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Mauritanie : Critiquer la gouvernance, un exercice risqué

D 25 décembre 2012     H 05:28     A FIDH     C 0 messages


Le jour de la fête d’indépendance de la Mauritanie, la FIDH et son organisation membre, l’AMDH, publient un rapport faisant état des violations des droits de l’Homme et notamment de la répression systématique des contestations populaires qui secouent le pays depuis 2011, faisant craindre la résurgence d’un pouvoir autoritaire en Mauritanie. Nos organisations appellent les autorités mauritaniennes à l’organisation dans les plus brefs délais d’élections législatives pluralistes, libres et transparentes et à garantir le respect des libertés fondamentales pour contribuer à l’apaisement d’un contexte politique et social extrêmement tendu.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz, les contestations de la gouvernance se font de plus en plus nombreuses. Report des élections législatives sine die, mauvaises conditions de travail des étudiants et travailleurs, persistance de l’esclavage et pratiques discriminatoires dans la procédure de recensement de la population sont autant de violations des droits humains et principes démocratiques recensées dans ce rapport et dénoncées par la population.

Depuis plusieurs mois, la société civile mauritanienne exprime son mécontentement face à ces multiples violations des droits de l’Homme à travers des manifestations au slogan « Aziz dégage », régulièrement organisées à Nouakchott et dans le reste du pays. Le pouvoir privilégie quant à lui la répression, alors qu’il peine à instaurer un dialogue constructif avec l’opposition.

Le rapport de la FIDH revient sur ces différentes répressions de manifestations menées depuis 2011, notamment par les étudiants, les syndicats, les partis politiques et les organisations de défense des droits de l’Homme. La recrudescence de la violence en Mauritanie est flagrante : depuis septembre 2011, trois personnes sont décédées à la suite des interventions des forces de l’ordre et les cas d’arrestations et détentions arbitraires et de torture se multiplient. « La systématisation du recours à la violence et à la torture par les forces de l’ordre, ainsi que le manque de suites judiciaires sur les cas de violations des droits de l’Homme, instaurent un climat dangereux, dans lequel l’impunité s’installe dans le camp du pouvoir et la défiance chez les populations », a déclaré Me Sidiki Kaba, président d’honneur de la FIDH. « Il est primordial pour les autorités mauritaniennes de ne pas céder à la tentation autoritaire et de favoriser le dialogue avec les partis politiques, les syndicats et la société civile », a-t-il ajouté.

Alors que les élections législatives se font attendre depuis plus d’un an, le processus de recensement de la population, préalable à leur organisation, est controversé et contestable à plusieurs égards. La lenteur du processus débuté en mai 2011, l’absence d’information quant à ses procédés et objectifs et les pratiques discriminatoires ravivent les tensions ethniques et renforcent le sentiment d’un déni de citoyenneté chez des milliers de mauritaniens, mobilisés au sein du mouvement Touche pas à ma nationalité. « Les autorités mauritaniennes doivent garantir les mêmes conditions d’accès au recensement pour tous les citoyens. Or, ce n’est actuellement pas le cas dans la mesure où, aussi impensable que cela puisse paraître, les membres de certaines ethnies subissent des interrogatoires plus détaillés que d’autres. », a déclaré Me Fatimata Mbaye, présidente de l’AMDH.

La persistance de la pratique de l’esclavage dans le pays est également un enjeu auquel les autorités mauritaniennes doivent faire face. Bien qu’ayant été officiellement abolies en 1981 et érigées en infraction pénale en 2007, les pratiques esclavagistes persistent en toute impunité en Mauritanie. « L’adoption par le parlement de la réforme constitutionnelle incluant l’interdiction de l’esclavage en mars 2012 est un signe de volonté politique », a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH. « Toutefois, la concrétisation de cette disposition dans la pratique est toujours attendue », a-t-elle ajouté.

La FIDH et l’AMDH appellent les autorités mauritaniennes à s’engager résolument pour le respect des droits humains et des libertés fondamentales dans le pays, à prendre en compte les revendications légitimes du peuple mauritanien et à engager un véritable dialogue social et politique afin d’apaiser les tensions actuelles.