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Les coûts cachés de la hausse des prix alimentaires dans les pays en développement

D 2 juillet 2013     H 05:02     A IRIN     C 0 messages


NAIROBI - Selon un nouveau rapport, lorsque les prix des denrées alimentaires augmentent, les populations défavorisées des pays en développement ne se contentent pas de modifier ou de réduire leur régime alimentaire. Elles ont également tendance à se livrer davantage à des activités plus risquées, mais mieux payées, comme l’extraction minière ou la prostitution.

Sous pression, un rapport conjoint de l’Institute for Development Studies (IDS) et d’Oxfam, révèle également que le poids que font peser les hausses de prix sur les familles s’accompagne d’une augmentation des violences domestiques et de l’alcoolisme et la toxicomanie [ http://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/rr-squeezed-food-price-volatility-year-one-230513-summ-fr_1.pdf ].

« Le fait que les salaires n’augmentent pas au même rythme que les prix des denrées alimentaires ajoute une pression supplémentaire sur les relations familiales. Pour de nombreux hommes, l’incapacité de subvenir aux besoins de sa famille est une réelle source de stress et peut conduire à des conflits et des violences au sein des foyers. L’incapacité des parents à investir dans l’avenir de leurs enfants constitue également une importante source de stress », a dit à IRIN Richard King, conseiller en recherches sur les politiques générales pour Oxfam et coauteur du rapport.

Le rapport signale que, malgré un certain optimisme concernant la hausse des salaires, les revenus n’ont pas augmenté autant que les prix des produits alimentaires et l’inflation.

« Les gens travaillent plus et plus longtemps, mais leurs salaires ne suivent pas l’inflation, de sorte qu’ils doivent s’adapter là où ils le peuvent et comme ils le peuvent », est-il écrit dans le rapport.

Changements sociaux

Les femmes sont particulièrement touchées par la montée vertigineuse des prix. Beaucoup d’entre elles doivent à la fois s’occuper des travaux domestiques et travailler pour nourrir leur famille. En Zambie, par exemple, des infirmières et des enseignantes doivent travailler de nuit comme vendeuses de rue pour compléter leurs revenus. Au Kenya, relate le rapport, de jeunes femmes sont obligées de se prostituer pour joindre les deux bouts.

Selon Naomi Hossain, Chercheuse universitaire à l’IDS et coauteure du rapport, le besoin de gagner de l’argent pour acheter à manger remplace rapidement l’importance accordée aux rapports sociaux.

« Alors que les familles peinent à gagner suffisamment pour se nourrir, nous voyons l’argent acquérir une importance supérieure par rapport aux rapports humains, à tel point que les conséquences sociales sont inquiétantes. Les décideurs doivent réagir »,a-t-elle dit.

« Des prix instables et relativement élevés poussent à chercher en priorité à gagner de l’argent pour se nourrir [...]Les décideurs en matière de politique alimentaire à l’échelle mondiale doivent revoir leurs estimations concernant l’ajustement aux prix des denrées alimentaires et décider s’ils veulent d’une société où l’argent est au-dessus de tout », a récemment écrit Mme Hossain dans un blog [ http://participationpower.wordpress.com/2013/05/23/squeezed-how-are-poor-people-adjusting-to-life-in-a-time-of-food-price-volatility/ ].

« Les gens deviennent plus individualistes et les sources de soutien réciproque sur lesquelles ils peuvent se reposer sont mises à rude épreuve », a dit M. King, d’Oxfam. « Le fait de demander de l’aide à ses voisins est de plus en plus source de honte et de malaise, car les gens savent que l’on attendra la même chose d’eux en retour. »

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les familles pauvres ont davantage tendance à marier leurs filles pour avoir « une bouche de moins à nourrir ». Une étude de l’université Tufts a découvert que, dans le Bangladesh rural, les femmes des foyers sujets à l’insécurité alimentaire signalaient des « sévices psychologiques et environ la moitié d’entre elles faisaient part de violences physiques de la part de leur mari » [ http://www.fasebj.org/cgi/content/meeting_abstract/24/1_MeetingAbstracts/104.1 ].

L’Institut de développement d’outre-mer (Overseas Development Institute, ODI) a remarqué que les premiers mécanismes d’adaptation à la hausse des prix des denrées alimentaires - à savoir limiter les dépenses en produits alimentaires onéreux, emprunter pour couvrir les frais de subsistance de base et trouver des moyens de travailler et gagner plus - étaient rapidement suivis de signes de détresse tels que « la vente d’actifs, à commencer par les biens de consommation, les terres, les outils et le bétail, vendus seulement après avoir épuisé toutes les autres solutions. » [ http://www.odi.org.uk/sites/odi.org.uk/files/odi-assets/publications-opinion-files/8339.pdf ]

Mme Hossain, d’IDS, accuse les décideurs de ne pas prendre conscience des changements sociaux causés par la hausse des prix des denrées alimentaires. Selon elle, ils ne s’intéressent qu’aux « changements qu’ils peuvent mesurer ».

Incidences sur l’agriculture

L’agriculture en tant qu’activité économique a également souffert. Si, dans l’idéal, une hausse des prix des denrées alimentaires devait inciter davantage de personnes à se lancer dans l’agriculture pour produire plus de nourriture, c’est l’inverse qui s’est produit, révèle le rapport d’IDS-Oxfam.

« Constatant la hausse des prix, les travailleurs ne se précipitent pas vers l’agriculture. En effet, l’agriculture est désormais perçue comme étant devenue largement moins certaine au cours des quelques dernières années en raison des incertitudes liées aux coûts des intrants agricoles et aux effets du changement climatique. Certains se tournent vers des activités plus lucratives, mais plus dangereuses, comme l’extraction de l’or au Burkina Faso, par exemple. L’éducation est considérée comme une manière d’échapper à la ferme et les aspirants agriculteurs se font rares »,
a dit M. King d’Oxfam.

L’étude recommande, entre autres, d’élargir la protection sociale pour les plus vulnérables, notamment par le biais de transferts d’argent ou de subventions. Il faut également améliorer la gestion des réserves alimentaires et la réglementation du commerce international des céréales. Des mesures doivent par ailleurs être prises pour faire de l’agriculture une activité plus sûre en investissant par exemple dans la formation, la technologie et le développement durable.

source : http://www.irinnews.org/