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Les politiciens français et leur obsession sur la « natalité en Afrique »

DISCOURS NÉOCOLONIALISTE DE MACRON LORS DU G20

D 12 juillet 2017     H 04:09     A Maly Drazkami     C 0 messages


Lors du sommet du G20, qui se tenait ce week-end à Hambourg, Macron s’est étendu sur la situation économique en Afrique, traitant à sa manière problèmes et solutions. Bilan : paternalisme, condescendance et déni de la politique impérialiste de la France et des puissances occidentales. L’occasion pour Macron de dévoiler sa politique néocolonialiste.

Durant la conférence de presse du week-end, la question est posée à Macron de savoir si des investissements sont prévus pour aider l’Afrique. Sans s’attarder sur la condescendance dont Macron a fait preuve, des éléments de sa réponse ont soulevé nombre d’indignations. Sans donner de montant exact et en éliminant plus ou moins une aide financière, le nouveau président s’en est néanmoins donné à cœur joie pour exposer les différents problèmes du continent, selon lui.

Notamment par cet « argument » choc, classique de la caste politicienne française : « Quand des pays ont encore aujourd’hui 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez décider d’investir des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien ».

Notons déjà que Macron a factuellement tort. Le taux de fertilité sur le continent africain est en effet un des plus élevés avec en moyenne 4,7 enfants par femme, de 2010 à 2015. Mais il s’agit d’une moyenne réalisée donc sur un ensemble de 54 pays. Si au Niger il était en 2015 de 6,76 enfants par femme, il est seulement de 1,99 en Tunisie, soit moins que la moyenne mondiale (qui lui est à 2,42).

Par ce genre de raccourcis, Macron nie toute la diversité du continent et renforce le fantasme d’une « Afrique unique », pauvre et arriérée, loin de la complexité et des différences sociologiques qui composent le continent africain.

Au-delà donc de la fausseté factuelle du discours de Macron, et du mépris qui découle des généralités prononcées, c’est l’hypocrisie même du raisonnement qui est choquant. Un des « problèmes » africains, se situerait au niveau du taux de natalité. Dans la bouche de Macron, c’est parce qu’il y a un trop fort taux de natalité que l’Afrique est en situation de détresse économique et sociale. Alors même que le fort taux de natalité n’est pas la cause mais bien l’indice, la conséquence d’un manque de développement économique, d’accès à des moyens de contreception pour une vraie la planification familiale. Détresse économique qui explique aussi les tragiques chiffres de mortalité infantile, que Macron ne mentionne pas, atteignant jusqu’à 94 enfants sur mille mourant avant leurs cinq ans, au Sierra Leone ou au Tchad.

Et c’est ce même genre de « raisonnement », faisant porter la responsabilité du fort taux de reproduction aux femmes, qui avait conduit à l’avortement et à la stérilisation forcée de centaines de femmes à la Réunion dans les années 70. Derrière cette accusation caricaturale, il y a donc encore et toujours une tentative de contrôle du corps des femmes, doublée d’une culpabilisation reposant sur la banalisation des préjugés quant à leur nature de femme.

Mais c’est aussi et surtout un moyen d’occulter les véritables causes du « retard » de développement économique du continent africain : les décennies de colonialisme occidental (et notamment français) qui s’est vu remplacé par un système d’indépendance formelle mais dans le cadre de la dépendance et l’assujettissement à l’impérialisme, auquel Macron n’a cessé dans le reste de son discours de donner son aval.

Un défi « civilisationnel »

« Quels sont les problèmes en Afrique : les États faillis, les transitions démocratiques complexes, la transition démographique qui est [...] l’un des défis essentiels de l’Afrique ; c’est les routes de trafics multiples […] : trafic de drogue, trafic d’armes, trafic humain, trafic de biens culturels et c’est le fondamentalisme violent, le terrorisme islamiste », nous apprend Macron. Afrique, continent de l’horreur dictatoriale, des multiples violences, de la barbarie, de la reproduction sans fin, en somme, de l’immoralité la plus totale. Oui, des pays africains font face à des guerres civiles, à des dictateurs, à de multiples trafics. Mais non, ce n’est pas un problème « civilisationnel », comme le disait plus tôt Macron dans son discours.

Le recours à des arguments abstraits comme ceux de la « civilisation » est un moyen d’ancrer une réalité socio-économique dans un idéalisme moral sans fondement qui à la fois masque la racine des problèmes de violences et de dictatures ; et ne fait que renforcer le mythe de la barbarie sur lequel ce sont par ailleurs forgées toutes les idéologies racistes et ont légitimé des siècles d’exploitation du continent africain.

Les problèmes de l’Afrique, ce sont des décennies de colonialisme, d’impérialisme et d’interventionnisme occidental. Dictatures soutenues par l’état français, découpage arbitraire d’un continent ayant ses propres spécificités culturelles, spoliation des richesses de pays soumis aux grands groupes (comme Areva), production d’armes servant directement aux gouvernements dictatoriaux... Toutes ces conditions matérielles entraînant donc une misère sociale qui est le terreau le plus fertile pour que se développe la violence.

Solution... ou extension de l’exploitation impérialiste

Ce qu’ont conclu les pays du G20 et la Banque Mondiale : « partout où le secteur privé peut s’impliquer, il doit s’impliquer » car « L’Afrique est une terre d’opportunité ». Donc plus de privatisation, recette magique pour... continuer l’accaparement des richesses. De l’autre côté, la légitimation des opérations militaires en Afrique (opération Barkhane et G5 du Sahel). Privatisation et interventionnisme militaire, les causes mêmes des « problèmes » africains deviennent ses remèdes.

Face à la détresse véritable dans laquelle a été plongée une partie du continent africain par les guerres impérialistes et la spoliation des richesses, il est urgent de faire cesser l’hypocrisie mortifère de Macron et de tout ce qu’il représente : les puissances économiques et les classes dominantes, présentes sur l’ensemble du globe... qui se jouent des populations qu’elles entraînent dans la misère et dans le sang.

Maly Drazkami

Source : http://www.revolutionpermanente.fr