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Le Rwanda doit enquêter sur les cas de détention illégale et de torture aux mains du service de renseignement militaire

D 2 novembre 2012     H 05:11     A Amnesty International     C 0 messages


Le service de renseignement militaire rwandais appelé J2 a illégalement maintenu en détention sans inculpation ni jugement des dizaines de civils et d’autres allégations crédibles font état d’actes de tortures, indique aujourd’hui Amnesty International dans un nouveau rapport.

Ce rapport, intitulé Rwanda : dans le plus grand secret. Détention illégale et torture aux mains du service de renseignement militaire, fait état de cas de détention illégale, de disparitions forcées et d’allégations d’actes de torture perpétrés par le J2.

Il fournit des informations détaillées sur des allégations crédibles de personnes disant avoir été soumises à des passages à tabac, à des décharges électriques et à une privation sensorielle dans le but de les contraindre à faire des aveux au cours d’interrogatoires.

« Le bilan de l’armée rwandaise en matière de droits humains est examiné avec une attention croissante à l’étranger, mais les cas de détention illégale et de torture de civils qui lui sont imputés sont entourés de secret », a déclaré Sarah Jackson, directrice adjointe par intérim du programme Afrique d’Amnesty International.

Des dizaines d’hommes ont été maintenus en détention au secret à l’abri des regards pendant des mois par le J2, et certains d’entre eux affirment avoir été torturés.

Entre mars 2010 et juin 2012, Amnesty International a rassemblé des informations sur 45 cas de détention illégale et 18 allégations de torture ou d’autres mauvais traitements à Camp Kami, dans le camp militaire de Mukamira et dans des lieux de détention clandestins situés dans la capitale, Kigali.

Ces hommes ont été détenus par le J2 durant des périodes allant de 10 jours à neuf mois sans avoir eu accès à des avocats, à des médecins ou à leurs proches.

La plupart avaient été arrêtés par l’armée à partir de mars 2010 à la suite d’attaques à la grenade perpétrés à Kigali et du départ de l’ancien chef d’état-major, Kayumba Nyamwasa, et au cours de la période précédant l’élection présidentielle d’août 2010. Beaucoup d’entre eux ont ultérieurement été inculpés pour avoir menacé la sécurité nationale.

Certains ont affirmé devant les juges qu’ils avaient été torturés et contraints à faire des « aveux ». En violation des dispositions du droit international, des juges leur ont typiquement demandé de prouver qu’ils avaient été torturés, au lieu de veiller à ce que leurs allégations donnent lieu à une enquête. Le fait que des juges n’aient pas examiné de façon approfondie les déclarations des défendeurs affirmant avoir été soumis à la contrainte décrédibilise le système judiciaire rwandais.

Deux personnes – Robert Ndengeye Urayeneza et Sheikh Iddy Abbasi – n’ont toujours pas reparu depuis leur disparition forcée en mars 2010.

En mai 2012, à Genève, les autorités rwandaises ont nié devant le Comité des Nations unies contre la torture ces cas de détention illégale, malgré des preuves éclatantes du contraire.

Le Comité des Nations unies contre la torture a appelé le gouvernement rwandais à enquêter sur les informations faisant état de lieux de détention secrets, et à fournir des informations sur les disparitions forcées.

Des particuliers et même des avocats ont peur de présenter des allégations de détention illégale et de torture au Rwanda car ils craignent pour leur sécurité. Une famille a ainsi décidé d’aller exposer son cas devant la Cour de justice d’Afrique de l’Est, en Tanzanie. La Cour a estimé que la détention sans inculpation ni jugement pendant cinq mois du lieutenant-colonel Rugigana Ngabo avait violé les obligations du Rwanda aux termes du traité.

En application de ses obligations aux termes de la Convention contre la torture, le Rwanda a récemment érigé la torture en infraction pénale dans son Code pénal.

Les autorités rwandaises ont pris des mesures concrètes pour lutter contre la torture, notamment en acceptant de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et en invitant le rapporteur spécial sur la torture à se rendre au Rwanda. Toutefois, aucun représentant du gouvernement ne s’est encore engagé à enquêter sur ces cas.

« Les donateurs qui financent la formation de l’armée doivent suspendre leur aide financière aux forces de sécurité impliquées dans des violations des droits humains », a souligné Sarah Jackson.

Le procureur général adjoint a affirmé à Amnesty International : « Il n’y a pas de torture dans notre pays et nous ne pouvons pas enquêter sur une fausse allégation. »

Le nombre de nouveaux cas a diminué l’an passé mais le fait que les autorités rwandaises s’abstiennent de poursuivre en justice les responsables risque d’amener le J2 de recourir à nouveau à de telles pratiques face à des menaces réelles ou supposées en matière de sécurité.