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Au Congo, les vrais problèmes humanitaires sautent aux yeux

D 11 septembre 2013     H 05:04     A Antoine Moens de Hase     C 0 messages


Antoine Moens de Hase est un spécialiste en communication. Il vient tout juste de terminer un projet de formation de trois mois au Congo. Il y travaillait avec un partenaire de Médecine pour le Tiers Monde, Étoile du Sud, et habitait à Masina, une agglomération de Kinshasa. Nous avons recueilli ses impressions sur la vie au Congo.

Antoine : J’étais l’invité d’Étoile du Sud. Ma mission était la formation des jeunes du groupe « Dynamique des Jeunes » d’EDS pour la création d’un site web. C’était avec les jeunes que j’avais donc le plus de contacts. J’ai formé 19 jeunes aux techniques de communication et à la photographie. J’ai été très bien accueilli par EDS. Je ne devais pas m’occuper des courses ni de la cuisine. Leurs locaux étaient équipés de panneaux solaires. On avait tout le temps de l’électricité, ce qui est un luxe indéniable dans un pays où beaucoup de familles restent des jours durant sans courant. J’avais donc plus de facilités que le Congolais moyen.

La transition vers un pays si pauvre n’a pas été trop brutale ?

Antoine : La pauvreté, on la connaît via les images à la télévision. Ce qui m’a surtout frappé, c’est le manque de perspectives. Les gens se tuent au travail. À 4h, ils sont déjà en route. Des hommes, des femmes, des enfants triment du matin au soir. Mais pour quel résultat : un salaire qui les fait à peine survivre. La seule perspective est de recommencer ce dur labeur chaque matin. Ca a été un grand choc trois mois plus tard, quand je suis rentré en Belgique, où l’on a tout, où les magasins sont pleins à craquer, où les enfants peuvent aller à l’école et avoir des livres….

Devons-nous nous sentir coupables ?

Antoine : Non, cela montre surtout que notre système n’est pas en état de subvenir aux besoins vitaux de millions de personnes. Celui qui ne connaît que la Belgique pensera que le capitalisme n’est pas si mauvais que ça. Mais, au Congo, on constate la misère que peut provoquer ce système. Kinshasa est un dépotoir où s’accumulent nos surplus, même la nourriture y est importée. Le Congo est un pays d’agriculture, on pourrait y cultiver du café pour la moitié de la population. Mais le café que je buvais le matin était importé. Le pays a besoin d’usines, d’ateliers, de machines agricoles, de chemins pour pouvoir construire leur société. Au lieu de ça, on constate une intrusion directe de l’Occident qui tente de profiter des richesses du pays.

Il n’y a donc aucune perspective pour le Congo ?

Antoine : Si, mais il faut les chercher, les découvrir petit à petit. Étoile du Sud travaille sur l’émancipation du peuple et mène sa mission patiemment. C’est une petite organisation mais elle parvient à organiser des milliers de personnes. C’est donc possible. Ce sont surtout les jeunes qui veulent du changement. Ils étudient beaucoup, et ce dans des circonstances difficiles. Aliocha, un de mes amis, étudie les sciences de communication mais, durant ses quatre années à l’université, il n’a jamais pu travailler sur un ordinateur. Certains jeunes parcourent des kilomètres pour venir lire à la bibliothèque d’EDS. Ils ont soif d’apprendre et veulent parler pendant des heures de la politique, de la situation mondiale, du futur de leur pays. D’ailleurs, Michel Collon et Tony Busselen sont des écrivains populaires là-bas car, dans leurs articles, ils prennent le parti des peuples du Sud.

Et sur le plan politique ?

