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« 1996-2016 Saint Bernard 20 ans : acquis et perspectives »

D 10 avril 2016     H 05:44     A Madjiguène Cissé     C 0 messages


Ce texte a été lu par Madjiguène Cissé à la bourse du travail de Paris le 18 mars 2016. Madjiguène Cissé a été une des animatrices de la lutte des sans papiers en 1996. Aujourd’hui installée à Dakar, elle anime le réseau des femmes pour le développement durable en Afrique REFDAF.

Eléments de contexte

• Des lois qui fabriquent des sans papiers : une période où une succession de lois (Pasqua, Debré) a créé ce qu’on a appelé les sans papiers en empêchant de fait le renouvellement des titres de séjour et plongeant des étrangers présents depuis longtemps sur le territoire dans une situation de précarité en faisant d’eux des sans papiers.

• Un processus inédit dans l’histoire des luttes d’immigrés : les premiers concernés, les sans papiers ont pris leur destin en main : en affichant leur revendication et en organisant leur lutte de façon autonome et durable

• La force de cette lutte : au lieu de régler des cas individuels a élargi le champ de lutte vers enjeux plus grands. En liant le combat des sans papiers aux autres luttes contemporaines : les mal logés, les chômeurs, les autres travailleurs français dans la précarité (routiers, ouvriers…) nous avons enclenché une forte dynamique de dénonciation des inégalités.

• Cela a permis de rallier les différentes composantes de la société française à notre cause : un soutien émanant des classes populaires, moyennes et de la bourgeoisie ; des associations issues de l’immigration, des syndicats, des personnalités (réalisateurs de cinéma, acteurs, artistes), des intellectuels de renom :

• J’en profite pour saluer la mémoire de nos amis et soutiens disparus - Léon Schwartzenberg, Jacques Derrida, Pierre Bourdieu, Théodore Monod, Albert Jacquard ; les avocats qui ont défendu les cas à titre gracieux (Jean-Jacques de Félice) ; Saïd Bouziri ; Mouloud Aounit, l’Abbé Pierre, et bien certains des médiateurs des sans papiers disparus : #Stéphane Hessel, Remond et Lucie Aubrac, Germaine Tillion, Paul Ricoeur, Laurent Schwatrz, Antoine Sanguinetti, et d autres soutiens de la lutte des sans papiers.

Les raisons pour lesquelles les immigrés sont là, en France

La dimension explicative des inégalités Nord Sud ?
La mondialisation sauvage, les multinationales et l’absence de volonté politique des pays du Nord et du Sud privent nos populations de ressources vitales pour leur développement
Quelques éléments qui illustrent le lien entre les inégalités nord sud et la lutte des sans papiers de saint Bernard :

Appauvrissement : au manque de volonté politique et de dynamisme de nos dirigeants se combine une aggravation de la pauvreté. Les pays d’Afrique ont subi et continuer de subir de plein fouet des politiques qui se sont avérées dévastatrices sur le plan humain :
 • spoliation des richesses (accaparement des terres, des ressources naturelles, halieutiques),
 • signature d’accords et adoption forcée de politiques économiques clairement contraires à l’intérêt de nos populations : plans d’ajustement structurels à l’époque, aujourd’hui les accords de partenariats économiques APE ; réduction des tarifs douaniers, dumping fiscal pour attirer les fameux investissements étrangers)
 • APE : un partenariat sous contrainte qui permet à l’Europe de sauvegarder une main mise économique sur l’Afrique, d’amortir les effets de la crise économique qu’elle subit et de se positionner face à des pays africains qui s’ouvrent aujourd’hui vers de nouveaux partenaires, les pays émergents (Amérique latine, Asie, notamment l’Inde, la Chine) avec l’espoir d’établir des modalités d’échanges plus équitables.

Pour financer leurs politiques publiques et briser les schémas de reproduction de la grande pauvreté, les pays du Sud ont besoin, entre autre, d’augmenter leurs budgets. Aujourd’hui, à cause de systèmes fiscaux injustes, à cause des exonérations fiscales négociées par les entreprises multinationales, et à cause de la fraude et de l’évasion fiscale, les pays en développement perdent chaque année bien plus qu’ils ne reçoivent en aide internationale.

