrations avaient marqué cet événement,
il y a deux ans ! A la suite de cette nouvelle, le
gouvernement avait fait miroiter au peuple la fin
de toutes les misères. Deux ans après, quel bilan ?

Pour Mr Kotsolé, représentant la Direction de la
dette publique, les acquis de l’initiative PPTE
sont très salutaires. L’annulation de 95% des
324 milliards de FCFA de la dette publique du
Togo envers les pays du Club de Paris a été, selon
lui, une bouffée d’oxygène. Les 5% encore dûs
(16 milliards de FCFA) pourront être totalement
remboursés à la COFACE (France) et à l’ONDD
(Belgique), selon les projections
gouvernementales, d’ici 2015. L’autre bouffée
d’oxygène, selon l’intervenant, est venue de la
Banque mondiale avec l’annulation des dettes de
l’IDA (une des filières du groupe Banque
mondiale) et de la Banque africaine de
développement au compte de l’Initiative
d’Allègement de la Dette Multilatérale (IADM).
Le montant annulé serait de l’ordre de
357 milliards de FCFA. L’orateur a souligné deux
faits nouveaux intervenus dans la stratégie
d’endettement du Togo qui promettent une
meilleure gestion de la dette dans l’avenir. Le
premier de ces faits est la création d’un comité
national de la dette publique en charge d’élaborer
des stratégies d’emprunt et de gestion efficiente
de l’endettement public. Ce comité est composé
essentiellement d’experts des divers Ministères en
charge des questions économiques. La société
civile n’y est bien sûr pas invitée et pour cause :
pas assez d’expertise.

Le second fait majeur, selon
Mr Kotsolé, serait le recours, de plus en plus
marqué, du Togo à l’endettement intérieur pour
combler le gap budgétaire, contrairement aux
années précédentes où le gouvernement avait
recours à des prêts et des « dons » externes.
Même son de cloche chez Mr Tougma
Yemdaogo, l’économiste de la représentation de
la Banque mondiale au Togo, qui, en rappel de
l’historique de l’initiative de PPTE, a souligné le
fait que cette initiative est née des interpellations
constantes de la société civile sur la dette publique
des pays les moins avancés. Le G7 et les
institutions financières internationales ont donc,
par l’initiative PPTE et l’IADM, satisfait, selon
lui, les exigences de la société civile et ont mis fin
à leur ancienne politique d’imposition des
mesures d’ajustement structurelles par plus de
dialogue et de concertation avec les états dans
l’instauration des réformes économiques. Pour
lui, le bilan de l’initiative PPTE au Togo ne peut
guère se faire sentir au niveau budgétaire car, bien
avant l’initiative, le Togo ne payait plus ces dettes.
Mais, au niveau des emprunts, l’atteinte du point
d’achèvement et le quitus de la Banque mondiale
ont donné une nouvelle crédibilité au Togo pour
de nouveaux emprunts sur les marchés.

Conséquence, en septembre 2012 le Togo avait
déjà emprunté 55,77 milliards de FCFA sur le
marché au taux d’intérêt de 6% et la Chine, de
son côté, engraisse allègrement l’ardoise de la
dette publique par la construction de multiples
infrastructures.

Pour Mr Assignon Max, représentant
l’intersyndicale des travailleurs du Togo, invité
au débat pour donner le point de vue des
travailleurs sur l’initiative PPTE : « Trop tôt pour
tirer un bilan social au Togo de l’initiative
PPTE ». Les syndicats togolais n’ont pas encore
fait l’évaluation de l’initiative.
Et, au tour de la société civile de donner son point
de vue. Comme on pouvait s’y attendre le débat
fut houleux. Au début, la question de l’audit de la
dette publique du Togo fut abordée et, très
rapidement, les organisations de défense des
droits de l’homme et les militants pour la justice
environnementale, présentes à l’atelier, sont
revenues sur les conditionnalités pour l’atteinte du
point de décision puis du point d’achèvement de
l’initiative PPTE. Que d’efforts a dû consentir le
pauvre citoyen togolais qui a vu ses frais
d’électricité augmenter après une privatisation
chaotique de la compagnie d’électricité nationale.
Après avoir bradé à tour de bras les entreprises
publiques l’État togolais se voit forcer la main par
les IFI qui lui demandent, dans le cadre de son
deuxième document stratégique de réduction de
la pauvreté pour la période 2013-2017, de baser
sa croissance sur le secteur privé. On parle bien
sûr de dialogue !!!

Comment se baser sur le
revenu aléatoire de la fiscalité sur les entreprises
privées pour réaliser tous les investissements
publics nécessaires afin d’améliorer le bien-être
de la population et atteindre les Objectifs du
Millénaire pour le Développement (OMD) ? En
quoi l’atteinte du point d’achèvement a-t-elle
permis d’avancer dans l’atteinte des OMD au
Togo ?

Le constat sur place est que dans les lycées
publics de la capitale en cette période de rentrée
scolaire, on retrouve des salles de classe avec trois
élèves assis sur un banc prévu pour deux et que
les hôpitaux restent toujours des mouroirs pour
les femmes qui accouchent. Les investisseurs
étrangers dans le secteur des mines, attirés par
l’amélioration du climat des affaires voulues par
les IFI, développent de façon anarchique des
exploitations minières sans étude d’impact
environnemental. Le débat est revenu sur la
privatisation du secteur bancaire voulue par les
IFI. En effet, malgré la surliquidité bancaire et le
bénéfice record de 3 milliards de FCFA enregistré
par les banques publiques togolaises en 2011, leur
privatisation est réclamée par le FMI pour une « 
meilleure gestion ». Les lois des Institutions
financières internationales sont impénétrables.

Samir Abi

Source : Bulletin 53 du CADTM France