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Hommages à Lila Chouli (suite)

D 11 avril 2016     H 12:58     A     C 0 messages


La rédaction d’Inprecor exprime sa tristesse et ajoute sa voix à toutes celles qui rendent hommage à Lila Chouli, militante et analyste/chercheure, avec qui venait de commencer une collaboration que nous espérions longue (son article « Burkina Faso - Après la révolte populaire, un système "Compaoré sans Compaoré" ? » est paru dans Inprecor n° 611 de janvier 2015), mais qu’un cancer, confirmé en mai 2015, a définitivement arrêtée.

Nous présentons nos condoléances à la famille Chouli.

Pour la rédaction d’Inprecor

Jan Malewski

http://www.inprecor.fr/


Hommage à notre Lila

Lila Chouli nous a quittés le vendredi 25 mars 2016. A la tristesse et douleur qui nous assaillent,
s’ajoute le sentiment d’une énorme perte, tant Lila avait encore à offrir au monde. La Fondation Rosa
Luxemburg, à travers ma personne, présente ses condoléances à sa famille, ses amis et proches.
Lila était une collaboratrice de premier plan de la Fondation Rosa Luxemburg.

Notre collaboration a
débuté en 2013.
A chaque fois qu’il a été question du Burkina Faso, nous recourions aux lumières de Lila. Elle était
une amoureuse du pays des hommes intègres. Raison pour laquelle ellene supportait guère qu’on la
présentât comme une « spécialiste » ou une « experte » de ce pays.
Lila nous a beaucoup aidés à affiner notre stratégie d’action au Burkina Faso.

Elle était une
conseillère dont les avis sur l’activité de nos partenaires comptaient.
Lila a rédigé le chapitre Burkina Faso de deux ouvrages collectifs – Les mouvements sociaux en
Afrique de l’Ouest ; Développements politiques récents en Afrique de l’Ouest (parus aux éditions
L’Harmattan en 2014 et 2015 respectivement) – que j’ai eu à coordonner au nom de la Fondation.

Chacun de ces ouvrages a bénéficié de ses talents d’éditrice. Signe de sa rigueur, de son
perfectionnisme, et de la grande amitié qui nous liait, elle n’hésitait pas, malgré moi, à passer un
temps fou à parfaire certains de mes textes.
Journaliste de par sa formation, Lila a eu à travailler comme éditrice pour de nombreuses institutions
– le CODESRIA, l’Institut de Développement et de Planification (IDEP), la Fondation Gabriel Péri, la
Revue SAVOIR/AGIR, le Groupe de Presse Michel Hommell, etc.

Je ne sais pas d’où lui est venue sa passion pour le Burkina Faso. Mais elle a consacré les dernières
années de sa vie à analyser en profondeur la société burkinabè, en partant toujours de la perspective
des gens d’en bas. N’étant pas vraiment fan des partis politiques et peu convaincue du potentiel
« progressiste » de la « démocratie représentative » en Afrique, Lila avait ainsi privilégié l’étude des
mouvements sociaux dans leurs différentes composantes. Ce faisant, elle nous a offert les travaux les
plus fouillés qui existent sur les mouvements sociaux burkinabè de ces dix dernières années. Elle a
passé au peigne fin les mouvements étudiants, les mouvements syndicaux, les mouvements de
jeunesse, les mouvements paysans, les mobilisations contre le régime au pouvoir, etc. De cet effort
de recherche, il en a résulté un grand nombre d’articles, des livres – Burkina Faso 2011. Chronique
d’un mouvement social, Tahin Party 2012 ; Le boom minier au Burkina Faso. Témoignages de victimes
de l’exploitation minière, Fondation Gabriel Péri, 2014) - ainsi qu’un documentaire vidéo sur
l’orpaillage.

Lila avait prévu de publier une analyse à chaud de l’insurrection populaire burkinabè de novembre
2014, celle qui a mis fin à 27 ans de règne d’un régime despotique. Le manuscrit était prêt à
l’époque. Mais elle avait voulu intégrer les développements qui ont suivi, notamment la transition
politique et le processus électoral. La maladie ne lui en a pas laissé le temps. Avec la Fondation
Gabriel Péri et certains de ses amis, nous essaierons de voir comment publier ses derniers écrits.

Une grande dame, une intellectuelle organique, une amie, et une merveilleuse collaboratrice nous a
quittés. Lila était un esprit indépendant chez qui transparaissent honnêteté, probité et générosité.

Elle était loyale en amitié tout comme elle était fidèle à ses convictions. Elle a inscrit son combat
intellectuel au service des exploités, des opprimés et des aliénés. Elle n’a jamais eu un mot
complaisant vis-à-vis des puissants. Parmi les autorités intellectuelles qu’elle aimait citer figurent
Adorno, Marcuse et Günther Anders. « Il n’y a pas de danger plus sérieux que l’absence de sérieux
chez les tout-puissants » disait ce dernier. Un avertissement que Lila prenait très au sérieux.

Il est rare de trouver des personnes dont les mots, les sentiments et les actes s’accordent en
permanence. Lila faisait partie de ces exceptions. Elle va beaucoup nous manquer. Le souvenir de sa
joie de vivre et de sa combativité intellectuelle restera ineffaçable dans nos mémoires.

Dakar le 06 avril 2015

Ndongo Samba Sylla

http://www.rosalux.sn/