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COMMENT L’INTRODUCTION DU COTON GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉ EN AFRIQUE PORTERA PRÉJUDICE AUX PAYSANS

D 1er septembre 2015     H 05:24     A Haidee Swanby     C 0 messages


Le 7 avril 2015 l’African Centre for Biosafety (Acb) a officiellement changé de nom pour désormais s’appeler l’African Centre for Biodiversity. Ce changement de nom a fait l’objet d’une concertation au sein de l’Acb et reflète la portée élargie de nos travaux au cours des dernières années. Toutes les publications de l’Acb précédant cette date continueront d’être publiées sous l’ancien nom de l’African Centre for Biosafety et devraient toujours être référencées telles quelles.

Nous demeurons engagés à démanteler les inégalités au sein du système alimentaire et agricole de l’Afrique et nous croyons au droit des peuples à une nourriture saine et culturellement appropriée, produite grâce à des méthodes durables et respectueuses de l’écologie, et en leur doit à définir par eux-mêmes leurs systèmes alimentaires et agricoles.

Le coton est cultivé sur environ 2,5 % des terres arables du monde, à travers 80 pays. Ce qui, après le blé, le riz, le maïs et le soja, en fait l’une des cultures globales les plus importantes en termes d’occupation des terres à l’échelle mondiale. Il est cultivé principalement pour ses fibres, qui peuvent être filées et tissées pour faire du tissu. On peut aussi extraire de l’huile alimentaire des graines, qui est utilisée dans une variété de produits alimentaires et industriels. Une fois l’huile extraite, la farine d’herbe est utilisée pour produire de l’alimentation pour les animaux. Cent pays participent à l’importation et à l’exportation du coton. La Chine, l’Inde, les États-Unis et le Pakistan sont les principaux producteurs de coton, suivis du Brésil et de l’Ouzbékistan. Ensemble ces pays contribuent à 80 % de la production mondiale de coton, alors que 28 pays africains fournissent environ 5 % de la production mondiale.

Entre 2007 et 2011, les cinq principaux producteurs de coton sur le continent africain étaient le Burkina Faso, l’Égypte, le Mali, le Zimbabwe et la Tanzanie. Ensemble, ces pays ont fourni 54 % de la production de coton totale de l’Afrique. La majeure partie du coton en Afrique est produite par de petits exploitants pour qui le secteur du coton représente une source essentielle d’emplois et de revenus.

Cela fait près de deux décennies que le coton génétiquement modifié (Gm) est produit à l’échelle mondiale, pourtant, à ce jour, seuls trois pays africains cultivent le coton Gm commercialement - il s’agit de l’Afrique du Sud, depuis 1997, du Burkina Faso depuis 2008 et du Soudan depuis 2012. Selon les chiffres non vérifiés fournis par l’industrie, ces trois pays cultivent conjointement du coton Gm sur une surface d’environ 616 000 hectares.

Pendant des décennies, les gouvernements africains se sont montrés sceptiques quant aux organismes génétiquement modifiés (Ogm) et ont joué un rôle majeur par le passé en faisant en sorte que la loi internationale en la matière - le Protocole de Carthagène sur la biosécurité - se fonde sur le principe de précaution par rapport à la nourriture et l’agriculture transgéniques. Ils ont également imposé diverses restrictions et interdictions sur la culture et l’importation d’Ogm, y compris pour l’aide alimentaire Gm. Mais aujourd’hui, presque deux décennies plus tard, cette résistance s’émiette alors qu’un certain nombre de pays africains tels que le Ghana, le Malawi, le Swaziland et le Cameroun semblent prêts à autoriser la culture commerciale de leurs premières récoltes de coton Gm. Le Nigéria et l’Éthiopie prévoient de suivre le mouvement au cours des deux ou trois années à venir.

