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Afrique : Au secours, le FMI revient en force !

D 8 novembre 2016     H 05:14     A CADTM     C 0 messages


La situation économique de l’Afrique se caractérise, depuis début 2015, par une baisse des ressources financières liées aux exportations de matières premières. Le cours de l’essentiel de celles-ci connaît, en effet, une chute importante, pétrole en tête. Ce retournement est en passe de faire basculer de nombreux pays africains dans une situation d’endettement encore plus insoutenable. Une nouvelle crise de la dette africaine n’est pas loin, le FMI non plus... comme au Mozambique où le FMI prétend donner des leçons de « bonne gouvernance » en demandant un audit de la dette. Pour le réseau CADTM (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes), il est nécessaire de réaliser un audit intégral des dettes mais sans associer le FMI et débouchant sur des décisions politiques d’annulations de dettes.

Avant l’année 2015, la conjoncture économique était globalement favorable pour les pays exportateurs de matières premières : hausse de leurs ressources liées au cours de ces matières et bas niveau des taux d’intérêts. Ces États étaient donc repartis dans une spirale de ré-endettement pour profiter de cette conjoncture. Mais depuis l’éclatement de la crise globale de 2007, les capitaux cherchent à se placer au meilleur taux, loin des taux négatifs de nombreux pays du Nord. Les pays africains, aux taux de croissance économique élevés, semblaient donc être des cibles privilégiées. Notons également que la Chine et l’Inde, à la recherche de matières premières, ont aussi prêté massivement à ces pays.

Le retournement de situation des deux dernières années fait donc mal, très mal : baisse des ressources liées aux exportations, hausse des taux d’intérêt pour les pays cherchant à placer des eurobonds. Conséquence : les déficits budgétaires explosent, les échéances de remboursement pèsent lourdement sur les finances, entraînant des restructurations de la dette pilotées par les créanciers pour gagner du temps, comme c’est le cas actuellement au Niger.

Le FMI aux avant-postes

Le FMI en profite pour revenir au premier rang des acteurs, multipliant les prêts à ces pays pour qu’ils puissent payer leurs dettes, en échange… de l’application de mesures d’austérité. Le Ghana a dû accepter de revoir son budget 2016 pour voir débloquer une tranche de prêt de 300 millions de dollars en août 2015. Le Kenya, pour obtenir un accord de précaution, a dû également revoir ses prévisions de déficit. Enfin, il y a quelques jours, la Zambie a accepté de diminuer progressivement de 1 milliard de dollars les subventions annuelles qui permettent aux plus pauvres d’avoir accès à l’énergie et les aides à l’agriculture : les subventions pour l’électricité et le fuel représentent, à elles seules, 600 millions de dollars. Les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ne sont pas épargnés non plus. L’Égypte est sur le point de conclure un accord de prêt de 12 milliards de dollars avec le FMI, assorti d’un plan d’austérité drastique. La même austérité pour la Tunisie pour un prêt de 2,8 milliards de dollars d’ici 2020, et pour le Maroc pour une nouvelle ligne de précaution et de liquidité de 3,47 milliards de dollars sur 2 ans.

On assiste donc, une nouvelle fois, à l’imposition de mesures antisociales dans des pays où les inégalités et la pauvreté dominent déjà, résultant de la mise en œuvre des plans d’ajustement structurels (PAS) imposés au lendemain de la crise de la dette de 1982, de la corruption des gouvernements africains soutenus par les puissances impérialistes, des accords de libre-échange dont les accords de partenariat économique (APE) impulsés par l’Organisation mondiale du commerce et l’Union européenne.

Oui à un audit intégral de la dette au Mozambique mais sans la participation des créanciers !

Confronté à la difficile situation du Mozambique, dont l’endettement a explosé suite à des prêts dissimulés ayant servi à l’achat d’armes lié à la reprise du conflit civil entre les anciennes forces de la guerre d’indépendance, le FMI a imposé un de ses membres à la tête de la Banque centrale. Rappelons que le Fonds avait déjà agi de la même manière en Tunisie après la chute de Ben Ali. Le ministre des finances ghanéen, Seth Terkper, est aussi un ancien responsable du Fonds. Y a-t-il un meilleur moyen de voir mettre en place les réformes structurelles voulues par les institutions financières ?

Le FMI demande aujourd’hui aux autorités mozambicaines de mener un audit externe pour faire la lumière sur ces dettes cachées. Bien sûr, un audit est indispensable mais il doit être réalisé par ceux et celles qui en sont les premières victimes : les populations et les mouvements sociaux mozambicains.

Pour le réseau CADTM, un audit intégral doit être réalisé pour notamment mettre en lumière les conditionnalités néfastes imposées par les prêteurs, dévoiler l’illégitimité et le caractère odieux, voire l’illégalité de certaines dettes comme celles ayant servi à acheter des armes dans le cas du Mozambique. Ces dettes sont, en effet, illégales puisqu’elles n’ont pas été discutées et validées par le Parlement du Mozambique. Une commission d’audit intégral devrait aussi intégrer des représentants de mouvements sociaux, des personnes ayant des domaines d’expertise différents à l’instar de ce qu’a réalisé l’Équateur en 2007-2008, de la commission instituée en Grèce en 2015 qui a dévoilé la vérité sur la dette grecque, et de ce qui est prévu dans la proposition de loi tunisienne en cours de discussion.
Un tel audit ne peut se réaliser sous la houlette du FMI, bien hypocrite sur cette affaire du Mozambique puisqu’il n’a jamais cherché à contrôler l’utilisation des fonds, et est, aujourd’hui, surtout intéressé à imposer des mesures antisociales à ce pays.

Le réseau mondial CADTM soutiendra toute initiative des mouvements sociaux mozambicains pour un audit intégral de la dette sans la participation des créanciers.