Vous êtes ici : Accueil » Afrique centrale » Gabon » JEAN PING PREND UNE LONGUEUR D’AVANCE POUR 2016.

JEAN PING PREND UNE LONGUEUR D’AVANCE POUR 2016.

D 15 mai 2014     H 05:18     A Mengue M’Eyaà     C 0 messages


A l’occasion de la sortie de son livre, « Eclipse sur l’Afrique : fallait-il tuer Kadafi ? », Jean Ping a présenté son ouvrage dans le cadre de la semaine africaine à l’invitation des étudiant-e-s de sc po qui ont l’habitude d’inviter des personnalités diverses. D’ailleurs, les débats étaient également animés par les étudiantes de l’association ASPA et APEAF.

Jean Ping est ancien ministre des affaires étrangères du Gabon sous Omar Bongo, et ancien président de la commission de l’Union africaine de 2008 à 2012, fonctions dans lesquelles il a précédé Alpha Omar Konaré. Il a présidé l’Assemblée générale des Nations Unies de 2004 à 2005. Il est le petit frère de Pierre-Louis Agondjo-Okawe, aujourd’hui décédé, président du Parti gabonais du progrès (PGP), parti alors affilié à l’internationale socialiste, et député-maire de Port Gentil, qui fut un opposant historique et déterminé, tout comme son frère, Joseph Redjambe, secrétaire général du PGP et assassiné en 1990 au moment du soulèvement des populations au Gabon, ce qui leur donnera une ampleur particulière à Port Gentil, deuxième grande ville du Gabon.

C’est dire que la parole de Jean Ping est sérieuse, appliquée, experte et responsable. Il est venu à Sc po présenter son ouvrage paru aux éditions Michalon, intitulé « Eclipse sur l’Afrique : fallait-il tuer Kadafi ? » concernant des conflits qu’il a eu à gérer pour la partie africaine : les crises libyenne et ivoirienne.

S’il était évidemment attendu sur son témoignage international, il l’était aussi sur sa position par rapport au Gabon. Ces derniers temps, Jean Ping est sorti de l’allégeance au parti unique en démissionnant du parti démocratique gabonais (PDG) au pouvoir depuis 50 ans. A son tour, Il a commencé à suivre la mutation de nombreux des anciens dignitaires du régime d’Omar Bongo : la dénonciation de l’expérience du pouvoir de M. Ali Bongo. Il faut se rappeler également que Jean Ping a été un des premiers à reconnaître que la « victoire » de M. Ali Bongo avait été usurpée. Il avait déjà proposé sa médiation à l’époque au nom de l’union africaine , ce qui lui fut refusé compte tenu de la haute expérience de fraudes , de l’arrogance des partisans de M. Bongo et du soutien de M. Sarkozy.

Son ouvrage se veut une œuvre de pédagogie. En tout premier lieu, il explore de manière concrète ce qu’est la domination occidentale sur la diplomatie africaine, particulièrement ce double discours sur l’indépendance tenu depuis De Gaulle et la réalité d’une dépendance quasi servile manifestée par l’illégitimité des dirigeants africains des Etats partenaires de la France au pouvoir, à l’exception peut-être de quelques Etats peu influents sur le continent, et donc dans les rapports franco-africains. Cette infériorisation humiliante des organisations internationales africaines, dont celle que Jean Ping présidait, l’Union africaine, l’a conduite à être spectatrice du processus punitif engagé par Nicolas Sarkozy, alors Président de la République française, à l’endroit de la Côte d’Ivoire et de la Libye.

Ces deux situations sont très différentes et ne répondent pas aux mêmes logiques d’interventions. Pour autant, revenant sur la Libye, alors que le régime était à terre, le pouvoir français a continué les frappes militaires dans des proportions peu imaginables et refusant toute forme de négociation. Le résultat est connu. Kadhafi, en fuite, a été abattu dans des conditions inexpliquées sans procès et sans la possibilité d’être traduit auprès d’un tribunal international. C’était la première fois dans l’histoire des Nations Unies qu’un pays violait la Charte par une « résolution artistique » pour bombarder la Libyen en sur-réagissant par rapport à l’étai de faiblesse réelle de Kadafi, prêt à négocier. Cette guerre éclair aura des conséquences désastreuses sur toute une région qui seront à l’origine de la déstabilisation du Mali.

Certes, il était un odieux dictateur, à l’origine de l’attentat de Lockerbie, il n’en avait pas moins été reçu en France par le même Nicolas Sarkozy, dans des conditions humiliantes pour la France. Pour quelles contreparties ?

Les zones d’ombre du pouvoir français ne seront sans doute jamais dévoilées. De son point de vue d’observateur, Jean Ping semble relever encore une fois cette forme d’impuissance. La diplomatie africaine est « plombée » par l’absence de voix africaines fortes en Afrique francophone. C’est là le vrai drame. Elle est condamnée à recevoir les ordres des anciennes métropoles et d’accepter sans broncher l’inacceptable. Ce fut le cas au cours de l’exemple libyen.