Quelques gouvernements africains et producteurs de coton locaux ont grand espoir que la technologie des Ogm donnera un coup de fouet à la compétitivité africaine dans le monde du marché mondial du coton où règne la loi de la jungle. À l’heure actuelle, la productivité africaine de coton est en déclin - elle ne représente aujourd’hui que la moitié du niveau mondial moyen - tandis que la productivité mondiale augmente. La promesse d’améliorer la productivité et de réduire l’utilisation de pesticides grâce à l’adoption du coton Gm est alléchante. Cependant, nos dirigeants et les producteurs de coton africains se doivent de regarder de près comment le coton Gm a évolué en Afrique du Sud et au Burkina Faso jusqu’à aujourd’hui, et en particulier son impact socioéconomique sur les petits exploitants.

Un examen minutieux des expériences vécues met à la lumière du jour des histoires tragiques de fermiers croulant sous les dettes, des cours de marché ahurissants et d’une technologie encline à l’échec, en l’absence de techniques de gestion très spécifiques et onéreuses, qui ne conviennent pas à la production à petite échelle. Comme l’a indiqué un fermier au cours d’une consultation publique sur les Ogm au Mali, « quel est l’intérêt de nous encourager à augmenter nos rendements avec les Ogm si nous ne pouvons pas obtenir un prix décent pour ce que nous produisons déjà ? ».

Au Malawi, Monsanto a déjà soumis une requête au gouvernement afin d’obtenir un permis de commercialisation de son coton Gm résistant aux parasites, Bollgard II. La société civile a réagi très fortement par rapport à ce développement et une alliance d’organisations a soumis des objections substantives. Même l’industrie du coton du Malawi, représentée par la Cotton Development Trust (Cdt), la fondation pour le développement du coton, a publiquement exprimé ses inquiétudes concernant un certain nombre de problèmes, y compris des essais sur le terrain inadéquats, le coût élevé des semences Gm et des intrants associés, ainsi que les arrangements relatifs à la propriété intellectuelle qui demeurent flous. En outre, la Cdt a exprimé un certain malaise quant au développement potentiel de la résistance parasitaire et les applications inévitables d’herbicides chimiques que celle-ci engendre.

Les organismes commerciaux régionaux vont ouvrir la porte aux OGM

Les Communautés économiques régionales (Cer), comme le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa) et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) jouent également un rôle important dans la préparation de leurs États membres pour la commercialisation et le commerce du coton Gm, du fait de leurs efforts visant à harmoniser les politiques de biosécurité.

La politique du Comesa sur la biotechnologie et la biosécurité a été adoptée en février 2014 et les États Membres ont validé le plan d’exécution en mars 2015. Le processus relatif à l’adoption de la politique de biosécurité de la Cedeao est laborieux, durant déjà depuis plus d’une décennie, et les conflits marqués entre les impératifs commerciaux et les contrôles de sûreté ont fini par faire stagner tout accord entre les parties prenantes. Cependant, selon de récents rapports, un accord aurait été trouvé entre les États membres et les bailleurs et un projet définitif de politique de biosécurité devrait bientôt être publié. Le Comesa et la Cedeao regroupent, conjointement, 34 pays en Afrique.

Ces politiques et lois régionales sur la biosécurité ont été principalement contrôlées et financées par l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid). L’USAID a financé un large éventail d’experts locaux et d’organismes scientifiques africains, travaillant en collaboration avec les experts américains pour développer des politiques régionales harmonisées, conçues pour maximiser la taille du marché et minimiser les règlements relatifs à la biosécurité, tels que des évaluations des risques cas par cas et la « responsabilité stricte » des producteurs si la technologie devait mal tourner.

Dans le cadre de ces politiques, les profits des investisseurs figurent sur la liste prioritaire, tandis que les mécanismes de sauvegarde pour le bien-être humain, environnemental et socioéconomique sont relégués à un niveau secondaire.

