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Trafics d’armes : les députés doivent renforcer le projet de loi sur les violations d’embargos

D 2 février 2016     H 05:08     A Observatoire des armements, Survie     C 0 messages


Un projet de loi visant à sanctionner en France la violation des embargos internationaux, en attente au Parlement depuis 10 ans, va enfin être examiné par l’Assemblée nationale ce jeudi 28 janvier. Le texte présente cependant de graves lacunes : l’Observatoire des armements et l’association Survie dénoncent l’opposition du gouvernement à sa consolidation et appellent les députés à faire preuve de courage politique, pour ne pas passer à côté de la cible de cette loi.

L’Observatoire des armements et l’association Survie se sont mobilisées depuis des mois, avec Amnesty International France, pour que le projet de loi sur la violation des embargos et autres mesures restrictives soit enfin mis à l’ordre du jour. Ce texte, indispensable, vient combler une importante lacune de la législation française : aujourd’hui, le non-respect par des Français d’embargos décidés au niveau de l’ONU ou de l’Union européenne, n’est pas puni par la loi.

Cependant, la version actuelle du texte risque d’avoir une portée limitée vis-à-vis des activités de Français opérant à l’étranger, limitant ainsi son effet dissuasif. En effet, le texte actuel risque de rendre quasi-impossible tout mouvement de la justice pénale française : il ne lève pas les restrictions encadrant la compétence territoriale du juge français, vis-à-vis de faits délictueux commis par des Français à l’étranger [1]. Dans les années 2000, des trafiquants d’armes bien connus comme Leonard Minin et Peter Bleach ont été arrêtés par la police de leur pays (Israël et Royaume-Uni) puis relâchés… faute de compétence suffisante de la justice pour des faits commis à l’étranger (le Royaume-Uni s’est d’ailleurs depuis doté d’un cadre juridique adapté).

Un amendement visant à lever ce frein, comme cela a été fait dans la loi de 2003 sur le mercenariat, a été déposé par le groupe EELV concernant les matériels de guerre. Mais le gouvernement fait pression pour empêcher son adoption, et a même déposé des amendements visant à supprimer les autres améliorations du texte apportées lors de sa discussion en Commission défense le 19 janvier et en Commission des affaires étrangères le 20 janvier [2].

Pour Tony Fortin, président de l’Observatoire des armements, « ce projet de loi vise initialement un réseau d’individus mobiles et de sociétés opaques qui prospèrent à l’international en exploitant les failles du droit. Se satisfaire de la version actuelle, c’est constituer une zone grise permettant la mise en place de diplomaties parallèles, la livraison d’armes en toute discrétion à des groupes armés ou à des régimes non reconnus par la communauté internationale… ».

Pour Thomas Noirot, porte-parole de l’association Survie, « le gouvernement donne d’une main et reprend de l’autre : il accepte enfin de faire voter cette loi, mais empêche qu’elle permette de poursuivre des individus ou sociétés basés hors de France sauf, en gros, lorsqu’ils se trouvent dans des pays où les faits sont aussi sanctionnés. Cela revient à sanctuariser des activités criminelles potentiellement utiles aux stratégies d’ingérence française plutôt qu’à consolider le droit international ».

Le rôle des trafiquants d’armes dans les guerres civiles et massacres (Sierra Léone, Libéria, Angola, Soudan, Congo, Côté d’Ivoire, Centrafrique...) est bien connu : c’est à cette impunité que la loi doit s’attaquer.

Les députés ont la responsabilité de voter ce jeudi l’amendement visant à élargir la compétence du juge français dans le cadre de la compétence personnelle active, seule à même de garantir l’efficacité de cette loi contre les trafics d’armes.


[1] Voir à ce sujet l’argumentaire envoyé par l’Observatoire des armements, Survie et Amnesty International France à l’ensemble des députés le vendredi 23 janvier, disponible sur http://obsarm.org/IMG/pdf/competenc...

[2] En commission, les députés avaient notamment proposé de renforcer les sanctions lorsque le délit était commis « en bande organisée » ou pour les personnes morales, et la création d’une commission consultative mixte réunissant industriels, société civile, parlementaires, gouvernement pour traiter de la mise en oeuvre des embargos sur les armes. Le gouvernement a déposé lundi des amendements s’y opposant, voir le dossier législatif sur http://www.assemblee-nationale.fr/1...