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Homophobie : Un demandeur d’asile témoigne de son enfer au Cameroun

D 25 août 2010     H 22:24     A Audrey Banegas     C 0 messages


Stéphane M est un jeune camerounais de 24 ans. En mars 2010, il s’est fait arrêté dans un hôtel de Douala avec deux amis, pour homosexualité. Un délit au Cameroun, puni par des peines allant jusqu’à 5 ans de prison ferme. Stéphane devait être jugé lundi dernier, mais il a choisi de saisir une opportunité qui lui était présentée pour venir en France – quelques jours à peine avant son procès – et demander l’asile.

Stéphane a accepté de nous livrer son témoignage, de nous raconter son histoire, son arrestation, son procès, sa vie de jeune homo au Cameroun, entre agressions et menaces de mort, et son arrivée ici sur le sol français, sa demande d’asile, ce nouveau sursis.

Racontez-nous votre histoire.

J’ai été arrêté, interpellé, dans mon pays, dans le hall d’un hôtel, avec deux amis, un Australien et un Camerounais, par des policiers en civil. C’était le 26 mars, un vendredi, aux environs de 12 heures. Nous avons été conduits à la police des frontières où on a essayé de nous contraindre à avouer que nous avions eu des rapports avec l’Australien. Ils nous disaient que si on avouait, ils nous libéreraient et n’inculperaient que l’Australien. Nous n’avons pas cédé. Nous savions qu’ils nous inculperaient aussi.

Ils nous ont aussi demandé de payer 5 millions de Francs CFA, soit environs 8000 euros, pour ne pas envoyer l’affaire devant la justice. Comme nous avons refusé de payer et de dire que nous avions eu des rapport avec l’Australien, vers 18h30, ils nous ont conduits à la police judiciaire où nous avons été gardés trois jours, sans procès verbal, sans être entendus.

Sans rencontrer d’avocat ?

Sans rencontrer d’avocat, rien. Avant d’arriver à la police judiciaire, j’avais déjà demandé à la police des frontières à voir mon avocat. Ils ont refusé. Ils m’ont dit que je ne pourrais le voir que si j’acceptais de leur dire ce qu’ils voulaient.

J’ai aussi demandé à avoir mes médicaments – j’avais été opéré deux semaines avant mon arrestation – et ils ont refusé. Ils m’ont répété que je ne les aurais que si, et seulement si, je cédais à leur proposition, du coup j’ai passé toute une journée sans prendre de médicaments, sans faire mes pansements. J’ai bien sûr demandé également à appeler ma famille et ils ont refusé. Ils ont éteint mon téléphone, me l’ont pris, je ne pouvais contacter personne. Heureusement, une fois à la police judiciaire, l’un des officiers de garde m’a permis d’appeler ma petite sœur, qui a alerté mes amis et m’a apporté mes médicaments.

Comment se sont passés les trois jours d’enfermement dans cette cellule ?

Cela n’a vraiment pas été facile. Même pour prendre mes médicaments, il a fallu que je paie les officiers qui sont venus le lendemain. Et les conditions dans la cellule étaient très difficiles. On nous a insultés, agressés verbalement, tout le temps. Ils nous traitaient de pédés, de chèvres, de malades mentaux, de noms de la pire espèce. Les officiers surtout. Les autres détenus, aussi. Mais eux ont aussi essayé de nous mettre en garde sur ce qu’il se passe en prison. Ils nous disaient qu’étant homosexuels, nous n’échapperions pas au viol, et aux coups, que quand tu es homo en prison, tu es la proie de tout le monde, tu es à la merci de tout le monde. C’était des conseils, la plupart étaient d’anciens détenus, des récidivistes.

Le samedi, un ami, dont je préfère taire le nom, a amené un avocat qui a essayé de négocier pour qu’on me libère, juste le temps que j’aille me faire panser, ce que l’on m’a refusé. Et c’est seulement le dimanche, dans l’après-midi, que nous avons enfin été entendus par les officiers de garde. Ils ont à leur tour essayé de nous convaincre de dire que l’on avait eu des rapports sexuels avec l’Australien, ce que nous avons évidement nié.

