RDC : M23, un an après
26 avril 2013 05:13 0 messages
Le M23, dernier-né d’un ensemble de mouvements rebelles armés dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), a soufflé sa première bougie. Au cours des douze derniers mois, des centaines de milliers d’habitants ont fui et de nombreuses personnes ont perdu la vie.
Le Mouvement du 23 mars [ http://www.irinnews.org/fr/Report/95733/RDC-Comprendre-le-groupe-arm%C3%A9-M23 ] est né en avril 2012, lorsque des centaines de soldats, majoritairement tutsi, des Forces armées de la RDC (FARDC) se sont mutinés pour protester contre leurs mauvaises conditions de vie et leur faible niveau de rémunération. La plupart des mutins étaient d’anciens membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), [ http://www.irinnews.org/Report/76275/DRC-Nkunda-s-rebel-group-spells-out-demands ] un autre groupe armé qui avait signé un accord avec le gouvernement en 2009. Selon les rebelles, Kinshasa n’aurait pas totalement respecté cet accord dont la date de signature a donné son nom au M23.
En novembre 2012, le M23 s’est emparé de Goma, la capitale de la province. Mais le mouvement a fini par se retirer puis engager des pourparlers de paix avec le gouvernement. Le Rwanda et l’Ouganda voisins ont été accusés par un rapport du Groupe d’experts du Conseil de sécurité des Nations Unies de soutenir le M23. Les deux pays nient catégoriquement ces allégations. [ http://www.reuters.com/article/2012/10/17/us-congo-democratic-rwanda-uganda-idUSBRE89F1RQ20121017 ]
Dans le présent compte-rendu, IRIN fait le point sur l’impact qu’a eu le mouvement sur la province au cours des douze derniers mois, sa situation actuelle et les possibilités de paix dans l’est de la RDC.
Quelle est la situation humanitaire au Nord-Kivu ?
Bien que les affrontements entre les combattants du M23 et l’armée congolaise aient diminué, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) estime que « l’insécurité demeure due notamment à une circulation à grande échelle d’armes, aux combats entre l’armée et d’autres milices armées, ainsi qu’aux tensions intercommunautaires ». [ http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/OCHA%20PRESS%20RELEASE%20-%20GOMA%20RESPONSE%20PLAN%20%28ENGLISH%29.pdf ]
Selon l’OCHA, plus d’un demi-million de personnes ont été chassées de chez elles, dans le Nord-Kivu, depuis le début de la rébellion du M23. Ce chiffre représente plus de la moitié des 914 000 déplacés de la province. Des dizaines de milliers d’autres ont fui vers des camps de réfugiés au Rwanda et en Ouganda. [ http://www.irinnews.org/Report/97742/Congolese-refugee-camps-in-Rwanda-full ]
Selon Amnesty International, le M23 aurait commis des atteintes aux droits de l’homme, « dont des violations du devoir de prendre des précautions lors des attaques afin d’épargner la population civile, des recrutements forcés d’enfants formés pour prendre part aux hostilités ou obligés de travailler à la construction de postes militaires, des exécutions extrajudiciaires et des violences sexuelles ». L’organisation a également accusé les FARDC d’exactions répétées contre des civils. [ http://www.amnesty.org/en/news/drc-bosco-ntaganda-must-be-surrendered-icc-2013-03-19 ]
Où se trouvent les chefs du M23 ?
Le commandement du mouvement a bien changé depuis avril 2012.
En février 2013, une division a été signalée au sein de la direction du M23, opposant d’un côté l’un de ses fondateurs, Bosco Ntaganda, et son chef politique, Jean-Marie Runiga, et de l’autre, son chef militaire, Sultani Makenga. Les deux factions se sont affrontées dans le Nord-Kivu et M. Makenga a destitué M. Runiga de ses fonctions de représentant du mouvement dans les pourparlers de paix avec le gouvernement à Kampala, la capitale ougandaise. La faction de M. Ntaganda s’est rendue après de nouveaux combats au mois de mars. Ce dernier a fui au Rwanda, tout comme M. Runiga, plusieurs autres hauts gradés et près de 700 combattants. [ http://www.congoforum.be/upldocs/RVI%20Briefing%20-%20Usalama%20-%20Makenga%20Profile%20%E2%80%93%203%20December%202012.pdf ]
Le 18 mars, M. Ntaganda s’est livré lui-même à l’ambassade des États-Unis à Kigali, la capitale rwandaise, et a demandé à être remis à la Cour pénale internationale pour être jugé de présumés crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Il a comparu pour la première fois le 26 mars. Selon un article du Rift Valley Institute, M. Ntaganda se serait disputé avec d’autres commandants au début de la rébellion et aurait été pour ainsi dire mis sur la touche. [ http://riftvalley.net/resources/file/RVI%20Usalama%20Project%20-%20Briefing%20-%20Ntaganda%20Profile.pdf ]
Les experts ont salué l’arrestation de M. Ntaganda comme un pas de plus dans la lutte contre l’impunité en RDC. Ils ont cependant averti que cela ne signifiait pas la fin de la violence dans la région.