LE COTON GM AU BURKINA FASO ET EN AFRIQUE DU SUD - DETTE ECRASANTE ET PROBLEMES TECHNOLOGIQUES

Le Burkina Faso a commencé à cultiver le coton résistant aux parasites (connu sous le nom de coton « Bt ») en 2008 et les médias ont depuis été inondés de rapports témoignant de la productivité miraculeuse du coton Bt et des rendements accrus qu’il permet. En réalité, la culture du coton Bt a été accompagnée de problèmes techniques persistants, et ce depuis que le coton Bt est produit dans ce pays. En juin 2015, selon les informations relayées par les médias, la production de coton Gm sera progressivement réduite au cours des trois années à venir pour être ensuite totalement arrêtée. Après deux saisons seulement, les fermiers protestaient déjà avec véhémence car leurs récoltes de coton avaient perdu en qualité en raison de la taille des fibres obtenues, trop courtes. Ces fermiers ne sont donc pas parvenus à obtenir un prix correct pour leur production, en dépit de leur investissement dans la technologie des Ogm, plus onéreuse. Beaucoup de fermiers ont également fait état de faibles rendements, partiellement attribués à la nécessité d’appliquer des doses très précises d’engrais et de pesticides pour obtenir de bons rendements, une pratique à laquelle les fermiers ne sont pas habitués.

En 2013/14, la plus grande compagnie de coton du Burkina Faso, Sofitex, responsable de près de 40% de la production nationale de semences de coton dans ce pays, a discontinué l’utilisation de la variété FK96, l’une des deux variétés de semences de coton Bt disponibles, en raison des fibres trop courtes qu’elle produisait. Il s’en est ensuivi une pénurie de semences Bt à travers le pays.

Au cours de l’année 2014, on observe également, dans certaines zones, l’émergence d’une résistance des insectes à la toxine Bt présente dans le coton Gm. Ceci est très étonnant sur une période aussi courte et constitue un problème sérieux, car les fermiers sont incités à croire que leurs récoltes seront protégées contre certains parasites - et ils payent plus pour bénéficier de cette protection. On ne sait pas si les fermiers ayant essuyé des pertes de récoltes attribuables à l’échec du produit ont reçu des compensations.

La question concernant le report du moment de l’apparition de la résistance chez les insectes dans des cultures Bt au sein des systèmes de production des petits exploitants est un véritable casse-tête et l’industrie de la biotechnologie se doit encore de trouver une solution pratique à cet égard. La pratique de base au cours des 20 dernières années a consisté à imposer une obligation contractuelle aux fermiers de planter entre 5 % et 20 % de leurs parcelles avec du coton non-Gm, afin de créer ce que l’on appelle une zone refuge. La zone refuge fournit un habitat dans lequel les insectes peuvent prospérer car ils ne sont pas exposés à la toxine Bt et ne développent donc pas de résistance à cette toxine. Les insectes qui s’attaquent à la récolte Bt sont tués par le pesticide présent dans ce coton, alors que les insectes prospérant dans la zone refuge dominent saison après saison, retardant ainsi le début de la résistance.

La gestion de la zone refuge peut se révéler une opération onéreuse et sa mise en application a relevé du défi pour les fermiers de par le monde ; et il est tout aussi difficile pour le gouvernement et l’industrie de suivre ce processus et d’imposer des sanctions. Concernant les petits exploitants, il n’est pas du tout pratique pour eux de planter du coton non-Gm sur près de 20 % de leurs petites parcelles de terrain et les pertes économiques engendrées par ces zones refuges est un réel souci pour eux – les zones refuges sont cultivées principalement pour gérer la résistance aux insectes et peuvent donc être endommagées par des parasites.

L’industrie des Ogm a proposé que dans les contextes où les petits exploitants dominent, la végétation sauvage avoisinante serait suffisante pour agir comme zone refuge, mais beaucoup d’experts considèrent cette stratégie peu réaliste. L’introduction des cultures Bt, en l’absence d’un système crédible pour permettre de contrôler le développement de la résistance aux insectes, expose les fermiers au risque de pertes de récoltes en raison des dommages causés par les insectes. Ce risque s’accompagne en outre des coûts plus élevés des semences et de cours mondiaux fluctuants.