Il faut comprendre que l’on n’avait pas le choix. Si on disait que l’on avait eu des rapports avec l’Australien ou que l’on était homosexuels, c’était la prison, on encourait jusqu’à 5 ans de prison, avec une lourde amende. Le seul moyen de l’éviter c’était de nier tous les faits. De nier non seulement d’avoir coucher avec l’Australien mais aussi le fait d’être homosexuel. On n’avait pas d’autre choix que de nier.

Ils vous ont alors libérés ?

Non. Il ne nous ont toujours pas libérés. Ils nous ont ramenés à la cellule jusqu’au lundi. Et le lundi nous avons été transférés au tribunal de première instance, où nous avons été gardés dans la cellule du tribunal.

C’est là qu’un de mes amis, le même qui avait amené un avocat la veille, a contacté une autre avocate, maitre Alice Nkom [célèbre avocate camerounaise et présidente de l’Association de défense des droits des homosexuels, Adefho, ndlr]. Elle est venu me voir en cellule et je lui ai tout expliqué : ce qu’il s’était passé, comment on avait été arrêté dans le hall de l’hôtel, ce que l’on a eu comme menaces en cellule, les insultes de la part des officiers et des détenus, je lui ai fait part des 5 millions que l’on nous demandait pour que l’affaire n’aille pas en justice, et ma petite sœur lui a aussi fourni les documents de mon opération. C’est avec cela qu’elle a construit son dossier qu’elle a déposé chez le procureur. Il nous a fait libérer le jour même vers 17h30.

Il faut dire que nous avons aussi obtenu notre libération parce que nous n’avions pas été pris en flagrant délit. Si ça avait été le cas, nous aurions été gardés en prison et condamnés tout de suite. L’article 347 bis du code pénal camerounais [qui pénalise l’homosexualité, ndlr] prévoit normalement que l’on ne soit condamné que si l’on est pris en flagrant délit. Malheureusement, ce n’est pas ce qui est appliqué sur le terrain, par la police. Dans la réalité, il suffit d’être dénoncé, même sans preuve, pour être arrêté et jeté en prison. C’est l’une des raisons pour lesquelles la situation est si difficile pour les homos au Cameroun. On ne respecte vraiment pas cet article 347 bis. La majorité des homos qui ont été condamnés au pays n’ont jamais été pris en flagrant délit, ils ont quasiment toujours été arrêtés après une dénonciation, ou après avoir avoué sous la contrainte ou la torture.

Dans notre cas, nous avons donc été libérés en attendant que notre affaire passe en justice. Juste avant cette libération nous avons été entendus par une femme, qui devait être une juge ou une procureure, et nous avons pris rendez-vous pour le 5 avril pour le procès. Pour le premier procès.

Que s’est-il passé lors de ce premier procès ?

L’avocate n’était pas disponible, elle a donc demandé un renvoi au 7 juin. Il ne s’est donc rien passé.

Le 7 juin, le deuxième procès a bien débuté, mais quand le procureur a demandé à ce que l’Australien réponde, il n’était pas présent, il était déjà rentré en Australie depuis longtemps, avant même le premier procès. Le procureur a exigé qu’il revienne au Cameroun pour comparaitre et a alors demandé un renvoi au 2 août, lundi dernier, pour un troisième procès.

Mais c’est après le deuxième procès que les choses sont devenues encore plus difficiles pour moi. Ma famille est très homophobe. J’avais déjà été rejeté de ma famille en 2008, avec ma petite sœur, parce qu’elle m’avait soutenu. Nous avons été rejetés tous les deux. Du coup, après ce procès certain membres de ma famille ont appris ce qu’il venait de se passer, ils m’ont ouvertement dit qu’il n’étaient pas d’accord avec ma libération, que j’étais la honte de la famille, qu’il fallait absolument que je reste en prison pour que la famille ne soit pas salie.

Votre histoire avait été médiatisée ?

Oui, le quotidien Le Jour en a parlé, ils ont publié un article à mon sujet, mentionnant mon nom complet, ma date et mon lieu de naissance. Ça m’a beaucoup porté préjudice. Bien plus que mon incarcération.

Très peu de gens savaient jusque là que j’avais été incarcéré. Et ce n’est qu’après le deuxième procès, le 16 juin très exactement, que le quotidien Le Jour, le quotidien le plus lu actuellement au Cameroun, a publié cet article sur moi, qui a ensuite été repris par d’autres sites internet. Mes camarades d’université ont pris connaissance de l’article, il est passé de main en main, et très rapidement toute la faculté a su ce qu’il m’était arrivé et que j’étais homosexuel.