M. Runiga a été assigné à résidence [ http://bigstory.ap.org/article/congo-m23-faction-leader-arrested-rwanda ] au Rwanda. Le gouvernement rwandais a par ailleurs désarmé [ http://reliefweb.int/report/democratic-republic-congo/dr-congo-rebels-rwanda-moved-away-border?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+ReliefwebUpdates+%28ReliefWeb+-+Latest+Updates%29 ] les combattants du M23 qui se sont rendus et les a placés dans un camp de réfugiés à plus de 50 km de la frontière avec la RDC.
Plusieurs rapports signalent que M. Makenga est en train de renforcer ses effectifs, [ http://www.guardian.co.uk/world/2013/mar/27/democratic-republic-congo-sultani-makenga ] dont le nombre est estimé à 1 500, et de consolider les positions du M23 dans le Nord-Kivu. Cependant, il serait peut-être également en train de préparer de nouvelles négociations avec le gouvernement du président Joseph Kabila. « Le clivage interne au M23 a peut-être donné [aux représentants de la RDC] le répit nécessaire pour rendre l’accord acceptable pour les rebelles », a dit Jason Stearns, [ http://congosiasa.blogspot.ae/2013/03/m23-split-and-join.html ] spécialiste du Congo.
Tout accord conduira probablement à l’intégration des soldats de M. Makenga au sein des FARDC. Les combattants de second rang seraient automatiquement incorporés et l’intégration des officiers de grade plus élevé serait étudiée au cas par cas. Les analystes signalent cependant que la technique de la réintégration n’a pas fonctionné par le passé et doit être repensée.
« L’intégration des éléments du M23 dans les FARDC est faisable, mais pas appropriée. La politique d’intégration répétée des groupes armés au sein des FARDC [contribue] à la fragmentation et la militarisation des FARDC », a dit à IRIN par courrier électronique Marc-Andre Lagrange, analyste principal d’International Crisis Group pour la RDC. « Puisque cette approche s’est révélée être un échec avec le M23, le gouvernement de la RDC, la MONUSCO et le Conseil de sécurité des Nations Unies devraient chercher une autre solution ».
« Dans l’ensemble, les experts s’accordent à dire qu’un accord entre Kinshasa et les M23 se prépare et devrait bientôt être signé, mais les sources fiables [qui nous informent depuis le] Nord-Kivu divergent quant aux éventuelles conséquences », a rapporté un récent article du bulletin d’information Africa Confidential. « Certains pensent que M. Makenga permettra à ses troupes de réintégrer les FARDC, tandis que d’autres suggèrent que M. Makenga et le [nouveau] chef politique du M23, Bertrand Bisimwa, peuvent conserver leur indépendance par rapport à l’armée sans être considérés comme une force aussi "négative". »
Que vont donner les pourparlers de paix ?
Les pourparlers de paix de Kampala [ http://www.irinnews.org/Report/97075/Analysis-Seeking-civilian-and-military-solutions-in-the-DRC ] entre le M23 et le gouvernement de la RDC ont débuté en décembre 2012, sous l’égide de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs. Les négociations ont peu progressé et ont été interrompues par les problèmes internes au mouvement rebelle. M. Bisimwa a exhorté le président ougandais, Yoweri Museveni, à relancer les pourparlers. [ http://allafrica.com/stories/201304021191.html ]
Le 24 février, un accord de paix [ http://www.peaceau.org/uploads/scanned-on-24022013-125543.pdf ] visant à mettre fin au conflit dans l’est de la RDC a été signé à Addis Abeba, la capitale éthiopienne, sous les bons offices des Nations Unies, par 11 pays africains : l’Afrique du Sud, l’Angola, le Burundi, la République centrafricaine, la République du Congo, la RDC, l’Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud, la Tanzanie et la Zambie. Intitulée Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, cette entente a notamment pour objectif de réformer l’armée de la RDC et de mettre un terme à l’ingérence des États voisins dans les affaires internes au pays. L’une des décisions adoptées est la formation d’une force d’intervention neutre ayant pour mission de combattre les « forces négatives » présentes dans l’est de la RDC. Le terme « forces négatives » désigne non seulement le M23, mais également d’autres groupes armés.
