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Appel de Dakar contre les accaparements de terres

English version below

D 10 avril 2011     H 17:56     A     C 0 messages


Nous, organisations paysannes, organisations non gouvernementales, organisations confessionnelles, syndicats et autres
mouvements sociaux, réunis à Dakar pour le Forum Social Mondial de 2011 :

Considérant que les agricultures paysannes et familiales qui regroupent la majorité des agriculteurs et des agricultrices du monde,
sont les mieux placées pour :

 répondre à leurs besoins alimentaires et ceux des populations, assurant la sécurité et la souveraineté alimentaires des
pays,
 fournir des emplois aux populations rurales et maintenir un tissu économique en zones rurales, clé d’un développement
territorial équilibré,
 produire en respectant l’environnement et en entretenant les ressources naturelles pour les générations futures ;

Considérant que les récents accaparements massifs de terres au profit d’intérêts privés ou d’États tiers ciblant des dizaines de
millions d’hectares - que ce soit pour des raisons alimentaires, énergétiques, minières, environnementales, touristiques,
spéculatives, géopolitiques - portent atteinte aux droits humains en privant les communautés locales, indigènes, paysannes,
pastorales, forestières et de pêcherie artisanale de leurs moyens de production. Ils restreignent leur accès aux ressources naturelles
ou les privent de la liberté de produire comme ils le souhaitent. Ces accaparements aggravent également les inégalités d’accès et
de contrôle foncier au détriment des femmes ;

Considérant que les investisseurs et les gouvernements complices menacent le droit à l’alimentation des populations rurales, qu’ils
les condamnent au chômage endémique et à l’exode rural, qu’ils exacerbent la pauvreté et les conflits et qu’ils contribuent à la
perte des connaissances, savoir-faire agricoles et identités culturelles ;

Considérant enfin que la gestion foncière, ainsi que le respect des droits des peuples, sont d’abord sous la juridiction des
parlements et gouvernements nationaux et que ces derniers portent la plus grande part de responsabilité dans ces accaparements ;

Nous en appelons aux parlements et aux gouvernements nationaux pour que cessent immédiatement tous les accaparements
fonciers massifs en cours ou à venir et que soient restituées les terres spoliées. Nous ordonnons aux gouvernements d’arrêter
d’oppresser et de criminaliser les mouvements qui luttent pour l’accès à la terre et de libérer les militants emprisonnés. Nous
exigeons des gouvernements nationaux qu’ils mettent en place un cadre effectif de reconnaissance et de régulation des droits
fonciers des usagers à travers une consultation de toutes les parties prenantes. Cela requiert de mettre fin à la corruption et au
clientélisme, qui invalident toute tentative de gestion foncière partagée.

Nous exigeons des gouvernements et Unions Régionales d’États, de la FAO et des institutions nationales et internationales
qu’elles mettent immédiatement en place les engagements qui ont été pris lors de la Conférence Internationale pour la Réforme
Agraire et le Développement Rural (CIRADR*) de 2006, à savoir la sécurisation des droits fonciers des usagers, la relance des
processus de réformes agraires basés sur un accès équitable aux ressources naturelles et le développement rural pour le bien-être
de tous. Nous réclamons que le processus de construction des Directives de la FAO* soit renforcé et qu’il s’appuie sur les droits
humains tels qu’ils sont définis dans les différentes chartes et pactes internationaux - ces droits ne pouvant être effectifs que si des
instruments juridiques contraignants sont mis en place au niveau national et international afin que les États respectent leurs
engagements. Par ailleurs, il incombe à chaque état d’être responsable vis à vis de l’impact de ces politiques ou des activités de ses
entreprises dans les pays ciblés par les investissements. De même, il faut réaffirmer la suprématie des droits humains sur le
commerce et la finance internationale, à l’origine des spéculations sur les ressources naturelles et les biens agricoles.

