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CEDEAO et CEMAC : La souveraineté économique et monétaire comme solution au sous-développement

D 21 janvier 2013     H 05:29     A Abdoulaye I. Lawal     C 0 messages


Peut-on aujourd’hui parler de la souveraineté économique et monétaire africaine comme réponse aux problèmes de sous-développement qui se matérialisent par une très faible offre de services sociaux de base tels que la santé, l’éducation, le maintien de l’ordre, de la sécurité des biens et des personnes ainsi que la sauvegarde de l’intégrité territoriale des États Africains ? Peut –ont aujourd’hui soulever l’anticonstitutionnalité du Franc CFA et du crime contre l’humanité qu’occasionne le fonctionnement du système des deux zones CFA ? Et tenir comme complices les représentants du peuple au plus haut sommet ?

Avant de répondre à ces quelques préoccupations, nous essayerons d’abord les concepts qui sous entendent cette notion de souveraineté dans le sens politique puis économique, en nous basant sur le principe de légalité qui consacre la monnaie dans un pays ou groupe de pays qui se veulent souverains. Il est important de rappeler que la zone franc CFA est composée de deux unions monétaires - l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) - qui rassemblent quatorze pays au total, dont huit pour l’UEMOA qui ont accepté par le biais des politiques au plus haut sommet d’avoir « un destin commun » (1), et six pays pour la CEMAC qui ne se sont pas encore choisi une devise commune !

Depuis les indépendances, ces deux zones fonctionnent selon quatre principes essentiels. D’abord, ces États ont eu en commun une monnaie à parité fixe d’abord par rapport au franc français puis à l’euro aujourd’hui ; ce qui implique l’existence de la fixité de parité ou du taux de change nominal, la convertibilité illimitée des devises ‘’garantie’’ par le Trésor français en contrepartie de l’ouverture totale du compte de capital vis-à-vis de la France (donc de la zone euro) et de la centralisation de 50 % (au moins) des réserves de change de chaque banque centrale à travers un compte d’opération géré par le Trésor français.

Il convient de noter un quatrième principe : la libre transférabilité des capitaux au sein des États des deux zones communautaires, puis de ces zones vers la France et ‘’vice-versa’’. Dans le discours officiel, et pas seulement avec l’entrée de la France à l’Union Européenne, l’ordre de grandeur de cette transférabilité change en allant vers l’ensemble de l’Union Européenne. D’ou l’inféodalisation, l’arrimage, la suzeraineté (2) de l’ensemble des pays africains de l’UEMOA et de la CEMAC à ‘’un destin commun’’ d’exploitation ou de servitude néocolonial » ! A ceux qui parlent d‘indépendance, nous leur répliquons, quel leurre, quelle lueur, quel enfumage, ou du moins quelle pseudo légalité née du génie du grand maitre blanc, « l’homme du 18 Juin », qui est même devenu une référence psychologique et spatio (au Niger) temporel (le 18 février 2010) !

LA DEFINITION DE LA SOUVERAINETE ET SES IMPLICATIONS

QUE C’EST QUE LA SOUVERAINETE

La souveraineté, selon l’encyclopédie universelle Larousse 2011, « est une notion qui relève du Droit International public, lorsqu’il s’agit de la souveraineté des Etats et du droit constitutionnel lorsque l’on s’intéresse à la souveraineté à l’Etats ». Dans le discours officiel du politique, du journaliste ou d’un historien, l’Etat du Niger, du Mali, de la République Démocratique du Congo, Le Soudan du Sud sont des Etats indépendants ! Est-ce, parce qu’à chaque fois que l’on entre dans une de ces entités on remarque toujours un drapeau qui flotte comme incarnation d’un ‘’Etat souverain’’ ? Qu’en est-il exactement ? La même source nous dit que « l’Etat souverain est indépendant par opposition aux colonies ou aux protectorats ». Donc, le souverain est l’instance qui exerce le pouvoir suprême, qui n’est limitée par aucun autre. Qu’en est–il dans les pays africains ? Est-ce pour cela que la Constitution adoptée par le Conseil Consultatif National en 2010, précise à l’article 3 que « l’Etat du Niger est une République indépendante et souveraine » ? Une autre disposition de cette même constitution ne dit-elle pas que « la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et per voie du référendum, nul groupe de personnes ne peut s’en attribuer l’exercice » ?

