Crise au Mali : le positionnement de la gauche radicale
30 avril 2024 12:30 0 messages
La section France du parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (SADI) a invité les organisations de la gauche française à une réunion d’information et d’échange avec son dirigeant Omar Mariko sur la situation au Mali. Une réunion jugée nécessaire par les dirigeants de SADI pour éviter que la gauche française ne soit dupée par le narratif anti impérialiste utilisé par la junte, qui n’est qu’un simple vernis à la justification de son maintien au pouvoir. D’où la nécessité de revenir sur les évènements historiques récents qu’a connu le pays.
SADI considère que les insurrections djihadistes au Mali sont avant tout liées à des problèmes sociaux. L’essentiel des combattants djihadistes sont issus du prolétariat rural. Leur motivation dans cette guerre est d’abord déterminée par leur situation sociale et la dégradation de la sécurité liée en grande partie aux agissements répressifs de l’Etat. La question religieuse accompagne le conflit en servant de justification et d’encouragement.
La crise s’est accentuée avec l’accaparement des terres notamment au centre du pays par la bourgeoise malienne qui a ainsi déstabilisé un système de régulation basé sur la synergie entre éleveurs et agriculteurs. Cette prise de possession de la terre a entrainé une augmentation de la pauvreté des paysans tandis que les éleveurs ont dû payer de plus en plus cher pour que leurs bêtes puissent accéder aux pâturages.
Aussi la question de l’ouverture d’un dialogue entre combattants djihadistes et représentants de l’Etat était la solution permettant d’arrêter la guerre et d’adopter les mesures confortant la paix. D’autant que lors des réunions exploratoires qui ont eu lieu en 2014 et auxquelles Omar Mariko a participé, les exigences d’ordre religieux n’ont jamais été avancées. Les dialogues n’ont pu se tenir à cause de l’opposition absolue de la France. Elle a imposé aux autorités maliennes de cesser toutes discussions pour la paix avec les djihadistes. Alors que dans le même temps les services français engageaient des négociations avec les islamistes en vue de faire libérer les otages détenus par les groupes d’Al Qaeda.
Le dirigeant de SADI a insisté sur la façon dont la junte a accédé au pouvoir. Elle a utilisé les grandes mobilisations populaires contre la corruption du président de l’époque Ibrahim Boubacar Keïta, pour usurper le pouvoir en utilisant une partie de la classe politique, partie prenante de la coalition d’opposition du Mouvement du 5 Juin - Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Cette junte donc ne peut être en aucun cas considérée comme l’émanation des luttes populaires. Si elle utilise une logorrhée souverainiste c’est pour tenter d’assoir sa légitimité. Les cinq colonels putschistes mènent une politique qui vise à créer des divisions à l’intérieur du pays en désignant les communautés tamasheqs comme des ennemies de la nation pour détourner les populations des échecs militaires. C’est ainsi que la prise de Kidal contrôlée par les organisations touarègues est présentée comme une victoire pour la souveraineté nationale, alors que c’est avant tout un fait d’armes des mercenaires de Wagner plutôt qu’une opération des forces armées maliennes. Le résultat est que des dizaines de milliers de civils ont fui Kidal par peur des représailles pour se réfugier près de la frontière algérienne.
La junte s’engage à la fois dans une fuite en avant sécuritaire responsable de nombreuses exactions contre les civils, et dans une dictature en suspendant les organisations de la société civile et les partis politiques. Les putschistes se sont engagés dans des poursuites judicaires visant à interdire le parti SADI et son réseau de stations radio Kayira. Omar Mariko a dû prendre l’exil au vue des menaces sérieuses qui pesaient sur son intégrité physique.
Pour le parti SADI, la lutte contre la junte s’inscrit dans une double mobilisation contre l’impérialisme et contre la bourgeoisie compradore locale. Un agenda en convergence avec le positionnement du NPA qui dès le début de la crise au Mali, s’est prononcé contre l’intervention française Serval et son extension avec l’opération Barkhane, et manifeste son entière solidarité avec tous les activistes et journalistes victimes de la répression des colonels.
Paul Martial
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