En mai 2015, le directeur général de la société cotonnière du Gourma (Socoma) du Burkina Faso (une filiale du groupe français Geocoton) a annoncé que la production de coton Gm serait réduite à travers le pays au cours des trois années à venir, en raison de « problèmes techniques ». Le mois suivant, le coup de grâce fut assené au coton Gm au Burkina Faso quand les medias ont relayé une information selon laquelle l’organisme général de l’industrie cotonnière, l’Association interprofessionnelle du coton du Burkina (Aicb), qui inclut la Sofitex, chef de file du secteur public, Faso Coton et la Socoma, ont annoncé que les agriculteurs dénonçaient leurs contrats avec Monsanto et leur intention d’interrompre totalement l’utilisation des semences d’Ogm d’ici à trois ans. Les motifs mis en avant par l’interprofession cotonnière incluent des rendements plus bas que ce qui était promis et un coton de mauvaise qualité. Les acteurs de la filière sont en train d’évaluer le montant des indemnités qu’ils comptent réclamer pour leurs pertes essuyées depuis 2008, data à laquelle ils ont commencé à cultiver du coton Gm.

L’introduction du coton Gm au Burkina Faso a été rendue possible par la relative fermeture de la chaîne de valeur du coton dans ce pays, au sein de laquelle une société de coton parapublique contrôle tous les aspects de la production, y compris l’apport de crédits, la production et la distribution de semences, l’appui à la vulgarisation des connaissances, le transport du coton égrené, etc. Cet arrangement aide les fermiers à accéder au crédit pour acheter des semences notablement plus chères - car l’établissement qui octroie le crédit au fermier est le même que celui auquel il ou elle vendra le produit, moment auquel le remboursement du prêt peut être déduit du prix d’achat de la récolte.

En Afrique du Sud, Monsanto a organisé une campagne agressive vers la fin des années 1990 pour introduire le coton Gm auprès des petits exploitants de Makhathini Flats, une zone frappée par la pauvreté, où les fermiers ont également opéré au sein d’une chaîne de valeur similairement fermée. Cependant, lorsqu’un concurrent est entré dans l’arène, les fermiers ont choisi de vendre leur coton Gm au nouvel égreneur afin d’éviter de rembourser leurs emprunts. En 2003 le système entier s’est effondré comme un château des cartes, l’établissement de crédit local s’écroulant sous le poids de la dette impayée pour un montant de 22 millions de rands (approximativement 2 millions de dollars).

Sans la certitude que la récolte de coton puisse être utilisée en garantie de leurs emprunts, il est devenu impossible d’obtenir du crédit dans la zone et la production de coton s’est épuisée. Beaucoup de fermiers se sont retrouvés dans l’indigence, leurs relations sociales en lambeaux en raison de ces dettes impayées. En Afrique du Sud, la culture de coton Gm demeure clairement le domaine réservé des gros producteurs ; durant la saison 2014-2015, environ 747 petits agriculteurs ont contribué à produire seulement 2,8% de la production totale de coton de l’Afrique du Sud.

Le coton Gm au Soudan demeure une nouveauté et pour le moment, les informations disponibles sur ses performances dans ce pays se limitent aux articles claironnant des rendements qui « battent tous les records du monde ». Ceux-ci font écho aux rapports des médias en Afrique du Sud et au Burkina Faso au fil des années. On attend toujours que l’histoire réelle du coton Bt au Soudan soit révélée au grand jour.

RESISTANCES ET OBSTACLES SUR LE CONTINENT AFRICAIN

LE KENYA - En 2012, l’Institut de recherches agricoles kenyan (KARI), en partenariat avec Monsanto, était sur le point de commercialiser le coton Bt, après avoir conclu des essais sur le terrain et soumis leurs résultats auprès de l’Autorité nationale de la biosécurité (Nba, National Biosafety Authority). Cependant, la même année, un décret parlementaire interdisant l’importation d’Ogm dans le pays fut voté. En conséquence de l’environnement incertain que le décret avait créé, Monsanto interrompit son financement et se désintéressa du projet. En mai 2015, un groupe de travail national mandaté pour conseiller le parlement kenyan quant à la manière de mettre en œuvre cette interdiction, recommanda de lever cette interdiction au cas par cas, mais seulement une fois qu’une nouvelle législation traitant des impacts sanitaires des Ogm serait en place.

