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MAI 1802 : Napoléon rétablit l’esclavage

D 18 juin 2009     H 22:02     A Mariam Seri Sidibe     C 0 messages


Alors que la Convention abolit l’esclavage le 16 février
1794, en 1799, Bonaparte prend le pouvoir. L’empire
colonial français est considérablement réduit, puisque La
Martinique, Sainte-Lucie et Trinidad sont
sous domination anglaise. Il faut rétablir
l’ordre à Saint-Domingue, en Guyane et en
Guadeloupe où l’esclavage est aboli.
L’empereur ne tolère pas que des « Nègres
 » défient le pouvoir blanc et encadrent
l’armée et l’administration.

« La Liberté est un aliment pour
lequel l’estomac des Nègres
n’est pas préparé »

Le 14 novembre 1801, Decres, ministre
de la Marine et des Colonies déclare qu’il
veut des esclaves dans les colonies et qu’il
faut leur rendre leur nourriture naturelle,
autrement dit, les remettre en esclavage.
Pour cela, il faut envoyer « une force
considérable en Guadeloupe, non pour la
maintenir à ce qu’elle est mais pour la
réduire à ce qu’elle doit être ». Les
évènements qui surviendront en 1802 montrent le racisme des
autorités françaises. Les massacres de mai 1802, ont pour
objectif d’asservir de nouveau les Noirs, mais aussi de faire
admettre que le maître blanc ne pouvait être défié impunément.
Les troupes du général Richepance, rétablirent l’esclavage au
soir du 28 mai 1802, massacrant 10 000 Guadeloupéen(ne)s qui
prirent les armes pour défendre leur liberté si chèrement acquise.
Cette guerre constitue pour la Guadeloupe un traumatisme, une
rupture sociologique et physiologique encore palpable
aujourd’hui. En 1852, l’avènement de Louis-Napoléon Bonaparte
ravivera le souvenir et les craintes d’un retour à l’esclavage. Ceci
perdurera jusqu’en 1910, année de conflits sociaux graves dans
le secteur cannier.

Le processus de rétablissement de l’esclavage
et la résistance guadeloupéenne

En mars 1802, la France et l’Angleterre signent le traité
d’Amiens. La Martinique redevient française, l’esclavage y est
maintenu. Il faut donc le rétablir en Guadeloupe et à Saint-
Domingue. Pour cette dernière, cela échouera et la première
république noire du monde occidental sera proclamée sous le
nom d’Haïti, le 4 janvier 1804. C’est le 6 mai 1802 que 3 470
hommes débarquent à Karukera. Magloire Pelage, « homme de
couleur » martiniquais, gouverne l’île. Le contre-amiral Lacrosse,
qui avait aboli l’esclavage en 1794, revient cette fois avec la
sinistre mission de le rétablir. Louis Delgres, officier métis
martiniquais est son aide de camp. Lacrosse fait arrêter plusieurs
officiers noirs et mulâtres, ce qui déclenchera une
insurrection populaire menée par le capitaine
Ignace qui mettra Lacrosse aux arrêts et convaincra
Delgres de rejoindre ses frères de couleur. Il y aura
un affrontement larvé entre deux tendances :
l’armée rebelle encadrée par Ignace, Massoteau,
Gedeon et Delgres, et les « républicains »
loyalistes, dont Pelage.
Le 5 novembre 1801, Lacrosse est renvoyé en
France et l’armée de résistance guadeloupéenne –
200 hommes et femmes – organisent l’insurrection
populaire contre les troupes napoléoniennes.
Commence alors la guerre de résistance. Jusqu’au
mois de mai 1802, ce sera une lutte sans merci qui
verra la mort, le 25 mai, d’Ignace et de ses 700
soldats au fortin de Bainbridge. Les armées
napoléoniennes orchestreront une boucherie.
Delgres, colonel de l’armée de résistance,
apprenant la mort d’Ignace, se dirige vers
l’habitation d’Anglemont au Matouba. Après avoir
mené bataille et soulevé la population, il se réfugie
dans l’enceinte. Avec 300 de ses hommes, ils disposèrent des
barils de poudre. Le 28 mai 1802, constatant que la bataille est
perdue, Delgres ordonna l’évacuation des civils. Vers 15 h 30, les
hommes sont rassemblés, l’habitation saute et le cri collectif de
« vivre libre ou mourir » résonne. C’est ainsi que ces combattant
de la liberté mourront, entraînant l’avant-garde des armées de
Richepance qui rétablira l’esclavage le soir même. Il sera
officialisé par décret le 16 août 1802 avec un retour au Code Noir.
La résistance augmentera, les Neg’mawons s’organisant jusqu’à
forcer les républicains à abolir l’esclavage en 1848.
Il faut rendre hommage à nos vaillantes combattantes de la
liberté que furent Marie-Rose et Solitude, et toutes ces femmes
esclaves, violées, torturées, qui, par résistance, s’avortaient pour
ne pas donner naissance à un futur esclave. Solitude, la
mulâtresse, compagne de lutte d’Ignace et Delgres, présente le
28 mai 1802, enceinte, fut pendue sur ordre de Richepanse après
sa délivrance le 29 novembre 1802, à l’âge de 30 ans. On
« emporta » son fils. Le même sort fut réservé à Marie-Rose, sa
soeur.
Aujourd’hui, à l’heure où la résistance sociale en Guadeloupe
est plus que nécessaire, souvenons-nous de cette date
mémorable du 28 mai 1802. Les temps changent, le système lui a
simplement mué.

Mariam Seri Sidibe