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HOMOPHOBIE : Cacher la faillite de pouvoirs corrompus

D 8 janvier 2013     H 05:58     A Paul Martial     C 0 messages


On assiste depuis quelques années à une résurgence des
idées et parfois des actes de haine contre les homosexuels
en Afrique.

Plusieurs arguments sont avancés pour dénigrer à certains le droit
de vivre librement et parfois même le droit de vivre tout court.
L’homosexualité ne ferait pas partie de la culture africaine, elle
aurait été importée ou imposée, c’est selon, par l’Occident. Bref, la
lutte contre les gays et lesbiennes se pare du voile de
l’anticolonialisme, voire même de l’anti-impérialisme.

Cette position ne résiste pas longtemps à la vérité. Les pratiques
homosexuelles ont existé bien avant l’arrivée des premiers
Européens sur les côtes africaines. Dans une étude particulièrement
intéressante[1], Charles Gueboguo souligne que dans les langues
africaines, la désignation d’actes homosexuels existe que ce soit en
kirundi, kiswahili, haoussa, herero, xhosa, bafia au Cameroun, ou
wawihé en Angola. Sauf à tenter de démontrer, car dans l’hystérie
homophobe tout est possible surtout le ridicule, que les colons ont
aussi importé ces expressions !

Certains vont expliquer que l’on trouve l’homosexualité uniquement
dans les classes dirigeantes en Afrique, ce qui permet d’utiliser un
verbiage populiste contre la décadence de l’élite. Encore un type
d’argument qui ne correspond pas à la réalité. L’homosexualité est
présente partout et dans toutes les classes sociales. Certes elle est
peut-être plus visible dans certaines couches parce que mieux
acceptée ou en tout cas moins réprimée. Toujours est-il, que les
personnes qui doivent fuir leur pays en raison de persécutions liées
à leur sexualité, sont issues de tous les milieux et les plus
nombreuses viennent des classes populaires car elles n’ont pas
d’autre choix.

Enfin, d’autres avanceront que c’est contraire à la religion, qu’elle
soit chrétienne ou musulmane. Ils ont raison ! Nous
conseillerons toutefois la prudence à ceux qui veulent suivre
aveuglément la religion et surtout les prêcheurs qui s’autorisent
à parler au nom de Dieu en jetant l’opprobre sur d’autres
humains (pourtant aussi créatures de Dieu). C’est ainsi qu’en
Europe, des bûchers ont été dressés pour brûler pêle-mêle des
dizaines de milliers de supposés sorciers, de protestants, de
templiers ou de juifs. D’autres amputent, lapident, fouettent
allégrement toujours au nom de Dieu. Prudence donc, pour ces
religions qui ont encouragé les traites négrières qu’elles soient
vers l’Europe ou vers les pays arabes.

Certes si la hiérarchie chrétienne ne se pose plus la question de
savoir si les Noirs ont une âme, reste que ces derniers, comme
d’ailleurs les femmes, vivent avec un ostracisme lié aux textes
religieux. Pour le sexe féminin, il s’agit de la transgression
d’Ève et pour les Noirs de la malédiction de Cham, ce qui
discrimine la bagatelle des trois quarts de l’humanité. Ainsi
ceux qui s’érigent en force morale, en pratiquant l’invective ont
tout de même quelques millions de cadavres derrière eux, aussi
ne peuvent-ils prétendre dire à quiconque comment il ou elle
doit vivre.

L’intelligence pousserait à se demander pourquoi nous avons
une telle offensive anti-gay en Afrique. A se demander quel
intérêt ont donc les dirigeants à répandre la discrimination et
l’exclusion dans leur pays. Le même intérêt qu’ils ont à
promouvoir la haine entre les différentes ethnies qui composent
la nation. Le vieil adage reste hélas toujours d’actualité :

Diviser pour régner. Ainsi en Ouganda, pays de corruption, de
fraude électorale, de répression contre l’opposition, où la misère ne
cesse de grandir, les dirigeants ont trouvé une manière d’asseoir
leur pouvoir en prenant la tête d’une lutte contre la décadence, non
celle qui a plongé le pays dans la régression sociale dont ils sont les
premiers coupables, mais en vilipendant l’homosexualité. Ainsi
pendant que le consensus se construit contre la minorité sexuelle,
les vrais problèmes sont oubliés.

Le Nigeria, qui n’est pas non plus, loin s’en faut, un exemple de
bonne gouvernance semble vouloir imiter son voisin ougandais
dans l’inflation homophobe. Il est révélateur que Wade au Sénégal,
voyant qu’il perdait les élections ait tenté une offensive
homophobe.

Que ceux qui croient défendre les valeurs africaines en refusant le
droit des homosexuels à vivre en paix en Afrique réfléchissent au
fait qu’ils mènent le même combat que leur gouvernement qui
bradent les richesses de leur pays à l’Occident, qu’ils réfléchissent
au fait que les lois qui condamnent l’homosexualité sont pour la
plupart issues de lois léguées par le colonisateur. Qu’ils pensent
enfin, au fait que ce combat est dirigé et financé à coup de millions
de dollars par toute une série de sectes protestantes venant des
États-Unis qui envahissent le continent. Ces sectes dont les
membres représentent traditionnellement ce qu’il y a de plus
réactionnaire aux États-Unis, ont fourni historiquement le gros des
troupes de l’officine raciste du Ku Klux Klan qui a terrorisé pendant
des décennies les descendants d’esclaves dans le Sud, se sont
opposées au combat de Martin Luther King pour les droits civiques
des Noirs et réclamaient la tête de Malcolm X.

Le discours de ces sectes est simple : c’est le même que celui
des colonisateurs : une Afrique pure préservée de tous les
maux de l’Occident identique d’ailleurs à celui de l’ancien
président français Sarkozy, expliquant que les Africains
n’étaient pas entrés dans l’histoire.

La lutte contre l’homophobie est un devoir pour les
organisations progressistes africaines, comme l’est la lutte
contre le racisme et la défense des travailleurs immigrés dans
les pays du Nord. Certes ce n’est pas facile et le courage
politique est nécessaire tant pour contrer la montée de la haine
de l’extrême droite en Europe que l’homophobie en Afrique.
Céder un tant soit peu sur un droit, même s’il concerne peu de
monde, c’est le début d’une compromission sans fin. La
défense des droits des minorités, quelles qu’elles soient, contre
les persécutions est notre premier et impérieux devoir.

La haine de l’autre, parce qu’il est justement autre, est
inadmissible, c’est le fondement même du racisme. Ce n’est
pas un hasard si le premier pays africain qui a octroyé aux
homosexuels les mêmes droits qu’aux autres, bien avant
beaucoup de pays européens, soit l’Afrique du Sud qui a
combattu, avec un courage sans pareil, pendant des décennies
l’apartheid, système de discrimination par excellence.

Note :

[1] L’homosexualité en Afrique : sens et variations d’hier à nos jours

Paul Martial