Le rapport remis par le groupe parlementaire constata l’insuffisance des données liées à la sûreté des Ogm et à leur impact sur la santé, et que le pays avait une capacité limitée à réglementer et à contrôler les Ogm. Le parlement n’a toujours pas annoncé ce qu’il comptait faire des recommandations du groupe de travail, mais sa décision aura un impact sur la volonté de Monsanto d’investir davantage dans les Ogm dans ce pays.

LE GHANA - Les essais de terrain du coton Bt sur divers sites ont commencé en 2013 et d’autres tests avec du coton résistant aux herbicides ont démarré l’année suivante. Les autorités ghanéennes ont exprimé avec une certaine ardeur leur intention de commercialiser le coton Gm dans un avenir proche. Des plans sont en place pour accélérer le processus d’évaluation des risques et d’approbation en « s’appropriant » les résultats issus de la recherche conduite au Burkina Faso, dans la mesure où les deux pays partagent des conditions écologiques très semblables.

Cependant, l’industrie biotechnologique fait face à un environnement hostile au Ghana. En avril 2015, un groupe de militants local, Food Sovereignty Ghana (Fsg), a tenté d’obtenir une injonction du tribunal ghanéen contre le gouvernement afin d’annuler l’autorisation de commercialisation des cultures d’Ogm, partant du principe que les décisions portant sur les Ogm étaient prises de manière illégale, le Comité national sur la biosécurité n’ayant pas encore été constitué, conformément aux exigences de leur loi sur la biosécurité de 2011. Une injonction provisoire a été accordée par le tribunal et les autres poursuites ont été retardées par une demande émanant de la plus grande association d’agriculteurs du Ghana, la Ghana National Association of Farmers and Fisherfolk (Gnaff), de rejoindre le camp de la défense.

Avant ces événements, un rapport rédigé en 2014 par le ministère de l’Agriculture des États-Unis (l’Usda) déclarait que le Programme pour les systèmes de biosécurité (Pbs) avait cherché à neutraliser les campagnes anti-Ogm de plus en plus importantes au Ghana en faisant en sorte que le Gnaff manifeste son soutien aux cultures d’Ogm. Selon le rapport, dans un avenir proche, « le Pbs, en collaboration avec le Forum ouvert sur la biotechnologie agricole (Ofab, Open Forum on Agricultural Biotechnology) et le Réseau africain d’expertise en biosécurité (Abne) ont l’intention de faire en sorte que d’autres groupes d’agriculteurs expriment publiquement leur appui aux cultures d’Ogm au Ghana. Ils ont également l’intention d’acheter de l’espace publicitaire dans les principaux journaux afin de mettre l’accent sur les avantages de la technologie des Ogm, d’appuyer les principaux groupes d‘agriculteurs à prendre position en faveur de l’introduction des Ogm et d’identifier les individus qui sauront promptement répondre aux questions sur les OGM à la radio et dans les journaux ».

L’OUGANDA - En 2009, des essais de terrain ouverts avec du coton Bt et du coton résistant aux herbicides ont été lancés et en 2010, des essais sur le terrain avec des « variétés à gènes empilés » (combinant ces deux traits dans une même plante) ont été initialisés. Ces tests ont été gérés par l’Organisation nationale pour la recherche agricole en l’Ouganda (Nara, National Agriculture Research Organisation) et financé par Monsanto et l’Usaid. Les tests devaient être réalisés sur trois saisons, mais après deux saisons seulement, Monsanto retira ses financements, préférant concentrer ses efforts sur le Burkina Faso.

Monsanto indiqua que la société s’était retirée en raison de « l’absence d’environnement juridique favorable pour protéger ses intérêts dans le pays », mais qu’elle envisagerait de revenir en Ouganda « si l’environnement juridique s’améliore, par exemple grâce au passage de la loi proposée sur la règlementation de la biotechnologie ».

En mai 2015, le comité parlementaire ougandais donna son feu vert à la proposition de loi sur la biotechnologie et la biosécurité nationales, signalant que celle-ci serait bientôt adoptée. L’adoption de la proposition de loi fut un processus long, laborieux et déteinte de conflits, ce qui contribua sans l’ombre d’un doute à déconcerter Monsanto.

