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Manoeuvres de l’impérialisme au Sahel

D 5 février 2012     H 05:33     A Moulzo     C 0 messages


A long terme, le coup d’éclat d’Al-Qaida Maghreb
islamique dans le Nord du pays pourrait bien servir
l’intérêt de la France. Elle pourra ainsi légitimer sa
volonté de contrôler militairement la région » estime Aïr Info, titre
influent d’Agadez. [i] « 

En effet, si la stratégie de déstabilisation de la région du Sahel
par AQMI (Al Quaida au Maghreb Islamique- ex GSPC- Groupe
Salafiste pour la Prédication et le Combat) est avérée, il n’en
demeure pas moins que l’éclat de leurs actions (rapts
d’occidentaux, attaques des intérêts au Sahel des
multinationales) profite aussi à l’impérialisme. La parfaite réussite
de ces opérations d’AQMI prouve par ailleurs une certaine
complaisance locale, y compris celle des gouvernements locaux,
souvent corrompus par les multinationales et se souciant peu du
sort des populations locales qui elles, subissent violemment le
racket organisé des ressources qui leur appartiennent. « Le fait
est que bien des multinationales occidentales qui opèrent en
Afrique sont insensibles au sort des populations. Mais si AQMI et
autres parviennent à harceler et à narguer une multinationale
comme Areva, c’est que le terrain y est propice : ils bénéficient
de complicités au sein des populations livrées à elles mêmes.
[ii] ».

Le sahel, une zone à hauts risques

Mali, Mauritanie, Niger, les attaques contre les intérêts de la
France n’épargnent aucun pays du Sahel. Au Niger par exemple,
il semble que ce soient les difficultés économiques qui poussent
les rebelles touaregs vers AQMI car les revenus de l’uranium
(exploitées par AREVA) ne profitent pas du tout aux populations
locales. De plus, la compagnie française néglige les questions
environnementales selon Seidik Abba ( journaliste nigérien) qui
pense que l’adhésion des touaregs à AQMI n’est pas idéologique
mais stratégique car dans la région d’Arlit (où se situent les
gisements d’uranium) par exemple , la défiance vis-à-vis d’AREVA
s’est récemment accrue[iii].

A qui profite donc le crime ? Certainement pas seulement à AQMI
qui récolte certes beaucoup d’argent grâce aux rançons tout en
se faisant une publicité quasi gratuite à travers les médias
occidentaux mais aussi aux victimes de l’impérialisme qui, en
récupérant une partie de ces revenus, ont l’impression que ce
n’est que justice. La France, implantée de longue date dans la
région, peut avoir quelques intérêts dans cette déstabilisation du
sahel d’abord parce qu’elle n’incite pas les autres multinationales
impérialistes (Chine, Etats Unis…) à s’y implanter mais aussi
parce qu’elle justifie une présence militaire française dans la
zone, souvent sur appel des gouvernements locaux. Les
contradictions de la politique française au Sahel se révèlent au
grand jour et la stratégie de Sarkozy « le cow boy du Sahel »
n’est pas du tout payant. L’intervention musclée pour libérer
Michel Germaneau a conduit à la mort de ce dernier, exécuté par
le groupe islamiste en représailles. Les touaregs, persécutés au
Mali et dans bien d’autres pays du Sahel, sont les principaux
boucs émissaires alors que la misère seule les pousse (et pas
tous d’ailleurs) vers AQMI. Les gouvernements maliens et
nigériens peuvent à leur tour justifier de façon légitime la
violence d’État qu’ils font subir aux touaregs.

AQMI, c’est quelques centaines de personnes (entre 80 et 200)
qui réussissent à déstabiliser toute une région, celle du Sahel, la
transformant en quasi « zone de non droit ». Mais il faut rajouter
à ce nombre les non djihadistes, attirés surtout par l’appât du
gain facile et revendant leurs otages à l’organisation islamiste. Le
ministère français des affaires étrangères estimait leur nombre en
juillet 2010 entre 450 et 500. Pas très valorisant pour tous ces
États africains indépendants, obligés aujourd’hui de faire appel à
la France pour lutter contre quelques centaines de djihadistes. La
coopération militaire entre le Mali, le Niger et la France, se trouve
renforcée et la présence militaire française dans la région accrue.
L’impérialisme a plus d’un tour dans son sac pour continuer à
exploiter encore et toujours les pays pauvres.

L’ Union africaine doit prendre le problème d’AQMI à bras le corps
et se charger de le régler. C’est uniquement de cette façon qu’elle
pourra éviter une déstabilisation de la sous région du Sahel et
empêcher la réimplantation légitime de l’impérialisme français
dans cette zone qui semble lui appartenir comme un dû.

Moulzo

 [i] Aïr Info, Agadir
 [ii] Le pays, septembre 2010
 [iii] Courrier international, décembre 2010