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Egypte. La mobilisation sans précédent du 30 juin. Et maintenant ? Lundi 1er juillet, cela continue…

D 3 juillet 2013     H 15:58     A Jacques Chastaing     C 0 messages


Nous publions, ci-dessous, une revue chronologique de la journée du 30 juin 2013.

1. Egypte, 16h30. Selon des sources militaires, il y aurait plus de trois millions de manifestants anti-Morsi à l’heure actuelle en Egypte, donc bien plus vers 19 ou 20 heures.

On signale de très nombreuses villes ou villages où les bâtiments administratifs ont été couverts d’une banderole « Fermés sur ordre de la révolution ». Un militant syndical signale que dans la plus grande usine du pays à Mahalla, Misr Spinning Company, il n’y avait ce matin pas plus de 10% des effectifs normaux (dimanche est un jour travaillé normal en Egypte)

2. Egypte : 17h10. Il y a de très nombreuses manifestations dans les villes et villages d’Egypte, une à chaque coin de rue au Caire selon Jack Shenker le correspondant du Guardian. A Mahalla, 500’000 habitants, un porte-parole des anti-Morsi déclare plus de 1 million de manifestants… c’est peut-être exagéré.

A Alexandrie, la manifestation n’ayant plus assez de place pour avancer, passe par les souterrains : peut-être encore plus de monde qu’au Caire

Tahrir à 17h00. Il fait 40°. D’après des témoins, la place est pleine on ne peut plus l’approcher à moins de 2 km. Et de nombreuses manifestations en sont à peine à démarrer. La ville semble s’être vidée dans les rues.

3. Egypte 18h00. Devant le Palais présidentiel Al Ittihadiya à Heliopolis, lointaine banlieue cairote, une foule anti-Morsi comme on n’en a jamais vu. L’ambiance pour le moment est festive, familiale. Des gens crient : « On sent l’odeur des lacrymos de Rio et Taksim »… « Nous voulons des femmes à tous les postes du gouvernement », et rugissent « nous voulons la chute du régime ». Tous les ponts du Caire sont bloqués. Une foule de primo- manifestants avec leurs familles. Et les gens continuent à affluer. Tous les cafés, magasins, petits ou gros, taxis ont des affiches anti-Morsi. Quelques bus circulent, à l’intérieur les gens scandent « dégage, dégage… »

4. Egypte 19h00. Il y a nettement plus de monde dans les rues que les 25 et 28 janvier 2011 au plus fort des premiers jours de la révolution qui a fait tomber Moubarak. Tout le monde dit que c’est « énorme, incroyable, ahurissant »… La pétition « Rébellion » pour que Morsi dégage aurait récolté 22 millions de signatures selon ses organisateurs contre 13 millions d’électeurs pour Morsi aux dernières présidentielles. Des marches des habitants de villages entiers se font en direction des villes, Mansoura, Mahalla…Cela marche partout. L’Egypte entière semble dans la rue. Devant le Palais présidentiel, plusieurs centaines de milliers de personnes, autant place Tahrir et des manifestations dans toutes les villes d’Egypte. Beaucoup de gens qui ne sont pas dans la rue depuis leurs fenêtres agitent des drapeaux et applaudissent. Le slogan le plus largement repris est « dégage » avec le petit carton rouge où il y a aussi marqué « dégage ». D’autres comme « Musulmans et chrétiens ensemble sont la révolution », « les femmes sont la fierté de l’Egypte » et « regarde, regarde, voilà la révolution des moutons », allusion aux termes péjoratifs dont les Frères Musulmans affublent les manifestants les accusant d’avoir une obéissance aveugle envers leurs dirigeants.

5. Egypte, 30 juin, 20 heures : Les journaux, officieusement, estimaient le nombre de manifestants à 7 millions vers 19 heures, soit plus que les 18 jours insurrectionnels cumulés de janvier 2011. Les manifestants sont de tous âges, des enfants aux vieillards, pas seulement des manifestations de jeunes, le palais présidentiel à Héliopolis est complètement encerclé. Jusque-là les manifestations étaient bon enfant, mais depuis 19henviron, des affrontements violents contre les pro-Morsi sont signalés à Moqqatam au Caire, à Tanta, à Beni Suef et à Sharqeya… L’armée et la police ont disparu des lieux d’affrontements et ne défendent pas les locaux des Frères Musulmans alors que leurs hélicoptères Apache survolent les villes

6. Egypte 30 juin, 21 heures : Les gens descendent au pied de leur immeuble et manifestent, restent là, discutent, scandent des slogans. Joie immense lorsque place Tahrir, la foule apprend que le siège central des Frères Musulmans est en train de brûler. Le gouverneur Des Frères Musulmans de Gharbiya assiégé dans son immeuble de gouvernorat a fui par une porte de derrière, les manifestants lui donnent une heure pour fuir la région du gouvernorat. Devant le palais présidentiel au Caire (héliopolis) des manifestants quittent la manif et rentrent chez eux, mais de plus nombreux encore continuent à affluer. C’est un immense jour de fête en Egypte, les gens sourient, chantent, s’embrassent, on tire des feux d’artifice…

Le Front du 30 juin appelle les manifestants à rester sur les places et à commencer une grève générale illimitée (dimanche est un jour travaillé en Egypte, les présents sont donc pour la plupart en grève). 250 bateaux de pêche à Damiette manifestent dans l’eau contre Morsi, pareil à Luxor ou des centaines de bateaux chargés de monde descendent le Nil contre Morsi.