La Constitution du Niger, avec laquelle, le feu président Diori Hamani a proclamé la République du Niger, le 18 décembre 1960, dispose que « la souveraineté appartient au peuple » et à son article 81, que « c’est le Parlement du Niger qui fixe, par la loi, les règles concernant le régime d’émission de la monnaie ». Quel anachronisme, dirait sans nul doute me reprocherait un juriste ou un citoyen averti, en oubliant que c’est important de savoir que même si cette indépendance a été officiellement proclamée et célébrée avec à grande pompe, il n’en demeure pas moins que le Général De Gaulle, à l’époque, n’était pas resté sans mettre son génie inventif en oeuvrant pour court-circuiter cette ‘’prétendue indépendance ‘’, cette « nouvelle légalité internationale » (3) à travers des pseudo accords de coopération monétaire avant d’accéder à leur demande d’indépendance formalisée par la remise officielle de leurs « récépissés d’indépendance ».

En réalité, la portée (4) de ces récépissés de ces « pays labellisés francophones », aurait été remise en cause par le grand « sorcier blanc » au lendemain de « la gifle guinéenne » administrée par Sékou Touré ». Toute l’histoire l’indépendance de ces pays a été remise en doute d’abord par De Gaulle, « homme du 18 Juin » français, ainsi que ses petits-fils qui lui ont succédé à la tête de la France, patrie des Droits de l’Homme !

QU’EN EST-IL VRAIMENT AUJOURD’HUI DE CETTE QUESTION DE SOUVERAINETE ?

Tous les ‘’États ‘Africains, conscients de l’importance et du rôle absolument régalien de la monnaie, ont réaffirmé la souveraineté exclusive du peuple en matière monétaire aussi tôt indépendants, comme par exemple l’ont fait plusieurs pays du monde. Par exemple : Les Etats Unis qui ont été colonisés par l’Angleterre affirment à la section 8 de leur Constitution : « Le Congres aura le pouvoir de battre monnaie, d’en déterminer la valeur et celle de la monnaie étrangère ». Il est affirmé à l’Article 122 de la Constitution de la République d’Algérie, exactement au point 15, que « Le parlement légifère dans les domaines que lui attribue la constitution suivants : Le règlement d’émission de la monnaie et le régime des banques de crédit et des Assurances ». La Constitution française de 1958, à l’article 3, dit que la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par voie de référendum. L’Article 34 précise, entre autres, que « la loi fixes les regels concernant le régime d’émission de la monnaie ». C’est sur cette base légale que la France et tous les autres pays cités avaient donc légalement consacré leurs monnaies.

De façon souveraine, les Etats véritablement indépendants décidaient et décident de l’émission de la monnaie et de la politique monétaire. C’est suite à la signature, le 7 février, du traité de Maastricht, que la France a révisé sa Constitution le 23 juin de la même année, pour céder sa souveraineté monétaire à la Banque Centrale Européenne qui émet désormais l’Euro, devise officielle de l’ensemble des pays de l’Union Européenne entrée en vigueur le 1er Janvier 2002 après le référendum du 20 septembre 1992. Le peuple de France, après avoir effectivement exercé sa souveraineté, a décidé lui-même de la céder par voie référendaire. Pour ce qui concerne les Etats africains des deux zones monétaires, y a-t-il eu un référendum de cession de leur souveraineté monétaire au profit de la France qui leur bat monnaie à Clairmont Ferrand, précisément à Chamelière, dans la province des Puy de Dômes et gère leur monnaie commune au Trésor public français ?

Pour rappel toutes les constitutions de proclamation des Républiques en Afrique de l’ouest et même du centre, en l’occurrence l’Etat du Niger, du Sénégal, du Burkina Fasso, du Mali, et de la Cote d’Ivoire, respectivement aux Articles 5 et 81, 3et 67, 32 et101, 26 et 70, 31 et 71, ont été formelles sur la question de souveraineté monétaire en affirmant que « c’est le peuple qui est souverain et ce sont ses représentants » qui, par la loi, « fixent le régime d’émission de la monnaie, mènent la politique monétaire, alloue les crédits, gèrent la valeur de la monnaie ». La constitutionnalité est une disposition constitutionnelle de la monnaie reconnue par tout Etat souverain. Il convient de souligner que, expressément, la Constitution du 18 décembre 1958, celle de la première République du Niger, proclamée le 8 novembre1960, la charte nationale de 1987 et la Constitution de 2ème République ont toutes trois affirmé la prérogative de battre monnaie est un attribue souveraineté qui appartient exclusivement au parlement.

LA CONSTITUTIONALITE DE LA MONNAIE

Sur le plan constitutionnel, battre monnaie est un droit régalien qui relève de la compétence exclusive du peuple souverain. Par exemple, la Constitution de la République Fédérale Islamique des Îles Comores affirme : « Relève de la compétence exclusive du peuple la matière suivante : Monnaie ... » (5) Dans toutes leurs constitutions nationales, les quinze pays membres de la zone franc affirment unanimement que seule la loi votée par le Parlement « détermine le régime d’émission de la monnaie ». (6) La Constitution du Mali, dans son TITRE VI et ARTICLE 70 stipule que « La Loi fixe les règles concernant : Le régime d’émission de la monnaie, l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impôts » (7).