Parallèlement, nous invitons le Comité de la Sécurité Alimentaire mondiale (CSA*) à rejeter définitivement les Principes pour des
Investissements Agricoles Responsables (RAI*) de la Banque Mondiale, qui sont illégitimes et inadéquats pour traiter le
phénomène, et à inclure les engagement de la CIRADR ainsi que les conclusions du rapport d’Évaluation Internationale des
Connaissances, des Sciences et Technologies Agricoles pour le Développement (IAASTD*) dans son Cadre d’Action Globale.
Nous exigeons que les États, organisations régionales et institutions internationales garantissent le droit des peuples à avoir
accès à la terre et soutiennent l’agriculture familiale et l’agroécologie. Ces initiatives doivent être basées sur l’agriculture familiale
et la production vivrière agro-écologique. Des politiques agricoles appropriées devront prendre en compte les différents types de
producteurs (peuples autochtones, éleveurs nomades, pêcheurs artisanaux, paysans et paysannes et bénéficiaires des réformes
agraires) et répondre plus spécifiquement aux besoins des femmes et des jeunes.

Enfin, nous appelons les citoyen-ne-s et les organisations de la société civile du monde entier à soutenir - par tous les moyens
humains, médiatiques, juridiques, financiers et populaires possibles - tous ceux et toutes celles qui luttent contre les
accaparements de terres et à faire pression sur les gouvernements nationaux et sur les institutions internationales pour qu’ils
remplissent leurs obligations vis à vis des droits des peuples.

Nous avons tous le devoir de résister et d’accompagner les
peuples qui se battent pour leur dignité !

Note explicative :

Il est de notre devoir de résister à l’accaparement des terres et de soutenir la lutte des communautés paysannes qui se battent pour
conserver leur dignité !

Il ne fait aucun doute que l’accaparement des terres a constitué l’axe de mobilisation principal lors du dernier Forum social
mondial à Dakar. Plusieurs mouvements sociaux, des groupes religieux, des organisations de droits humains, de développement et
de l’environnement ont tenu toute une série de réunions sur ce sujet.
L’une des activités les plus pertinentes a été organisée par le Réseau des Organisations paysannes et des Producteurs agricoles
(ROPPA) et par La Via Campesina à la Foire agricole FIARA. Des dirigeants paysans de différents pays ont réfléchi plus
particulièrement sur des stratégies d’action, soulignant l’importance de la conscientisation et l’importance d’alerter non seulement
leur groupe mais aussi la société entière, sur les conséquences de l’accaparement des terres et les menaces que ce développement
fait peser sur chacun. Un appel pour des actions communes a été lancé à tous les niveaux et dans différents domaines, dont
l’information, la recherche, le travail avec les médias et l’accompagnement judiciaire.

Le témoignage de la délégation paysanne de Segou, l’une des régions du Mali la plus affectée par l’accaparement des terres, a été
particulièrement impressionnant. Ils ont décrit comment les travaux de préparation à la mise en place d’une production agricole de
large échelle, tels que la construction d’un canal d’irrigation a déjà conduit à la destruction des habitations et des terrains agricoles
de subsistance d’une soixantaine de familles. En outre, l’accès au fleuve Niger des paysans locaux a été limité, ce qui a affecté plus
spécialement les femmes qui dépendent du fleuve pour leur subsistance. La contribution de la délégation paysanne malienne s’est
aussi révélée très importante quand ils ont décrit aux participants du FMS comment ils se sont organisés au niveau local et au
niveau national pour faire face à cette menace.

Des activités semblables ont été organisées notamment par CCFD-Terre Solidaire, Peuples Solidaires, ACORD, des organisations
catholiques de développement, FIAN International, le Réseau africain sur le Droit à l’Alimentation, l’Alliance Oecuménique ”Agir
Ensemble”, l’Association des conseils chrétiens et des Églises en Afrique de l’Ouest, ICCO, Bread for the World, Dignity
International.