7. Egypte, 30 juin, 23 heures : Des médias égyptiens ainsi que de source militaire, on estime (selon le journal Shorouk) qu’il y a eu aujourd’hui, à cette heure, 17 millions de manifestants anti-Morsi dans les rues des villes et villages d’Egypte. La chaîne CNN annonce 33 millions d’Egyptiens dans les rues. D’autres disent 9 millions… Quoi qu’il en soit, c’est probablement la plus grande manifestation que le monde ait connue dans son histoire. C’est l’hiver islamiste, comme disaient les journalistes… !

Quatre sénateurs des Frères Musulmans ont fui l’Egypte pour aller se réfugier à Londres avec leurs familles. 60’000 à 80’000 personnes auraient fui l’Egypte en avion durant les 48 dernières heures. Des hélicoptères militaires jettent des drapeaux égyptiens sur la foule place Tahrir, ce qui est interprété par les manifestants comme un soutien de l’armée. La plupart des manifestants dénoncent essentiellement le manque de travail, les coupures d’électricité et d’eau et le rationnement de l’essence. Les applaudissements place Tahrir à l’annonce que le siège central des Frères Musulmans brûle à Moqqatam ressemblent à ce qui s’était passé le 28 janvier 2011 quand la foule a appris que le siège du PND (Parti National Démocratique) de Moubarak brûlait. Après le 30 juin, le FSN (Front de Salut National) déclare qu’une progression de la protestation serait une grève générale illimitée sans qu’on comprenne s’il y appelle ou pas ; toutefois demande de rester sur les places et dans les rues jusqu’à ce que le régime renonce.

8.- Egypte, 1er juillet, 01 h. Et maintenant ? La BBC a confirmé ce que disait CNN, 33 millions de manifestants le 30 juin en Egypte, déclarant que c’est la plus grande manifestation de l’histoire de l’humanité. Il y aurait donc eu trois fois plus de manifestants que d’habitants en Tunisie, presqu’autant que de citoyen de l’Etat espagnol… Le chiffre de 33 millions est contesté (Reuters dit 14 millions), mais la grande majorité s’accorde pour dire que c’est la plus grande manifestation. Et bien qu’il soit passé minuit, la foule ne cesse de grandir… même si d’autres repartent chez eux. Le mythe que les vieux veulent la stabilité s’effondre, beaucoup de manifestants âgés. Tout le monde se demande s’il va aller au travail demain (1er juillet). Le Front du 30 juin, appelle à des sit-in non seulement à Itthidiya (Palais présidentiel d’Héliopolis), mais aussi devant le Sénat et devant le palais El-Quba, ainsi qu’à la désobéissance civile à partir de demain jusqu’à ce que Morsi dégage. Les dirigeants de la campagne Tamarod (Rébellion) ont donné un ultimatum : il s’en va avant mardi 2 juillet 17h00 où alors Tamarod appelle à la désobéissance civile générale.

Les manifestants du palais présidentiel pointent leurs lasers sur un hélicoptère militaire. Signifient-ils ainsi qu’ils lui tirent dessus ? Ou l’acclament-ils ? En fait, il y a une salve d’applaudissements dès qu’un hélicoptère passe.

9.- Egypte, 1er juillet, 18h00 : Course de vitesse entre le peuple et l’armée pour prendre le pouvoir. Dans une déclaration du CSFA ( Conseil Supérieur des Forces Armées) lue par le ministre de la Défense Abdelfatah Kalil Al-Sissi, l’armée déclare son soutien aux manifestations du 30 juin, demande au régime de Morsi d’entendre le peuple et lui donne 48 heures pour lui donner satisfaction faute de quoi, le CSFA mettrait en place une feuille de route pour prendre le pouvoir avec d’autres forces politiques.

La foule commence à affluer à Tahrir, la plupart hurlent leur joie à l’annonce de la déclaration de l’armée, d’autres pleurent et un certain nombre dit qu’ils ne veulent pas d’un coup d’Etat militaire dans 48 heures, fut-il soft, rappelant tous les crimes dont l’armée s’est rendue coupable lorsqu’elle a assumé le pouvoir, de la chute de Moubarak à juin 2012.

Le mouvement Tamarod (Rébellion) lié au FSN (Front de salut national), appelle à des marches dès maintenant sur le palais Qubba où serait réfugié Morsi pour le renverser. Est-ce une course de vitesse entre la rue et l’armée pour avoir l’initiative de renverser Morsi ? A juste titre pour le peuple qui ne doit pas se placer dans les mains de l’armée. D’ailleurs, bon signe, la place Tahrir ne chante pas « « l‘armée et le peuple une seule main », mais unanimement « A bas Morsi ».

Cinq ministres viennent de démissionner du cabinet Qandil. La TV d’Etat, à Maspéro, a déjà fait son coup d’Etat ne cessant de passer des infos sur les manifestations du 30 juin dénonçant Morsi. Une rumeur court, les hommes qui défendaient le siège central des Frères Musulmans au Caire à Moqqatam, en tirant à balles réelles sur les manifestants, seraient des membres du Hamas. Beaucoup de réactions d’enthousiasme sur les réseaux sociaux maghrébins, tunisiens, algériens, marocains aux manifestations du 30 juin. Vers la contagion au Maghreb ?

Jacques Chastaing

Source : http://alencontre.org/