Nous voulons citer certains points de vue tout à fait concordant de certaines personnalités historiques sur la problématique de cette souveraineté monétaire :

Feu Président Modibo Kéita, ne disait : « Aussi loin que nous remontons dans le temps, l’histoire nous enseigne que le pouvoir politique s’accompagne toujours et nécessairement du droit régalien de battre monnaie, que le pouvoir monétaire est inséparable de la souveraineté nationale, qu’il en est le complément indispensable, l’attribut essentiel ».
« Pouvoir politique et pouvoir monétaire ne sont donc, à dire vrai, que les aspects
complémentaires d’une seule et même réalité : la souveraineté nationale ».

C’est ainsi qu’Edouard Balladur, ancien Premier ministre français, a rappelé avec raison, au moment ou nous avions entre les mains les victimes des balles mortelles de la répression du 9 février 1990, suite à la contestation de l’application drastique des politiques d’Ajustement structurel qui était la conséquences logique de ce système monétaire d’inspiration néo-nazie que : « la monnaie n’est pas un sujet technique, mais politique, qui touche à la souveraineté et à l’indépendance des nations ». (9)

De nos jours combien d’intellectuels ou politiques africains savent que la question de monnaie est plus politique que technique ? C’est ainsi que l’ancien président du Benin Mathieu Kérékou a affirmé « je n’ai jamais compris un système de ce genre ! », à la suite de l’audience qu’il a accordé au Professeur Emmanuel Agbohou au moment de sa retraite politique. Un chef d’Etat comme Abdoulaye Wade, un des plus diplômés des chefs d’Etat connait pertinemment ce système mais n’a jamais voulu dénoncé en tant que tel le système du nazisme monétaire CFA !

A un ancien banquier américain du nom de Mayer Anselm Rotschild de dire un jour : « Donnez moi le droit d’émettre et de contrôler l’argent d’une nation et alors, peut importe qui fait ses lois » . De là nous devons comprendre toute la place stratégique de la monnaie, le pouvoir libératoire et d’affirmation de l’indépendance d’un ou plusieurs pays.

Rigis Debray, homme politique français, quant à lui, disait à juste titre que « quand un peuple perd son indépendance de l’extérieur, il ne garde pas longtemps sa démocratie de l’intérieur ». Régis Debray parle de manière voilée du contrôle des finances et avoirs extérieurs d’un pays en faisant référence à l’histoire du nazisme monétaire du mark hitlérien, la monnaie allemande dont la France et certains pays d’Europe ont été victimes durant leur occupation. Pour mémoire, Hitler avait décrété dévaster « en toute simplicité les pays qu’ils avaient conquis. Les Allemands, en 1940, ont recouru à une méthode de rapine plus subtile et plus fructueuse : ils ont mis le mark à 20 francs. Déjà, dans les territoires qu’ils avaient occupés en Europe, les Allemands victorieux avaient assigné au Reichsmark une valeur et un pouvoir d’achat fort avantageux » (8)

Pouémi Tchundgang, économiste camerounais, disait : « Etre indépendant, c’est vouloir le mardi être plus indépendant que le lundi. Le Mali (au temps du président Modibo Keïta en 1962, avant d’être victime de trahison qui a conduit à l’effondrement du système monétaire national) a inversé le cheminement. Il a inversé le cheminement parce que la dépendance monétaire entraîne le reste ». Mieux, il précise que « L’empire Ottoman a résisté deux siècles avant de passer sous la tutelle de l’Occident chrétien coalisé : il avait, au lendemain de la guerre de Crimée, confié la gestion de ses caisses aux Européens. Pareillement, l’Égypte est passée sous contrôle d’un condominium franco-anglais, puis exclusivement anglais, dès qu’à la suite des dépenses des khédives (dépenses de prestiges assimilables aux grands chantiers prestigieux de construction de H. Boigny dans les années 1960, qu’on appelle ’’éléphants blancs’’), la gestion de ses finances publiques a été confiée à l’étranger » (9)

QU’EST CE QUE LA MONNAIE ?

Un des fondateur de la pensée économique resté très célèbre, Aristote la définie comme par trois fonctions : « unité de compte, réserve de valeur et intermédiaire des échanges ». Mieux, une autre source la définit comme « un instrument de paiement spécialisé accepté de façon générale par les membres d’une communauté en règlement d’un achat, d’une prestation ou d’une dette… ». Mais, est ce que le citoyen ordinaire semble en connaitre véritablement l’importance ? Evidemment non et pour être complet il faut dire aussi en dehors du citoyen lambda que certains intellectuels ignore véritablement la portée de cette chose qui peut le plus généralement être conçu soit en pièce ou soit en billet ? De l’avis d’un juriste, la monnaie, avant quelle ne soit une chose, est un instrument d’usage dans les relations socio-économique mais surtout culturels !