Antoine : Les gens s’organisent mais nous ne pouvons pas – de ce que je sais – vraiment parler de mouvement populaire comme c’est le cas en Amérique latine. Les gens disent haut et fort leurs critiques envers le gouvernement en fonction et le Président. Il y a une grande désorganisation politique. Beaucoup de jeunes pensent que la situation était meilleure sous le régime de Mobutu alors que le pays allait à sa perte. Personnellement, je trouve que le gouvernement fait du bon boulot mais cela va lentement. On voit que Kinshasa est en train de changer : des routes sont créées, des appartements sont érigés et des usines voient le jour. Mais, pour le moment, cela n’a que peu d’effets sur la vie de la population. Cependant, l’avenir est là : dans la reconstruction du pays, dans sa modernisation. Le temps presse, le peuple souhaite une réelle amélioration des conditions de vie. Les jeunes veulent aller de l’avant mais, ils pensent surtout à l’immigration. C’est ainsi que le Canada vient recruter des médecins tout juste diplômés pour travailler dans leur pays. C’est ça aussi l’impérialisme : au lieu de soutenir les jeunes docteurs dans leur travail au Congo, on vient les chercher pour les faire travailler moins cher dans les pays occidentaux. Le gouvernement se penche actuellement sur des mesures pour garder les jeunes au pays mais cela demande du temps.

Ne vous demandait-on pas de l’argent ?

Antoine : Croyez-le ou non, c’était le monde à l’envers. À Masina, une commune de quelques 400 000 habitants, j’étais presque le seul blanc. Mais j’y étais bien vu. Les gens apprécient que vous ne débouliez pas avec votre 4x4 et que vous partagiez simplement leur quotidien. Un jour, j’ai été harcelé par un agent de police qui voulait me soutirer de l’argent. Les témoins de la scène ont accouru pour me défendre. « C’est un homme de notre quartier ». Certains lui ont même donné 500 FC (0,50 €) pour qu’il arrête !

Par contre, dans le centre riche de Kinshasa, je me sentais moins en sécurité : les mendiants et les vendeurs ambulants passent leur temps à vous embêter. L’ambiance y est toute autre. Il y aussi de nombreux petits voleurs.

Y retournerez-vous ?

Antoine : J’irai y vivre avec plaisir. Pour le moment, je suis surtout curieux de voir si ma contribution a donné des résultats permanents. À l‘heure actuelle, les jeunes travaillent activement sur Facebook, un excellent moyen de faire connaître Étoile du Sud. De cette manière, ils touchent, petit à petit, des milliers de personnes.

Comment avez-vous abordé votre stage ?

Antoine : J’ai divisé mon séjour en trois phases d’environ un mois chacune. J’ai d’abord principalement fait des enquêtes : que connaissent les jeunes, quelles sont leurs attentes. Mais aussi : comment ces jeunes se débrouillent-ils avec Internet. J’allais souvent dans des cybercafés et je me suis rendu compte que Facebook était le moyen de communication le plus important pour les jeunes, plus importants que les sites d’informations.

J’ai également dû m’adapter aux possibilités techniques. Les jeunes n’avaient pas d’appareils photo. Par contre, ils avaient des GSM. Nous avons donc appris à faire des photos avec des téléphones portables.

La deuxième phase était celle de la formation. Les candidats ont été sélectionnés par Étoile du Sud. Pour la plupart, il s’agissait de jeunes déjà actifs au sein de l’organisation. Au total, 19 étudiants ont suivi deux cursus.

La troisième phase a été le suivi : les aider à réaliser leurs articles et leurs reportages. Je pense que ce découpage des trois mois a été juste bien pour terminer la formation.

Êtes-vous content du résultat ?

Antoine : Oui, il y a maintenant une équipe de jeunes qui maîtrisent un certain nombres de techniques. Ils ont une page Facebook grâce à laquelle ils continuent de promouvoir l’organisation. Je pense qu’EDS va devenir nationalement connue.

Ce qui m’a frappé, c’est que peu d’organisations congolaises possèdent un site vivant. La plupart du temps, elles sont peu actives sur Internet ou elles sont très statiques, avec peu de participations et de rapports. Je pense qu’EDS peut aussi être un exemple dans ce domaine.

Lisez ici le blog d’Antoine sur www.intal.be