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Les intérêts français bien défendus à l’AFD

D 9 octobre 2010     H 04:43     A Bertold de Ryon     C 0 messages


Ce fut une nomination extrêmement politique : c’est le
président Nicolas Sarkozy lui-même qui a choisi le nouveau
directeur général de l’Agence française de développement (AFD),
Dov Zerah, nommé en conseil des ministres
le 2 juin 2010. La candidature de Dov Zerah
a été vigoureusement défendue par l’avocat
Robert Bourgi, intermédiaire – officieux mais
bien connu – entre le président Sarkozy et
plusieurs autocrates africains, actuellement
l’une des têtes de pont des réseaux de la
« Françafrique ».
De 1999 à 2002, Dov Zerah était à la tête de l’ancienne CFDT
(Compagnie française pour le développement des fibres textiles),
privatisée sous sa responsabilité en 2001 pour devenir « Dagris »
(Développement des agro-industries du Sud) puis, en 2008,
« Géocoton ». Aujourd’hui, cette société privée est contrôlé à 51
% par le groupe Advens du patron franco-sénégalo-libanais
Abbas Jaber, spécialisé dans l’import-export, et à 49 % par la
société française CMA-CGM, compagnie de fret maritime. Le
développement de l’agro-business en Afrique, historiquement
basé sur des monocultures tournées vers l’exportation, reste
toujours cher au coeur de Dov Zerah. A peine arrivé à la tête de
l’AFD, il nomme Didier Mercier, jusqu’ici directeur général de
Dagris/Géocoton, secrétaire général.
Ses premiers voyages en Afrique en tant que directeur
général de l’AFD, confirment les nouvelles orientations de
l’Agence dont est porteur Dov Zerah. Le 14 juin, il s’est ainsi
rendu au Sénégal pour convenir du financement d’une autoroute
et d’un canal. L’autoroute est financée par l’AFD à hauteur de 30
millions d’euros, mais non pas au titre de l’aide, mais par un
crédit (remboursable). L’ouvrage est d’ailleurs réalisé par un
groupe privé français, Eiffage, ce dernier étant ainsi subventionné
par les moyens de l’AFD. Le groupe Eiffage exploitera cette
autoroute à péage pendant une durée de 30 ans, en vertu d’un
contrat de concession conclu avec le pouvoir sénégalais.
L’AFD avait en 2009 en budget annuel de 6,2 milliards d’euros
et employait 1412 agents. Ces dernières années, elle avait une
double fonction : donner des financements à des pays pauvres ou
« émergents » en vue de réduire la pauvreté – les aides pour
atteindre les « Objectifs du millénaire » censés réduire la
pauvreté « de moitié » entre 2000 et 2015 – d’un côté ; défendre
l’influence française dans ses zones d’activité, de l’autre côté.
Sous Dov Zerah, qui affirme notamment qu’il faut « sortir de la
compassion », c’est clairement le deuxième aspect qui l’emporte
sur le premier dernier.
Ainsi le journal Le Monde résume-t-il les objectifs poursuivis
par Nicolas Sarkozy, à travers sa nomination : « Il aurait reçu
mission de mettre ses milliards au service des intérêts français et
moins à des programmes sanitaires et éducatifs. ». Un chercheur
de l’AFD cité par le quotidien explique ainsi que son nouveau
patron « ne parle guère des biens publics mondiaux ou du
réchauffement climatique ». Et Dov Zerah lui-même déclare qu’en
période d’austérité budgétaire et de moyens réduits, il faut les
recentrer « l’Afrique francophone (…), l’ancienne Indochine et les
pays où nos troupes sont en action ». Bref, c’est « l’aide » au
service de l’impérialisme français.

Bertold de Ryon