Suite à la suggestion d’une ONG française d’élaborer sur la position commune sur l’accaparement des terres développée par l’OSC
lors de la dernière réunion du Comité sur la Sécurité alimentaire (CSA) à Rome en octobre 2010 (*), La Via Campesina et
ROPPA, avec le soutien de FIAN International, les Amis de la Terre International, CCFD – Terre Solidaire, Peuples Solidaires et
AGTER ont décidé d’organiser une assemblée de convergence de tous les groupes intéressés par le lancement d’un appel contre
l’accaparement des terres à Dakar.

Les participants et participantes de l’assemblée de convergence ont adopté cet appel et ont insisté sur le fait qu’il devait servir de
véhicule pour créer une large alliance et une mobilisation de soutien aux peuples et aux organisations qui se défendent contre
l’accaparement des terres.

Cet appel demande l’arrêt immédiat de l’accaparement des terres et la restitution des terres prises aux populations locales. De
surcroit, cet appel envoie aussi plusieurs demandes aux gouvernements nationaux ainsi qu’aux organisations internationales.
Nous invitons toutes organisations et personnes intéressées par ces lignes de travail à endosser cet appel. Vous pouvez le signer en
ligne ci-dessous.

Cet appel pourra être endossé jusqu’aux 31 mars.
www.petitiononline.com/accapar/petition.html

(*) Pour consulter le rapport sur les discussions du CSA d’octobre 2010, visiter le site suivant
http://www.fian.org/resources/documents/others/forerunning-new-international-decision-making-on-land-issues-20
13-a-reporton-
the-cfs-land-discussions-rome-october-8-16-2010


Dakar Appeal against the land grab

We, farmers organizations, non-governmental organizations, religious organizations, unions and other social movements, gathered
in Dakar for the World Social Forum 2011 :

Considering that small and family farming, which represent most of the world’s farmers, are best placed to :

 meet their dietary needs and those of populations, ensuring food security and sovereignty of countries,
 provide employment to rural populations and maintain economic life in rural areas, key to a balanced territorial
development,
 produce with respect to the environment and to the conservation of natural resources for future generations ;

Considering that recent massive land grabs targeting tens of millions of acres for the benefit of private interests or third states -
whether for reasons of food, energy, mining, environment, tourism, speculation or geopolitics - violate human rights by depriving
local, indigenous, peasants, pastoralists and fisher communities of their livelihoods, by restricting their access to natural resources
or by removing their freedom to produce as they wish, and exacerbate the inequalities of women in access and control of land ;

Considering that investors and complicit governments threaten the right to food of rural populations, that they condemned them to
suffer rampant unemployment and rural exodus, that they exacerbate poverty and conflicts and contribute to the loss of
agricultural knowledge and skills and cultural identities ;

Considering also that the land and the respect of human rights are firstly under the jurisdiction of national parliaments and
governments, and they bear the greatest share of responsibility for these land grabs ;

We call on parliaments and national governments to immediately cease all massive land grabs current or future and return the
plundered land. We order the government to stop oppressing and criminalizing the movements of struggle for land and to release
activists detained. We demand that national governments implement an effective framework for the recognition and regulation of
land rights for users through consultation with all stakeholders. This requires putting an end to corruption and cronyism, which
invalidates any attempt of shared land management.

We demand that governments, the Regional Unions of States, FAO and other national and international institutions
immediately implement the commitments that were made at the International Conference on Agrarian Reform and Rural
Development (ICARRD) of 2006, namely securing land rights of users, the revival of agrarian reform process based on a fair
access to natural resources and rural development for the welfare of all. We ask that the elaboration process of the FAO
Guidelines on Governance of Land and Natural Resources be strengthened, and that they are based on Human Rights as defined in
the various charters and covenants - these rights being effective only if binding legal instruments are implemented at the national
and international level to impose on the states compliance with their obligations. Moreover, each state has to be held responsible
for the impact of its policies or activities of its companies in the countries targeted by the investments. Similarly, we must reaffirm
the supremacy of Human Rights over international trade and finance regimes, which are sources of speculation on natural
resources and agricultural goods.

