Non au prétendu « Choc des cultures »
16 novembre 2012 10:55 0 messages
Début septembre 2012 fut publiée, sur Internet, la
traduction en arabe égyptien d’un extrait de film intitulé
« L’innocence des musulmans ». Il n’en existe d’ailleurs,
en réalité, probablement que cet extrait et aucun autre partie. D
L’extrait en question est marqué par une bêtise quasiment
indescriptible. Mohammed, le prophète de l’islam, est montré
dans plusieurs scènes comme un personnage à la limite de la
folie, homosexuel et obsédé sexuel. Loin de présenter une
quelconque critique rationnelle de la religion musulmane, ce
pseudo-film est un unique cri de haine.
Son réalisateur est un Américain d’origine égyptienne chrétienne
nommé Makoula Baziley Makoula. Ce personnage est proche
d’un prêtre, Zakaria Botros, qui prône le séparatisme copte – la
création d’une région purement chrétienne en Égypte - et
critique la religion rivale, l’islam, sur des fondements purement
réactionnaires : son prophète aurait été homosexuel. Le
producteur du pseudo-film était aidé, dans sa fabrication et
diffusion, par un réseau de la droite évangélique nordaméricaine,
autour d’un personnage nommé Steve Klein. Un
vétéran de la guerre du Vietnam proche des milieux d’extrême
droite.
Une fois que le film était connu, des réactions parfois
« radicales » par la forme s’enchaînèrent pendant une à deux
semaines. Des manifestations et par endroits des attaques en
règle, dirigées contre les ambassades de certains pays
occidentaux, furent organisées à Tunis, au Caire ou à Khartoum.
En apparence spontanée, ces démonstrations de colère étaient
en réalité, la plupart du temps, l’oeuvre de groupes politiques
organisés.
Le noyau dur, militant, de ces mobilisations appartient la plupart
du temps à la mouvance salafiste. Ce sous-courant de l’islam
politique, néofondamentaliste et qui se veut « gardien du
dogme » à l’heure où les principales formations islamistes –
d’En-Nahdha en Tunisie aux Frères musulmans égyptiens en
passant par le PJD marocain – pratiquent la « Realpolitik » en
participant au gouvernement, est très minoritaire. Ses militants
étaient pour l’occasion mêlés à des jeunes chômeurs frustrés
des résultats sociaux du gouvernement, à Tunis, ou encore à des
« ultras » du club de football Zamalek (ayant un grand nombre de
comptes à régler avec la police) au Caire.
A Benghazi, en Libye, où fut tué l’ambassadeur des États-Unis
dans la nuit du 11 au 12 septembre, il s’agissait d’une attaque par
une milice structurée, apparemment planifiée à l’avance. Or, dans
la nuit du 21 au 22 septembre, des manifestants issus de la
population locale ont délogé des milices salafistes des casernes
qu’ils occupaient, jusque-là avec l’accord du ministère de la
Défense. Depuis les récents événements, elles sont davantage sur
la défensive, sous la pression à la fois des nouvelles autorités qui
cherchent à se consolider et de la population qui a ras-le-bol du
règne de l’impunité des groupes et bandes armés.
Pour eux, c’était une occasion tout trouvée de se placer sur la
scène politique, pour tenter de prendre la place jusqu’ici occupée
par les grandes formations islamistes, désormais confrontées aux
contradictions inhérentes à la participation au gouvernement. Les
salafistes tentent de se placer en « avant-garde » militante. Leur
discours combine une radicalité de ton dans la dénonciation de
l’Occident (sans avoir cependant aucune notion d’impérialisme, le
problème n’était à leurs yeux que celui de « l’affrontement
culturel » et nullement socio-économique), l’absence total de
projet social – en dehors d’un discours moralisateur qui s’offusque
de la « corruption », morale tout autant que financière – et le rêve
de retour à un « âge d’or » situé dans le passé.
La situation peut arranger certains acteurs, notamment des pays
tels que l’Arabie Saoudite et le Qatar. A l’heure actuelle, des fonds
importants de provenance saoudienne et qatarie sont alloués aux
groupes salafistes dans différents pays (tout comme aux jihadistes
au nord du Mali). Il s’agit pour les monarchies du Golfe d’évacuer
tout contenu social, démocratique et émancipateur des révolutions
arabes, au profit d’une pseudo-confrontation avec les
« mécréants » (chrétiens, juifs, ou encore la minorité alaouite à
laquelle appartiennent les détenteurs du pouvoir en Syrie). Ce qui
arrangerait aussi les défenseurs de l’Occident contre la prétendue
« menace musulmane »…
Pour nous, il est hors de question de laisser se mettre en place ce
« jeu » dangereux. Il faut barrer la route à tous ceux qui veulent
s’y livrer, en condamnant les provocations haineuses tout autant
que leur instrumentalisation politique à des fins réactionnaires.
Bertold du Ryon
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