Si l’accord a été salué comme une véritable avancée par les pays africains, les analystes sont plus sceptiques et critiquent son aspect principalement rhétorique et pauvre en détails et en plans d’action solides. La Foreign Policy Association [ http://foreignpolicyblogs.com/2013/02/28/regional-peace-to-settle-violence-in-the-drc-shows-progress-not-so-fast/ ] a noté dans un article que depuis les années 1990, un certain nombre d’accords régionaux similaires avaient été signés sans pour autant rétablir la paix en RDC. L’auteur de l’article a signalé que certains acteurs clés n’étaient ni mentionnés ni impliqués dans le processus, notamment des groupes armés [ http://www.irinnews.org/fr/Report/96911/RDC-La-population-civile-est-en-danger-à-Masisi ] comme les Raia Mutomboki (« citoyens en colère » en swahili), les Maï-Maï Cheka et les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), à majorité Hutu, dont la présence dans l’est de la RDC est perçue comme une menace par le Rwanda.
« Les principaux agresseurs présents dans le pays depuis dix ans, les milices qui patrouillent dans les provinces de l’Est, n’ont même pas été appelés à participer aux discussions », a dit l’auteur de l’article, Daniel Donovan. « En excluant ces groupes, ils se libèrent de tout engagement concernant cet accord, ce qui pose la question suivante : en quoi cette initiative est-elle une garantie de paix ? »
Quel avenir pour la région ?
Le 28 mars, le conseil de sécurité des Nations Unies a autorisé le déploiement d’une « brigade d’intervention » au sein de la mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) pour « faire face aux menaces imminentes contre la paix et la sécurité ». [ http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=44523&Cr=democratic&Cr1=congo ]
Selon le Centre d’actualités de l’ONU, « les objectifs de cette nouvelle force - qui sera basée dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC, et comptera 3 069 Casques bleus - sont de neutraliser les groupes armés, de réduire la menace [qu’ils] représentent pour l’autorité de l’État et la sécurité des civils et de préparer le terrain pour les activités de stabilisation ». La brigade a également été mise sur pied pour soutenir l’accord d’Addis Abeba.
À la suite de cette annonce, le gouvernement de la RDC a déclaré son soutien à la brigade d’intervention et appelé le M23 à se dissoudre. M. Bisimwa a rejeté la décision des Nations Unies [ http://www.bbc.co.uk/news/world-africa-21993655 ] d’envoyer ses Casques bleus et il a ajouté [ http://www.youtube.com/watch?v=_YAzl8128kE ] que le M23 ne les combattrait pas, mais ne fuirait pas non plus.
La Fédération internationale des ligues des Droits de l’Homme [ http://www.fidh.org/RDC-Une-brigade-d-intervention-au-sein-de-la-MONUSCO-necessiterait-la-mise-13112 ] a averti que l’entrée de la brigade dans le conflit pourrait conduire à une « intensification des affrontements militaires et constituerait un risque supplémentaire de représailles menées par des groupes armés contre les civils ». Le groupe a donc exhorté la MONUSCO d’inclure « des provisions qui limitent les risques auxquels seront exposées les populations civiles ».
Selon les experts, les réformes dans l’est de la RDC ne doivent pas se limiter à des solutions militaires. « La brigade d’intervention [...] ne devrait pas être considérée comme la seule solution, mais plutôt comme un élément d’une solution globale », a dit M. Lagrange, d’ICG.
« Après la chute de Goma l’année dernière et la montée de la menace Maï-Maï, une nouvelle approche est indispensable pour lutter contre les groupes armés. Une telle approche devrait inclure l’intervention de l’armée, une politique d’arrestation ciblée des chefs des groupes armés, une proposition de [désarmement, démobilisation et réinsertion] axée sur la réintégration des combattants dans la société civile, une enquête sur les réseaux logistiques des groupes armés et leur neutralisation et des opérations de développement dans les communautés dont proviennent les groupes armés », a-t-il dit à IRIN.
« Les mouvements comme le M23 ne sont pas la cause, mais le symptôme de ce qui ne va pas en RDC », a-t-il ajouté. « Le gouvernement congolais doit s’engager à mettre en ouvre les réformes du secteur de la sécurité, notamment en ce qui concerne les FARDC. Il doit également abandonner sa politique plaçant la paix au-dessus de la justice. »
Source : http://www.irinnews.org
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