En 2010, les pays en développement ont vu s’envoler plus de 850 milliards de dollars de flux illicites vers les paradis fiscaux, soit 10 fois les montants d’aide internationale qu’ils ont reçu cette même année.
Rien qu’en 2012, le Niger a perdu 16 millions d’euros à cause des exonérations de TVA accordées à Areva, l’entreprise qui exploite l’uranium du pays depuis plus de 40 ans.

• Il résulte de tout cela un manque de perspectives et d’opportunités pour les jeunes qui constituent la majorité des populations africaines

Les causes géopolitiques :

• guerres de recolonisation menée par l’UE, l’OTAN, les États-Unis qui génèrent beaucoup d’instabilité et pour longtemps et qui fragilisent d’autant plus l’état déjà précaire de nombreux pays africains.

• Les crises environnementales dues aux sécheresses, inondations …

Apprenons à aller à contre courant de certaines idées reçues
 L’essentiel des migrations s’effectue entre pays africains, par ailleurs de nombreux migrants vont et viennent et retournent chez eux au bout de quelques années ou à leur retraite ici
 Les flux financiers qui vont des pays du Sud, y compris de l’Afrique vers les pays du Nord sont plus importants : c’est l’Afrique qui aide l’Europe en réalité
 les migrants aident l’Afrique : Les transferts d’argent des migrants
Entre 2000 et 2006, les envois de fonds vers les pays en développement ont, dans leur ensemble, plus que doublé, pour atteindre environ 180 milliards de dollars américains, soit près de deux fois le montant de l’aide publique au développement destinée à ces pays.

En 2012 la Banque mondiale déclare que ce montant représente 3 fois l’aide public au développement (APD) mais il pourrait représenter jusqu’à 6 fois l’APD en raison de la non comptabilisation des opérations informelles.

Les solutions : quelles propositions ?

 • Subvention de nos agricultures
 • création d’une monnaie propre, non arrimée à l’Euro
 • une coopération sur de nouvelles bases : l’argent arrive aux populations
 • créer une économie prospère
 • susciter un développement équitable
 • ne pas ouvrir nos marchés tous azimuts
 • remise de la dette payée de multiples fois depuis 1979 pour tous les pays d’Afrique encore concernés
 • véritable unité africaine, un véritable panafricanisme au service des peuples pour une Afrique unie et libre, où les africains auront des leader qui se soucient davantage de leurs populations que de suivre les injonctions de la Maison Blanche ou de l’Élysée.
 • au moment où l’information se déploie de façon exponentielle, au moment où tout concoure à l’ouverture aux échanges entre les pays et les peuples on ne peut plus dire aux gens de rester chez eux. La liberté de circuler est indiscutable.
 • Inviter l’Union européenne à ne pas privilégier les solutions répressives (FRONTEX) ces milliards investies là dedans auraient pu servir à équiper les pêcheurs sénégalais, financer des projets dans nos campagnes, à irriguer des zones arides où les jeunes pourraient développer l’agriculture et d’autres activités
 • l’Afrique en tant que nouveau pôle de croissance au niveau mondial doit servir avant tout à assurer l’avenir de ses propres enfants.

Les raisons d’espérer

Les peuples africains restent debout
J’en veux pour preuve la montrée des luttes populaires en Afrique depuis 2010, Sénégal Burkina etc pour des conquêtes démocratiques.
Montée en puissance d’une société civile critique de l’establishment gouvernementale (Balai citoyen au Burkina, Yen a marre au Sénégal, au Congo etc.

Une prise de conscience pour le développement endogène de l’Afrique.
Les sans papiers mobilises aujourd’hui doivent faire leur ce triptyque

I Mobilisation II Unité III Organisation

Source : http://www.afriquesenlutte.org/notre-bulletin/article/bulletin-afriques-en-lutte-no32