Meanwhile, we urge the Committee on World Food Security (CFS) to definitively reject the World Bank principles for
responsible agricultural investment (RAI), which are illegitimate and inadequate to address the phenomenon, and to include the
commitments of the ICARRD as well as the conclusions of the International Assessment of Agricultural Knowledge, Science and
Technology for Development (IAASTD) in its Global Framework for Action.

We demand that states, regional organizations and international institutions guarantee people’s right to land and support
family farming and agro-ecology. Appropriate agricultural policies should consider all different types of producers (indigenous
peoples, pastoralists, artisanal fishermen, peasants, agrarian reform beneficiaries) and answer specifically to the needs of women
and youth.

Finally, we invite people and civil society organisations everywhere to support - by all human, media, legal, financial or
popular means possible - all those who fight against land grabs and to put pressure on national governments and international
institutions to fulfil their obligations towards the rights of people.

We all have a duty to resist and to support the people who are fighting for their dignity !

Explanatory note

Undoubtedly, land grabbing was one of the main axes of mobilization during the last World Social Forum (WSF) in Dakar.
Various social movements, faith-based groups, environmental, development and human rights organizations organized a series of
events revolving around this issue.

One of the most relevant was jointly convened by the West African Network of Peasants and Agricultural Producers (ROPPA)
and La Via Campesina at the FIARA agricultural fair, focusing particularly on strategies for action. Peasant leaders from different
countries highlighted the importance of awareness raising and alerting not only their constituencies but the society at large about
the serious impacts of land grabbing, due to the threat that this development poses to all. They called for joint actions at all levels
and in different fields, including information, research, media outreach and bringing the cases to court.

Particularly impressive was the testimony of a peasant delegation from Ségou, one of the regions of Mali most affected by land
grabbing. They described how the preparatory works for putting into production large-scale land grants like the construction of an
irrigation canal have already led to the destruction of the houses and subsistence plots of approx. 60 families. In addition, access
to the Niger River by local peasants has been limited, affecting particularly women whose livelihoods depend on the river. Even
more significantly, the Malian peasant delegation told WSF participants at various events how they have been organizing at the
grassroots and national levels to face this threat.

Similar events were organized by CCFD-Terre Solidaire, Peuples Solidaires, ACORD, Catholic development organizations, FIAN
International, the African Network on the Right to Food, the Ecumenical Advocacy Alliance, the Fellowship of Christian
Councils and Churches of West Africa, ICCO, Bread for the World, Dignity International, among others.

Following the suggestion by French NGOs to build on the joint positioning on land grabbing developed by CSO during the last
session of the Committee on World Food Security (CFS) in Rome in October 2010 *, La Via Campesina and ROPPA, with the
support of FIAN International, Friends of the Earth International, CCFD – Terre Solidaire, Peuples Solidaires and AGTER took
leadership to facilitate an assembly of convergence of all groups interested in launching in Dakar a strong appeal against land
grabbing.

Participants in the assembly of convergence adopted this appeal and stressed that it should serve as a vehicle to forge broad
alliances at the local, national and international levels and pave the way for large mobilizations to support all the communities and
peoples’ organizations that are defending themselves against land grabbing on the ground.

The appeal calls for an immediate stop to land grabbing and the restitution of the lands that have been taken away from local
communities. Moreover, it makes several demands of national governments and international organizations.

We invite all organizations and persons interested in working along the lines of the appeal to endorse it. To sign on on-line, please
see below.
The appeal will be open for the endorsement until March 31.
www.petitiononline.com/dakar/petition.html

* For a report about the CFS discussions in October 2010, visit http://www.fian.org/resources/documents/others/forerunning-newinternational-
decision-making-on-land-issues-2013-a-report-on-the-cfs-land-discussions-rome-october-8-16-2010