J’étais étudiant en troisième année d’histoire, mais je n’ai pas pu terminer l’année. J’étais devenu la risée de mes camarades. J’étais agressé verbalement, on m’insultait tout le temps. Un rejet total. Quand je m’asseyais sur un banc tout le monde s’éloignait de moi de peur d’être contaminé, de peur d’être indexé comme étant un homosexuel aussi. Toute cette pression et le mauvais regard des enseignants qui étaient au courant eux aussi m’ont contraint à abandonner les cours. Je ne parvenais plus à supporter tout ça. Et comme je n’habitais pas loin de l’université, j’étais aussi pointé du doigt à tout moment quand je circulais dans les rues alentours dans la journée. On me disait « c’est le pédé, c’est lui qui a été enfermé avec le blanc ».

Du côté de ma famille, j’ai été sérieusement menacé – menacé de mort – par mes frères, verbalement, pas physiquement, parce qu’ils ne sont pas arrivés jusque là. Ils m’ont menacé de mort en disant que je salissais le nom de la famille, qu’on retrouvait le nom de la famille dans la presse, que l’homosexualité c’était une honte pour la famille, que je suis la mauvaise graine dont il faut se débarrasser. C’est devenu très difficile, je ne pouvais plus les voir, je ne pouvais plus rendre visite à mes neveux, je n’avais que ma petite sœur comme famille. J’étais totalement rejeté, je n’avais plus le droit d’aller me recueillir sur la tombe de mes parents, ils sont tous les deux décédés. Mes frères me l’avaient interdit. Je ne pouvais plus aller ni chez les oncles ni chez les grands-parents dormir. Je ne pouvais plus du tout aller dans mon village, tout le monde savait que j’étais gay. Les quelques fois où j’y suis quand même allé, il fallait que j’y arrive à minuit et que je reparte très tôt le matin, vers 5 heures.

Vous savez ce qu’il s’est passé lundi, lors du troisième procès ?

Je sais juste que le procès a de nouveau été reporté parce que je n’était plus là-bas, et que l’Australien n’était évidement pas là-bas non plus. Le procès a été reporté pour septembre.

L’autre Camerounais, je n’ai pas encore eu de ses nouvelles. Je n’ai pas encore pu le joindre par téléphone, mais je pense qu’il n’était pas au procès lui non plus. Je ne sais pas s’il est parti du Cameroun mais je sais que lui aussi voulait fuir. Il ne voulait pas faire de prison et l’article qu’on a publié sur nous lui a aussi beaucoup porté préjudice. Sa famille n’était pas du tout au courant de son homosexualité et lorsqu’ils l’ont découvert, lui aussi a été totalement rejeté. D’après les dernières nouvelles, ça ne s’est pas très bien passé pour lui non plus là-bas.

Le prochain procès a donc été reporté à septembre. Vous savez comment ça va se passer ? Vous pouvez être condamné même si vous n’êtes pas là ?

Tout dépend du procureur et des juges. Ils peuvent me condamner, malgré mon absence. Tout dépend de leur humeur et peut-être aussi de leurs convictions religieuses.

Est-ce que vous risquez quelque chose, du fait de ne pas vous être présenté lundi au procès, d’avoir fui pendant cette affaire ?

Je pense, oui. Mais je ne sais vraiment pas. Peut-être que je serai recherché par la police parce que, pardonnez-moi l’expression mais on vit un peu une « chasse aux sorcière », nous les homosexuels, au Cameroun.

Je pense que la situation pour les gays dans mon pays est pire depuis quelques années. Avant on n’en parlait pratiquement pas. Mais, depuis la publication en 2006 de la fameuse liste des 50 [en janvier 2006 plusieurs journaux camerounais ont publié une liste de 50 personnes influentes – ministres, directeurs d’entreprise… – supposées homosexuelles, ainsi que leur photo, ndlr], les homos sont de plus en plus pourchassés. C’est devenue une véritable « chasse aux sorcières » depuis ça.

Avant votre arrestation, avant le mois de mars, comment viviez-vous votre homosexualité au Cameroun ?

