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Pourquoi l’Afrique doit impérativement s’inspirer d’Hugo Chavez (Libre opinion)

D 21 avril 2013     H 05:21     A Thierry Deronne     C 0 messages


Comme il sied en pareille occasion, je voudrais avant tout, saluer la mémoire du Président Chavez décédé le 05 mars 2013 à Caracas au Venezuela. Un immense phare s’est éteint. Hugo Chavez Frias a donc définitivement succombé au mystérieux cancer qui le rongeait depuis plusieurs mois. Il avait 58 ans et venait d’être réélu pour un troisième mandat.

Une perte incommensurable.

D’extraction modeste, Hugo Chavez, le « Zambo », métis indo-africain, n’appartenait pas à la caste des élus, celle des descendants des colons espagnols qui ont longtemps trusté le pouvoir d’Etat au détriment des petites gens, en instaura un bipartisme corrompu, oligarchique, et totalement inféodé aux Etats-Unis.
Ces dernières décennies, l’Amérique latine n’a eu de cesse d’offrir au monde entier un champ inouï d’imaginaires et d’innovations politiques dont le noyau essentiel reste la conquête de la souveraineté pleine et entière.

Depuis son accession au pouvoir en 1999, Hugo Chavez fut l’inspirateur, le moteur et le centre de gravité politique de toutes les mutations politiques majeures dans cette partie du monde. L’objectif de cette tribune libre, est de s’inspirer des enseignements d’Hugo Chavez, pour formuler à l’adresse de l’Afrique, un message d’optimisme afin qu’à son tour, celle-ci s’affranchisse totalement du joug néocolonial.

1. Le socialisme révolutionnaire est un humanisme toujours d’actualité…

Face à l’atomisation croissante de nos sociétés, à l’exclusion sociale et à la misère grandissante dans les villes africaines, il urge de redéfinir un nouveau contrat social basé sur un socialisme révolutionnaire. Une sorte de « socialisme de 21è siècle » comme aimait à l’appeler Hugo Chavez lui-même. Chavez l’appelait également « révolution bolivarienne » du nom de Simon Bolivar, héros des luttes d’indépendances en Amérique Latine, parvenu à ses fins grâce à l’apport politique et logistique de la République noire d’Haïti en 1824.

Qu’importe la dénomination qu’on voudra, le primordial restera l’extirpation de la pieuvre néocoloniale et de ses tentacules partout en Afrique. Or cela n’est possible que dans le cadre d’un mouvement politique révolutionnaire qui entrainerait une mutation radicale des institutions, des hommes et des idées dans nos pays.

Par ailleurs, depuis les indépendances nominales de 1960 qui ont surtout consacré la contractualisation asymétrique (post-colonie/métropole) des rapports de domination, la France exerce, plus que de raison, un droit de propriété sur le sol, sous-sol, espace aérien de son ancien pré-carré. Il faudra y mettre un terme ! Cela ne sera possible que dans un paradigme totalement révolutionnaire, loin du cadre institutionnel émasculateur actuel qui a cours dans nos Etats francophones.

Dans les pays africains, l’impression globale qui se dégage est celle d’une histoire finie, figée, écrite pour nous par autrui. Nous devons être les propres acteurs de notre histoire et non des contemplateurs passifs voire des sujets totalement inertes. La révolution bolivarienne socialiste d’Hugo Chavez nous montre la voie malgré ses défauts inhérents à toute œuvre humaine. L’Afrique doit s’affranchir de la logique des Etats néo-patrimoniaux où sévit néocolonialisme, corruption, crimes, misère, enkystement démocratique et racket institutionnel afin d’édifier de véritables Etats souverains, démocratiques et progressistes.

2. Le peuple comme ultime gardien du temple démocratique…

Le bilan politique des années Chavez est celle d’une véritable leçon de démocratie participative contre l’oligarchie des classes possédantes inféodées à Washington.
Lors du pronunciamiento (coup d’Etat) avorté d’avril 2002, ce sont les modestes populations des ranchitos (bidonvilles) qui marchèrent sur le palais présidentiel de Miraflorès pour exiger le retour immédiat de leur président.

En Afrique, nos formes de « démocratie » manquent cruellement d’assises populaires.

Les Chefs d’Etats africains doivent souvent leur pouvoir à l’imposante garde prétorienne qui leur sert de cache-sexe démocratique. La démocratie sous nos cieux, se résume à une kyrielle de zombies institutionnelles à la légitimité souvent douteuse. Ces institutions pourries, oligarchiques, sont centrées principalement autour du Chef de l’Etat, son clan, ses obligés et son parti-Etat au pouvoir. A cela s’ajoute une ritualisation électorale vide de sens, sans symbolique, et plus grave, sans incidence aucune, sur la vie des petites gens.

