Vous êtes ici : Accueil » Afrique du Nord » Algérie » Notes sur le remaniement ministériel en Algérie

Notes sur le remaniement ministériel en Algérie

Note d’un camarade algérien, membre de la IV° internationale

D 6 juin 2010     H 17:26     A     C 0 messages


1- Le réajustement ministériel effectué par Bouteflika est présenté comme un non événement par les médias. Ces mêmes médias qui pendant un certain temps faisaient pression sur le président, par des annonces répétées sur l’imminence d’un changement gouvernemental, afin de sauter le verrou Ouyahia présenté comme l’homme du « patriotisme » en vigueur. Il est vrai que l’opinion publique d’une manière générale est préoccupée plus par la fin du championnat national de football et par l’avenir douteux de l’équipe nationale. Mais ce traitement lapidaire de l’événement par les médias acquis au courant libéral exprime surtout une certaine déception devant le maintient du premier ministre et de l’ossature de son gouvernement, synonyme de l’affirmation de l’orientation économique jugée trop protectionniste.

En effet c’est ici que réside l’enjeu. Ce qui est attendu du président c’est de mettre un frein aux mesures économiques jugées pas trop libérales. C’est Ouyahia qui porte le chapeau de cette politique. Même si une partie du patronat libéral a intégré le bien-fondé de ces mesures dans la logique d’un développement d’un capitalisme national face à un libéralisme international en plein déroute, cette baisse d’ardeur de la critique libérale est surtout motivée par la cagnotte d’en dispose le président. Ces sont des centaines de millier de dollars que le président s’apprête à injecter dans le marché. Ce qui fait languir plus d’un entrepreneur national et international. Voila pourquoi personne ne regrette le départ de Chakib Khellil ni celui de Temmar, les principaux architectes du programme libéral de Bouteflika.

La mise à l’écart des ces ministres s’explique donc plus par l’affirmation du changement de cap du capitalisme algérien entamé déjà il un temps que par les affaires de corruption. Parce qu’en termes de corruption d’autres ministères sont touchés, notamment celui d’Ammar Ghoul, qui est maintenu.

2- Les lectures nous rappelant la lutte des clans refont surface à chaque événement touchant de prés les affaires du pouvoir. Il y aurait au sein du gouvernement algérien un affrontement des clans, entre deux groupes fondamentaux : la présidence et le service sécuritaire. Cette lecture est peaufinée à l’occasion : la présidence est un pouvoir monarchique de type tribal et le pouvoir sécuritaire, c’est-à-dire les militaires, est de type moderniste, nous dira un imminent politologue.

En réalité, le capitalisme algérien est dirigé par un corps bureaucratique avec son histoire et son itinéraire connu. C’est un corps qui s’embourgeoise de plus en plus. Il se renforce à la lumière de la crise que connaît le libéralisme mondial aujourd’hui. Les fractions de la bourgeoisie libérale font, dans ce contexte, profil bas. Dans cette situation c’est l’exécutif avec ses différents paliers qui exerce le pouvoir. Les clivages des différents corps administratifs sont au-delà de la simple dichotomie présidence/militaire s. Les deux entités sont traversées par autant de groupes d’intérêt liés aux affaires et à la corruption que n’importe quelle partie de ce corps parasitaire. Même les luttes de successions semblent se réduire à des ambitions personnelles qu’à des corps constitués.

3- Même si globalement les changements n’ont touché que quelques postes, qu’il n y ait pas de chamboulement profond dans la prise de décision au sein du gouvernement, il y a néanmoins le départ de Zerhouni, ministre de l’intérieur, qui attire l’attention. Au-delà de l’importance stratégique de ce ministère dans l’échiquier Bouteflika, c’est surtout les rapports étroits entre les deux hommes qui confèrent à Nourddine yazid Zerhouni son importance et son rôle stratégique. Connu pour être l’homme de confiance de Bouteflika son départ peut signifier que quelque chose a changé dans la « maison du président ». Sa nomination au poste de vice-Premier ministre avec des prérogatives non encore définies constitue un fait en soi plus important que le remaniement ministériel lui-même. Contrairement à l’idée selon la quelle il est destiné à jouer « l’œil de Moscou » dans le cabinet d’Ouyahia, il est fort à parier plutôt dans sa mise à l’écart, ou plus exactement sa mise en retraite. Il aurait lui-même sollicité son départ. Quoiqu’il en soit les affaires sont bonnes pour le pouvoir algérien, et une transition de velours se prépare.

Nadir le 02/06/2010