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CESAIRE : Un portrait ému et délicat

D 14 août 2013     H 05:07     A Gisèle Felhendler     C 0 messages


« La découverte de ton écriture m’a bien fait comprendre ce que tu appelais la dimension peléenne de notre poésie ; que tout s’enflamme soudain d’un sens inaperçu. »

A l’occasion du centième anniversaire de la naissance d’Aimé Césaire, auteur et homme politique martiniquais, c’est à un hommage en forme de témoignage poétique que nous convie Daniel Maximin, romancier, poète et essayiste guadeloupéen, dans un livre au titre somptueux : Aimé Césaire, frère volcan[1]. Histoire d’une « fraternité âpre » entre la Soufrière de Maximin et la montagne Pelée de Césaire.

Au-delà d’un travail de biographe, c’est un portrait pudique, fraternel et affectueux que parvient à brosser Daniel Maximin, le portrait ému et délicat du chantre de la « négritude », au fil d’extraits tendrement sélectionnés dans l’œuvre de son aîné. « Mon volcan bien vivant apporte fièrement à ta montagne en cendres l’espérance d’un retour natal de son feu thésaurisé. »
Dialogues croisés entre l’auteur, le lecteur et Césaire, qu’il tutoie. Dialogue « non pas de père et non de fils » : « Nous n’avons su que fraterniser. »
Obstiné et fervent, Daniel Maximin ne cache rien des doutes et angoisses du poète, jusqu’à l’homme politique affirmé, porteur d’espoirs, penseur de l’indépendance pour toute une génération qui s’interroge et refuse la résignation face à l’assignation mortifère.

C’est l’irruption d’une époque foisonnante qui voit s’imposer les figures emblématiques de Fanon et Lumumba, guides d’une jeunesse affamée de liberté. Epoque que Césaire marquera d’une empreinte essentielle tant dans le domaine de la poésie pure que du théâtre, flirtant même avec le surréalisme. C’est, à l’instar d’un Senghor préfacé par Sartre, un « Orphée noir » revenu des enfers pour aspirer à la création et à l’amour. Celui de Suzanne, sa femme, mère de ses six enfants, à qui s’adresse cette absolue déclaration : « On respirait ensemble. » C’est avec Suzanne que Césaire fonda en 1941 la revue Tropiques, instrument d’émancipation culturelle face à cette entreprise de destruction qu’est le colonialisme, dans un contexte de guerre mondiale.

Imbrication de l’œuvre de Césaire dans la vie de Maximin, qui s’attacha à développer dans sa thèse l’idée que des revues comme Tropiques ont participé à l’affirmation des identités métisses dans une vision internationaliste et solidaire de l’émancipation de ce qu’on appelait alors le tiers monde noir.
Daniel Maximin aborde ensuite, sans s’y attarder, les cinquante-six ans d’action politique d’Aimé Césaire, mettant ainsi en lumière l’engagement poétique de l’homme. Jusqu’en 1993, retour au pays natal, installation en Martinique, entre rituel et tradition, temps de l’« ultime dialogue », ainsi que Maximin nomme le texte prononcé lors des obsèques de Césaire et dont la conclusion appartient à Césaire lui-même :
ne dépare pas le pur visage de l’avenir
bâtisseur d’un insolite demain
Que ton fil ne se noue
que ta voix ne s’éraille
que ne se confinent tes voies
AVANCE

Aimé Césaire, frère volcan, une introduction originale et intime à une œuvre forte d’espoir et d’intelligence, pour rester « debout, libre et fier ».

Gisèle Felhendler

[1] Daniel Maximin, Le Seuil 276 p., 18 euros.

http://www.afriquesenlutte.org/notre-bulletin/article/bulletin-afriques-en-lutte-no23