Questions légales mises à part, il s’avère que les essais sur le terrain ne se sont pas non plus bien déroulés. Selon l’un des chercheurs responsables, « les résultats se sont avérés peu concluants ; morphologiquement et chimiquement, les plantes Gm se sont exprimées de manière inattendue. Par conséquent, la gestion des plantes est parfois devenue intensive, notamment en raison des parasites secondaires » (les parasites secondaires ont souvent constitué un défi pour les cultures Bt, car les parasites non-ciblés par la toxine et qui auparavant ne posaient pas problème, se multiplient soudainement et leur contrôle nécessite alors l’application de produits chimiques).

Des recommandations invitant à davantage de recherches ont été formulées afin de déterminer comment contrôler efficacement les cultures Bt à l’échelle des petits exploitants. Les autres sujets de préoccupation incluaient notamment la manière dont les petits exploitants parviendraient à gérer les stratégies onéreuses de gestion de la résistance aux insectes devant aller de pair avec les cultures de Bt, ainsi que des questions visant à savoir comment de petites exploitations familiales travaillant manuellement parviendraient à récolter des capsules uniformes qui mûrissent toutes en même temps.

LE CAMEROUN - Le Cameroun a commencé des expériences sur le coton GM sous serre en 2012. Des essais de terrain ont suivi en 2015 et le pays espère pouvoir commercialiser la culture dès 2017. Cependant le directeur de gestion de la Sodecton, une société cotonnière locale, a indiqué que le pays demeure « loin de l’étape de la culture répandue, » et que des expérimentations en nombre seraient encore nécessaires pour en établir la sûreté.

CONCLUSION

Les expériences et les essais en extérieur avec du coton Gm sont en cours depuis de nombreuses années dans un certain nombre de pays africains, et parviennent à un stade où les demandes de commercialisation sont imminentes. Cependant, de nombreux obstacles s’opposent à l’avènement d’une nouvelle ère pour les Ogm en Afrique, la raison primordiale étant le fait que cette technologie de haut niveau n’est tout simplement pas adaptée à des agriculteurs manquant de ressources et cultivant de minuscules lopins de terre, ainsi que l’opposition féroce de la société civile ainsi que, parfois, des gouvernements.

Les tentatives de l’industrie de la biotechnologie d’imposer des politiques se pliant aux désirs des investisseurs aux dépens de la sûreté humaine et environnementale sont sans doute plus aisément réalisables au niveau régional, à travers les Communautés économiques régionales très en faveur de la libéralisation du commerce. C’est à ce niveau que l’industrie biotechnologique consacre actuellement beaucoup de ressources et d’efforts. Cependant, quels que soient les environnements juridiques mis en application pour permettre l’introduction du coton Gm à l’échelle régionale ou nationale, il n’en demeure pas moins que les cultivateurs de coton africains opèrent dans un secteur global difficile – les cours mondiaux du coton ne cessent de fluctuer et les prix du coton sont faussés par des subventions inéquitables dans l’hémisphère nord, l’appui institutionnel pour leurs activités faut souvent défaut, et les coûts d’entrée élevés annihilent déjà les marges de profit. Le combat pour l’introduction de technologies plus coûteuses qui se sont déjà avérées technologiquement défectueuses dans un environnement dominé par les petits exploitants est profondément irresponsable et manquent de vision à long terme.

Il est temps que les gouvernements africains consacrent leurs ressources à l’amélioration des environnements locaux dans lesquels les producteurs de coton opèrent, et notamment l’appui institutionnel et infrastructurel susceptibles de contribuer à la durabilité à long terme du secteur, sans accabler davantage ou aggraver la vulnérabilité des personnes les plus marginalisées au monde. La société civile continuera de s’opposer avec véhémence et à défier les fausses solutions promises par Monsanto et son coton Gm et ne cessera de se battre pour un environnement commercial juste, et un relèvement réel et durable pour les producteurs de coton africains.

Haidee Swanby est membre du African Center for Biodiversity

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