Ce n’était pas tout rose. Comme le disais j’ai été rejeté par ma famille en 2008 parce que j’étais homosexuel. Je n’ai pas de copine. Je suis gay à 100% et mes frères ont dû se rendre compte de cela. Ils m’avaient soupçonné à plusieurs reprises et ils ont fini par avoir des preuves sûres. J’ignore comment ils les ont eues mais ils ont su et face à leur pression, je ne pouvais plus nier. C’est devenu très très difficile. J’étais déjà à la fac à l’époque, j’étais en location dans une chambre près de l’université et j’ai tout perdu. Mes frères ont arrêté de me payer les cours, de me payer la fac, ils ont arrêté de me payer mon loyer. Ils ont arrêté de me donner de l’argent pour me nourrir, pour me soigner, pour me payer des habits… Il a fallu que je me débrouille par moi-même pour subvenir à tous mes besoins.

D’une façon générale la vie d’un homo au Cameroun est très difficile. On ne peut pas dire que l’on est homo. On ne peut pas s’afficher ouvertement. Avant, il y avait des lieux pour se rencontrer mais actuellement il n’y en a plus. Il y avait par exemple des boites, qui officiellement n’étaient pas gays mais officieusement l’étaient. Mais face à l’homophobie de la population, ce n’était plus possible, ceux qui y entraient se faisaient agresser par les riverains, par des voyous, ce qui a contraint les différent propriétaires à fermer leurs établissements. C’est, du coup, devenu très difficile de se rencontrer. Il n’y a que le net, et ce n’est pas évident non plus, parce qu’il y a aussi des hétéros qui vont sur le net, se connecter comme gays, pour agresser des homos, pour tabasser les gars. J’ai moi-même été victime de cela en 2007, mais je l’ai caché à la famille. J’ai été agressé de cette façon-là, sur le net : on avait pris rendez-vous, on s’est vu et j’ai été copieusement battu. Ils ont aussi récupéré mon téléphone, ma ceinture, mes chaussures, et je suis rentré pieds nus.

Vous étiez également militant LGBT au Cameroun, c’est bien ça ?

Oui, j’étais volontaire dans l’association Alternatives Cameroun depuis 2007. C’est une association dans laquelle nous faisons surtout de la prévention sida. Nous travaillons dans la prévention et la prise en charge des homosexuels séropos et nous les sensibilisons sur les risques. Parce qu’au Cameroun, la prévention est très hétérocentrée. Nous donnons des préservatif et nous les invitons à venir à Alternatives, au centre, pour assister aux causeries sur la santé sexuelle, sur les IST, pour les informer et les approvisionner en préservatifs et gel lubrifiant.

C’est risqué comme démarche. J’ai connu plusieurs agressions dans le cadre de la prévention, en tant que militant, avec d’autres amis, dans des endroits pas très sécurisés, pour sensibiliser des gays qui s’y trouvaient. On a été agressés à plusieurs reprises par des voyous qui été armés de couteaux et de machettes, qui nous ont aussi dépouillés de nos biens, téléphones, argent et parfois même de préservatifs aussi.

Cette association est autorisée au Cameroun, elle est officielle ?

En fait, Alternatives Cameroun est autorisée pour la défense des droits des minorités. Il n’a pas été spécifié qu’il s’agissait de minorités sexuelles. Je ne pense pas qu’elle aurait été autorisée si on avait mentionné « pour les minorités sexuelles » ou le terme « homosexuels ». Je ne suis pas sûr de ça, mais je ne pense pas. Il y existe l’association Adefho, par contre, qui est ouvertement une association pour la défense des droits des homosexuels et dont Maitre Alice Nkom est présidente. J’ai d’ailleurs personnellement bénéficié du soutien de cette association.

Vous êtes donc arrivé en France il y a quelques jours, juste avant le troisième procès. Comment avez-vous pu partir ? Et qu’espérez-vous aujourd’hui ?

Ça n’a pas été facile pour moi de quitter le pays. J’ai pu le faire parce que je suis activiste, militant, membre de l’association Alternatives Cameroun. J’ai profité d’avoir été invité à la conférence internationale de Vienne 2010 sur le sida, je devais y participer. J’ai reçu une bourse partielle qui prenait en charge mon billet d’avion. J’ai eu un visa pour Vienne mais j’ai pris une escale par Paris, et je ne suis pas allé à Vienne. Je demande désormais l’asile, ici en France. Parce que je ne peux plus retourner au pays. C’était devenu totalement invivable pour moi.