La situation de la Côte d’Ivoire n’en a pas moins été scandaleuse. Un président élu démocratiquement, Laurent Gbagbo, est systématiquement délégitimé par la France et par la droite au pouvoir qui tente et réussit à installer un de ses proches, Alassane Ouattara, sans tenter la moindre médiation, alors que cette même droite française tergiverse et fait semblant de penser que M. Bongo ait été élu démocratiquement au Gabon. Bien sûr, il y avait un litige concernant la dernière élection présidentielle en Côte d’Ivoire . Etait-ce une raison suffisante pour bombarder la présidence d’un pays souverain de manière continue alors même que l’armée ivoirienne n’avait absolument aucune possibilité de réagir face à l’armée de la cinquième puissance militaire mondiale ?

Là encore, M. Ping note l’absence de l’Union africaine, inaudible et écartée par la France, qui s’employa, nuits et jours, à faire voter des résolutions aux Nations unies pour asseoir son opération militaire acharnée d’écrasement du pouvoir de Laurent Gbagbo et à installer un homme lige, Alassane Ouattara, ancien premier ministre, peu charismatique, d’Houphouët Boigny, et issu des réseaux de la Françafrique. L’ancien président est aujourd’hui enfermé dans un tribunal pour crime contre l’humanité à la Haye pendant que les autres criminels, au moins aussi responsables que lui occupent le pouvoir d’Etat en Côte d’Ivoire et se protègent par des immunités diplomatiques. Ils sont même reçus au plus haut niveau par la République française par les élites qui ont succédé aux acteurs gouvernementaux français de M. Sarkozy.
Sur le plan interne, depuis l’élection présidentielle au Gabon en août 2009, M. Ping donne des signes évidents de désaccord croissant avec le régime et le parti unique sous lesquels il a bâti sa carrière ministérielle. La mort d’Omar Bongo et le putsch électoral d’Ali Bongo ont déclenché cette prise de distance, qui s’est transformée, depuis lors, en une opposition claire et franche.

M. Ping a expliqué la raison de son indéfectible loyauté à Oma Bongo qui aurait sans doute perduré si celui-ci n’était pas mort. Les évènements qui se sont déroulés depuis, l’étranglement démocratique depuis 2009, la brutalité et la violence politique latente et réelle au Gabon ont parachevé sa nouvelle orientation politique. Plus que tout autre, il a fait l’expérience, d’un homme, Ali Bongo, ne connaissant pas le Gabon, se défiant des anciennes élites proches de son père, et usant de méthodes peu courantes dans le contexte gabonais. M. Bongo fait peu cas des fidélités construites par Omar Bongo, des équilibres ethniques, et finalement du parti unique qu’il méprise oubliant qu’il est la clé de la confiscation du pouvoir.

En définitive, le pouvoir personnel d’Ali Bongo est devenu un repoussoir et un danger y compris pour ceux dont on s’attendait le moins qu’ils s’en écartent. Telle est la situation de Jean Ping adoptant aujourd’hui un vocabulaire d’opposition franche et déterminée sur la nature du régime et l’urgence à s’en débarrasser.

Evidemment, le Mouvement Civique du Gabon considère avec avantage ce nouveau ralliement aux thèses et aux actions en faveur du changement au Gabon. Mais, jean Ping, en tant que nouvel arrivant sur ce combat, doit proposer un discours qui s’appuie sur une autre vision du Gabon : pas seulement parier de sa personne, mais aussi proposer un projet global avec des propositions concrètes et innovantes.

A une question clairement posée sur les futures élections présidentielles, Jean Ping a clairement fait comprendre que si les responsables de l’opposition gabonaise le lui demandaient, il accepterait d’être candidat à l’élection présidentielle, parce que la situation est devenue insupportable et humiliante au Gabon.

Quoi qu’il en soit, le Gabon ne pourra se priver de la contribution politique de Jean Ping à la condition que son courage ne soit pas un effet de saison. Mais, personne à ce jour ne pourrait lui intenter ce procès.
Pour notre part, le conseil exécutif du Mouvement Civique du Gabon considère avec la plus grande bienveillance le ton et l’action politiques de M. Ping pour changer le Gabon.

Nous souhaitons rappeler cependant que l’Union africaine n’est pas la réplique de l’Union européenne, que sa représentation n’est pas plus démocratique que celle des Etats qui la composent.

Par ailleurs, l’Union européenne s’est d’abord forgée sur l’idée d’une développement économique commun avant de devenir un projet politique fondé sur des idéaux d’Etat avec des fonctionnements démocratiques, ce qui n’est pas le cas de la plupart des Etats africains.

L’union européenne aborde par ailleurs des volets de la vie quotidienne de ses ressortissants en tentant de les améliorer, intentions inexistantes pour les populations africaines.

Le Mouvement Civique du Gabon estime que Jean Ping est courageux d’avoir rendu compte dans son livre des mécanismes d’imposition sur les cas de la Côte d’Ivoire et de la Libye, que l’on n’avait jamais vus auparavant..

Mengue M’EYAA

Présidente du conseil exécutif
Mouvement Civique du Gabon