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RCA : la démocratie risque de devoir attendre

D 1er mars 2015     H 05:23     A IRIN     C 0 messages


BANGUI - L’insécurité et le manque de ressources pourraient faire échouer les élections en République centrafricaine (RCA), pourtant indispensables à un retour à la normale après près de deux ans d’un conflit acharné.

Déjà reportées une première fois, les élections parlementaires et présidentielles - désormais programmées en juillet et août - suscitent le débat sur ce qui devrait primer : la sécurité nationale ou le processus démocratique.

« Le système des Nations Unies dans son ensemble et ses partenaires s’emploient à appuyer ce processus », a dit Abdoulaye Mar Dieye, le directeur Afrique du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d’une visite de cinq jours en RCA la semaine dernière.

Il a ajouté que la tenue d’élections était une « condition indispensable » au succès des projets détaillés élaborés par les leaders de la région en 2013 en vue de rétablir la démocratie en RCA. Cette feuille de route a été rédigée après qu’une coalition de groupes rebelles connue sous le nom de Seleka a évincé le président de l’époque, François Bozizé.

Bien que cette coalition ait été dissoute il y a plus d’un an (on parle désormais d’« ex-Seleka »), plusieurs milliers de ses combattants sont encore armés et continuent de régner dans six préfectures du pays. Ils ont empêché l’Autorité nationale des élections (ANE) d’ouvrir des bureaux dans ces régions et, à une occasion, ont même brièvement kidnappé des fonctionnaires qui tentaient de sensibiliser le public au processus électoral. Au total, l’ANE a ouvert 83 bureaux sur les 141 prévus à l’échelle du pays.

Dans une lettre au Conseil de sécurité en date du 5 février, dans laquelle il sollicite l’autorisation de renforcer les effectifs de la Mission des Nations Unies en RCA avec 1 030 soldats et agents de police, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a fait remarquer que « le contexte sécuritaire [en RCA] demeure volatile et les affrontements entre anti-Balaka et ex-Seleka se poursuivent, tandis que les activités criminelles visant notamment à prendre le contrôle des ressources naturelles du pays sont en hausse ».

Les renforts seront « particulièrement importants s’agissant des ressources supplémentaires devant être opérationnelles à temps pour renforcer la sécurité avant, pendant et après la période électorale », a dit M. Ban.

En RCA, l’opinion est divisée quant à la question de savoir si les élections doivent être organisées bientôt ou être différées en attendant une amélioration du contexte sécuritaire.

Le candidat à la présidentielle Charles Armel Doubane, ancien ministre et ancien ambassadeur de la RCA auprès des Nations Unies, a dit à IRIN qu’il était important que les élections aient lieu bientôt.

« Je suis de ceux qui pensent que quelle que soit la volonté des Centrafricains, nous ne pouvons pas organiser les élections dans 3 ou 5 ans, c’est-à-dire [seulement] quand on aura la paix à 100% », a-t-il dit.

« Les conditions en vertu desquelles la République centrafricaine fonctionne aujourd’hui ne lui permettent pas d’exercer sa pleine souveraineté en matière décisionnaire », a-t-il ajouté, en expliquant que cela était dû au fait que les bailleurs de fonds étrangers finançaient les élections. « Nous devons quoi qu’il arrive aller aux élections pour mettre fin à cette [période de] transition ».

Mais Christophe Gaza-Mbeti, ancien porte-parole de la Séléka et ministre du gouvernement, voit des priorités plus urgentes. « Il faut désarmer. De la même façon que l’on nous impose une date d’élection, nous devons imposer une date de désarmement à ceux qui nous imposent cette date d’élection. C’est la population centrafricaine qui exige le désarmement », a-t-il dit sur le site Internet de Diaspora-Magazine.

« Comment pourrons-nous faire campagne s’il y a encore des gens armés ? », s’est interrogé le candidat à la présidence Joseph Bendouga.

D’autres se sont également interrogés sur l’urgence de tenir des élections. Un fonctionnaire retraité de la capitale, Bangui, a insisté : « L’important pour nous c’est qu’il y ait d’abord la sécurité et la paix pour que les gens puissent aller voter tranquillement ».
Dans le même esprit, un agriculteur de la ville de Bossangoa, à l’ouest du pays, a dit à IRIN : « Nous voterons le moment venu, mais qu’en sera-t-il des populations vivant encore sous le contrôle des groupes armés ? »

Déficit budgétaire

Le principal obstacle auquel se heurte l’ANE est le financement, et en l’état actuel des choses l’agence n’est pas en mesure de garantir que les délais fixés pour les élections seront respectés.

« À moins que les moyens techniques et financiers nécessaires soient mis à notre disposition très rapidement, nous courrons le risque que ces élections soient retardées », a dit le président de l’ANE, Dieudonné Kombo Yaya, lors d’une conférence de presse récente à Bangui.

Du retard a déjà été pris dans l’inscription des électeurs. Le lancement du processus, prévu en janvier, n’a pas eu lieu et on ignore encore quand ce sera le cas. M. Kombo Yaya a attribué ce retard aux problèmes d’insécurité, ainsi qu’à l’absence de représentants du gouvernement et des documents administratifs requis dans une bonne partie du pays.

L’ANE est loin d’avoir les 22 milliards de francs CFA (38 millions de dollars US) nécessaires à la tenue des élections. Selon des documents obtenus auprès de l’agence, 20 millions d’euros (22,6 millions de dollars US) ont été promis par l’Union européenne en janvier, mais cet argent n’a pas encore été versé. La Banque africaine de développement a décaissé 1 milliard de francs CFA (1,7 million de dollars US) et le Programme des Nations Unies pour le développement a accordé 100 millions de francs CFA à l’ANE ainsi qu’une marge de crédit de 2 millions de dollars. La France a quant à elle versé 100 000 euros (113 000 dollars US) pour les élections de novembre. L’agence se retrouve donc avec un déficit d’environ 20 milliards de francs CFA.

À l’issue de sa visite, M. Mar Dieye du PNUD a dit qu’il ne faisait « aucun doute que les élections seraient financées ».

« Naturellement, il faut aller très vite, il faut sécuriser un minimum de ressources pour que le recensement électoral démarre. Démarrer le processus électoral, c’est rassurer les populations sur le fait que l’on va y arriver », a-t-il ajouté.

Seize personnalités politiques se sont déjà prononcées sur leur intention de se présenter aux élections présidentielles, et la liste est susceptible de s’allonger dans les mois à venir.