Or l’Afrique gagnerait à s’inspirer aussi du modèle démocratique populaire du Venezuela qui n’est certes pas parfait, mais au moins, a le mérite de vivifier la vie politique de ce pays. Depuis 1999 sur toutes les questions essentielles ou accessoires (limitation du mandat, nationalisations du pétrole, révocation du président, élection de conseils communaux et de provinces,…), le peuple vénézuélien est fortement impliqué au quotidien et a toujours porté massivement ses préférences sur celles de son président Hugo Chavez.

Par ailleurs, ces consultations électorales ont aussi l’intérêt d’élever le niveau de conscience politique de la population qui devient la véritable gardienne de sa souveraineté démocratique. En dernière analyse, il est à noter que sur une quinzaine d’élections démocratiques, Chavez en a remporté quatorze à plus de 10 points d’écarts de ses principaux rivaux politiques en treize années de présidence ! Un record mondial !

3. Constitutionnaliser la protection vitale de secteurs stratégiques africains…

Les économies africaines sont structurellement désorganisées depuis la période coloniale.

Cette déstructuration s’est fortement accentuée durant les décennies des Programmes d’Ajustements Structurels (PAS) du début des années 80 jusqu’aujourd’hui.

Ces vagues de privatisations et libéralisation économiques ont affaibli nos capacités à conserver nos secteurs stratégiques dans le giron de l’Etat central.

Ce qui entraine comme conséquence que notre souveraineté économique se trouve aux mains des multinationales étrangères. Une dépendance économique qui obère fortement nos politiques de développement dans la mesure où des secteurs aussi vitaux que l’eau, l’électricité, les télécommunications, les voies portuaires, ferroviaires et aéroportuaires sont détenus par des capitaux privés dont l’objectif ultime est l’accumulation de profits à court terme au détriment des missions de service public. Un rapide bilan des secteurs économiques privatisés (eau, électricité, télécoms, ports, chemins de fer…) montre grosso modo une indigence de la qualité de service, des prix trop élevés et une dégradation très avancée du patrimoine cédé aux intérêts privés. Il faut en finir avec cette prédation inadmissible des biens communs à la Collectivité.

A ce niveau, la révolution bolivarienne du Venezuela nous enseigne que l’urgence pour nos Etats, demeure d’abord la protection constitutionnelle des secteurs stratégiques (Sol, sous-sol, ciel et terres arables…) de nos économies africaines par un arsenal législatif très contraignant logé dans un nouveau dispositif constitutionnel.
Quand Chavez arriva au pouvoir en 1999, il organise dans la foulée, un référendum portant sur la nationalisation de l’or noir vénézuélien. Pourquoi ? Parce que Hugo Chavez comprend tôt l’importance vitale que revêt le pétrole pour son pays dans les nécessaires reformes sociales qu’il entend mettre en œuvre durant son mandat. Referendum qui sera d’ailleurs, approuvé à plus de 60% par les électeurs vénézuéliens.

Dans ce corpus législatif, les articles 302 et 303 de la Constitution vénézuélienne de 1999 stipulent que d’une part l’Etat se réserve la primauté pour des questions d’intérêt national, de nationaliser les secteurs économiques stratégiques vitaux pour des besoins de développement économique national et d’autre part, ces articles renforcent aussi la mission de contrôle du gouvernement dans tous les entreprises et leurs filiales ayant un caractère stratégique pour le Venezuela. L’Afrique doit aller impérativement à cette école !

Il est révoltant de voir nombre de pays africains brader leurs mines, ports, aéroports, et voies ferroviaires sans aucune consultation populaire ni parlementaire !

A ce titre, l’exemple des Ports Autonomes de Lomé, Conakry et Cotonou bradés à l’homme d’affaires français Vincent Bolloré est assez édifiant sur l’incurie de nos dirigeants africains actuels. Au demeurant, une étude récente montre que la multinationale Bolloré Africa Logistics dégage plus de 80% de son chiffre d’affaires en Afrique francophone, soit 2,5 milliards de d’euros ! Or ce droit d’exploiter les ports africains a été acquis souvent en violation du code des marchés publics des pays en africains comme en Guinée-Conakry, au Bénin et au Togo. Inutile de dire que les parlements des pays précités n’ont pas accès aux clauses contractuelles de ces transactions commerciales !

4. Vaincre la malédiction des richesses minières en Afrique…

Si le Venezuela joua une part active à la création de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) lors de la Conférence de Bagdad le 14 septembre 1960, il n’a pas su toujours tirer meilleure partie de la manne pétrolière. Alfonzo Adolfo Perez alors ministre vénézuélien du Pétrole, parla même du pétrole comme étant « l’excrément du diable » !