Nous semblons étonné en disant que la monnaie un instrument avant tout culturel, c’est en ce sens que l’histoire nous apprend qu‘’à une certaine époque des pièces d’étoffe ont été considéré comme ‘’une monnaie d’échange ‘’ au Benin. Quelqu’un n’est–il pas tenté de dire qu’à un certain moment ‘’c’était du sel notre instrument monétaire dans le cadre des échange tanssahrien ? Un autre ne dira-t-il pas des cauris ? Evidemment cela a été possible parce que c’est une ‘’disposition d’esprit pour une communauté ou un peuple de dire lui-même, dans toute sa composante ou par ses représentants, telle chose est notre monnaie. Ces exemples sembles banaliser l’importance de ‘’la monnaie’’ mais n’est ce pas plus banal de considérer un papier comme une monnaie d’échange, à savoir : un chèque bancaire que les citoyens utilise comme instrument de payement ?
D’aucuns dirons ou est donc l’importance de ce qu’on appelle « monnaie ». Beaucoup se souviendrons qu’à un moment de l’histoire les pièces ou billets de monnaie sont ‘’frappés ou ’’ battus’’ en terme économique à l’effigie d’un duc, du comte, vicomte, d’un empereur, d’un roi, donc du souverain. Ainsi la monnaie reste un instrument de souveraineté, qu’elle soit forte ou faible comme on est tenté de le dire pour établir la valeur d’une monnaie par rapport à une autre !

La monnaie, avant d’être considérée comme un instrument d’échange ou une valeur économique, est une disposition juridique en ce sens qu’elle est constitutionnellement définie et déterminée par le peuple par le biais de ses représentants. C’est à dire ce sont les députés nationaux qui sont au même titre habilité à définir et déterminer le sens et la portée de notre drapeau National, de notre emblème, de notre timbre fiscal ! C’est ainsi dans un Etat, il leur appartient à eux seul de déterminer la monnaie d’un pays.

NOTES

1) La devise des pays de l’UEMOA est « 8 pays un destin commun », comme si l’Afrique est seulement constitué de 8 pays, et qu’il soit en marge des dynamique d’intégration non seulement économique ou du moins de coopération, mais aussi d’intégration politique. En principe UEMOA devrait disparaitre et céder la place à la Communauté des Etats Afrique de l’Ouest.

2) Et non la souveraineté telle qu’affirmée dans les constitutions des pays africains des deux zones CFA.

3) C’est François Xavier Vershave qui qualifie « l’indépendance » d’une ’’nouvelle légalité internationale’’ des années 1960. Etant donné que c’est le même De Gaulle qui chargea Jacques Foccart à faire ’’tout le contraire de la préservation du statut indépendant des Etats Africains en organisant des Coup d’Etats.

4) Il convient de mentionner que l’ex président Nigérien Tandja Mahamadou a soulevé cette question de la validité concrète de cette indépendance récipissé au moment de sa tentative d’auto-octroi d’un 3ème mandat contrairement à ce qu’à prévu la constitution du 9Aout 1999 qui limite le mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une seule fois.

5) Titre II, Article 9 de la Constitution des Comores - Voir par exemple le Titre V article 71, de la constitution ivoirienne

6) La constitution Malienne du 22 Septembre 1962 avant de tomber sous le coup d’Etat de 1968 de Moussa Traoré pour remettre le Mali dans le giron français avec les services de Jacques Foccart !

7) Discours prononcé à l’Assemblée nationale du Mali à l’occasion de l’émission d’une monnaie nationale le 30 juin 1962.A bien noter cette décision souveraine n’a jamais plu au gouvernement français.

8) Voir le livre de René Sedillot, le franc enchaîné. Il s’agit bien entendu du Franc Francais. Ce livre a disparu des maisons d’Editions en France car permettant de comprendre la source d’inspiration de l’Etat Français quand il a crée le Franc CFA pour les pays de la zone UEMOA et CEMAC.

9) Pouémi Tchundjang,Voir son livre intitulé : Monnaie et servitude , édition Edilac, p.134.

* Abdoulaye I. Lawal est diplômé d’une maitrise en Droit Public International. Il est président de la Section nigérienne de la Fédération des Mouvements pour la Souveraineté Économique et Monétaire Africaine.

Source :
http://www.pambazuka.org/fr/friends.php