J’ai donc commencé une procédure pour demande d’asile qui est très longue et je serais très reconnaissant que l’on me l’accorde. J’ai dû arrêté mes études au pays, mais j’aimerais vraiment les reprendre ici. Cet asile me permettrait surtout d’être libre, de pouvoir vivre ma sexualité telle qu’elle est, de m’assumer, de continuer à militer pour les droits LGBT. Et surtout d’avoir la paix dans l’âme. Ça c’est très important, avoir la paix dans l’âme. Parce qu’au pays, je ne vivais pratiquement plus, j’étais tout le temps aux abois.

Vous avez rencontré des personnes qui vous aident dans cette démarche ?

Vous savez combien de temps cela va prendre ? J’ai d’abord rencontré des associations LGBT en arrivant à Paris, pour leur expliquer mon cas et bénéficier de leur soutien, notamment l’Ardhis [Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l’immigration et au séjour, ndlr], qui m’a bien conseillé sur la procédure. Ils m’ont tout de suite expliqué la réalité des choses, le temps que ça pourra prendre. Il n’y a pas une durée déterminée, ça peut prendre trois mois, six mois, un an, voire deux ans…

J’ai ensuite obtenu une domiciliation auprès de France Terre d’Asile. J’ai fait la queue pendant trois jours pour l’obtenir. C’était la première étape, avant de commencer les dossiers, pour avoir une adresse où recevoir le courrier.

Puis il y a eu la préfecture. Ça a été la démarche la plus difficile jusqu’ici. Il faut s’aligner toute la nuit devant l’entrée pour être reçu le matin. Depuis mardi de la semaine dernière [le 27 juillet, ndlr], j’allais dormir là-bas tous les soirs et je n’étais toujours pas reçu. Je n’ai été reçu que ce matin [mardi 3 aout, jour de l’interview, ndlr]. Il y a tellement de monde qu’il faut y dormir pour être reçu. Les portes ouvrent à 9h et ils ne prennent qu’une trentaine de personnes. Et même pour dormir, il ne faut pas arriver à minuit, c’est trop tard, autant rentrer chez toi parce que tu sais d’avance que tu ne seras pas reçu. Il faut arriver en début d’après-midi la veille pour passer l’après-midi, puis la nuit, jusqu’au lendemain matin. Mardi j’y suis allé en journée vers 16h, ignorant qu’il fallait venir encore plus tôt. J’y suis retourné tous les jours, et hier j’y suis allé à 14h et j’ai enfin pu être reçu ce matin. Ça, c’était juste pour récupérer le dossier pour déposer la domiciliation, les photos et donner les empreintes. Je dois maintenant le remplir et retourner à la préfecture le 12 août pour le déposer, cette fois-ci ce sera sur rendez-vous. J’ai aussi d’ici là, un autre rendez-vous à la Sécurité sociale.

Est-ce que votre situation particulière pourra être prise en compte pour cette demande d’asile ?

Je ne saurais me prononcer. Je ne connais pas bien la législation française. Et puis je n’ai pas encore rencontré l’Ofpra [Office français de protection des réfugiés et apatrides, ndlr]. Ce n’est que plus tard, après mes rendez-vous et mon dépôt de dossier à la préfecture que j’obtiendrais un rendez-vous à l’Ofpra et c’est à eux que je devrais expliquer ce qu’il m’est arrivé. Ce sont eux qui jugeront s’il faut m’accorder l’asile ou non.

Ce dont j’aimerais parler, pour conclure cette interview, c’est de la peur. La peur de retourner au pays. La peur de savoir que l’on pourrait ne pas m’accorder l’asile et que je serais d’office soit poussé vers une prison, soit poussé vers la tombe. Parce que je suis entre le marteau et l’enclume, s’il faut le dire ainsi. D’un côté, il y a la justice qui est contre moi, de l’autre côté, il y a la famille et les menaces de mort. Je ne peux plus reculer. Je n’ai plus que la France pour m’héberger et me donner une raison de vivre. Parce que je l’avais presque perdue, avec tout ce que je vis et que j’ai vécu au Cameroun. J’ai presque tout perdu. Mais je pense que je pourrais reprendre goût à la vie, reprendre mes études, redevenir activiste comme je l’étais, si la France m’accorde cet asile.

Publié par Audrey Banegas

Source : yagg.com