Tant l’exploitation du pétrole est souvent porteuse d’une charge particulièrement déstabilisatrice (guerres civiles, putschs, insurrections, corruption…) pour les Etats qui en détiennent d’importantes réserves. Hugo Chavez a su inverser la tendance au péril de sa vie et de son pouvoir. Depuis lors, l’importante manne financière issue des recettes pétrolières a permis en 14 ans, de construire plus de 700.000 logements sociaux depuis 1999, d’abattre l’extrême pauvreté de plus de 50%, de rendre l’éducation et la santé gratuites, de permettre à plus de 83% des jeunes d’accéder à l’enseignement supérieur, d’instaurer un salaire minimum et in fine, de favoriser l’augmentation du standard de vie des vénézuéliens.

Une révolution sociale inédite ! Si Hugo Chavez a ainsi permis une véritable extension du rôle social de l’Etat vénézuélien, en Afrique globalement, l’Etat social a entièrement disparu.

Par ailleurs, en Afrique, les richesses minières de façon générale, n’ont jamais réellement servi les couches sociales marginales. Seule une infime minorité inféodée aux multinationales impérialistes pillent abusivement les recettes issues des industries extractives.

Le Gabon fut appauvri par une classe dirigeante qui s’est longtemps partagée l’argent du pétrole avec les politiques français toutes tendances confondus. Ainsi, le pétrole gabonais avec des réserves prouvées de 3,7 milliards de barils pour une population de 1, 5 millions d’habitants n’a jamais réellement profité à la population qui croupit dans une misère révoltante. Quant au pétrole du Congo-Brazzaville depuis sa découverte dans les années 1970, il n’échappe, pas non plus à cette triste réalité. La découverte en 1992/1993 des gisements prometteurs de N’kossa évalués à 500 millions de barils au large de Pointe-Noire, a exacerbé les tensions politiques entre le président d’alors, Pascal Lissouba, et Denis Sassou Nguesso, l’obligé de Paris et de la compagnie pétrolière Elf. La conséquence logique de cette polarisation politique entre Lissouba et Sassou fut une guerre civile par milices tribales interposées ; Cobras (Sassou Nguesso), Cocoyes (Lissouba) épaulées les Ninjas de Bernard Kolélas et leurs différents alliés régionaux (Tchad, Gabon, Angola, Congo RDC, Rwanda,…). Plus de 200.000 morts furent comptabilités durant cette tragédie politique dont la toile de fond reste la maitrise de l’or noir congolais par la France.

Par ailleurs, ce qui est vrai pour le pétrole dans certains pays africains, l’est aussi, mutatis mutandis, pour les autres ressources minières. L’Afrique est abondamment pillé et c’est un secret de polichinelle que de l’affirmer. Un pays comme le Niger, qui connait une pauvreté endémique avec des indicateurs sociaux parmi les plus faibles au monde, nous renseigne sur l’absence de souveraineté économique en Afrique francophone.

L’uranium nigérien est abondamment pillé par la multinationale française AREVA depuis plus de cinquante ans et tous les régimes qui se sont succédés au pouvoir ont été incapables de changer cette donne. L’Etat du Niger aurait perdu pas moins de 20 milliards d’euros depuis 1960 pour un Produit Intérieur Brut (PIB) estimé à 2 milliards d’euros « gracieusement » alimenté par l’Aide Publique au Développement (APD) qui vient principalement du trésor français. Or, une politique volontariste de nationalisation des sites uranifères et une gestion parcimonieuse et des recettes issues d’une revalorisation du prix au kilo permettraient au Niger de relever le standard de vie des couches les plus précaires. Le Niger peut inverser radicalement la malédiction de l’uranium pour édifier une société prospère et apaisée socialement. Hugo Chavez lui a montré la voie, à elle de s’en inspirer pour s’affranchir définitivement du joug impérialiste français.

En guise d’épilogue, Hugo Chavez est parti à jamais mais ce qu’il a incarné, illuminera encore longtemps l’Amérique latine et toute l’Afrique. Le chavisme continuera d’éclairer tous ceux qui aspirent à un nouvel ordre politique basé sur la justice sociale, le progrès émancipateur et la solidarité envers les plus pauvres. Dans cette quête politique, l’Etat socialiste révolutionnaire est une voie d’avenir qu’il importe de réenchanter partout en Afrique.

Enfin, il est scandaleux de voir qu’aucun dirigeant africain de premier plan, n’ait fait le déplacement de Caracas afin de rendre un dernier hommage au Président Hugo Chavez, excepté Teodoro Obiang Nguema Mbasogo de Guinée Equatoriale. Quelle lâcheté !

Pourtant nul n’ignore que le Venezuela d’Hugo Chavez, accessoirement membre observateur de l’Union Africaine, a augmenté significativement sa coopération en direction de l’Afrique ces dernières années.

Thierry Deronne