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RWANDA : N’oublions pas !

D 4 juin 2014     H 05:02     A     C 0 messages


Magie des chiffres ronds, le vingtième anniversaire de l’extermination des Tutsi rwandais aura été commémoré cette année avec un éclat particulier. Colloques, films, débats ont en effet attiré un public motivé[1]. Mais en dépit du fait que l’audience de ces manifestations a un peu dépassé les habituels cercles militants anti-impérialistes, – on a vu en effet y participer des associations juive et arménienne, on a vu des citoyens demander publiquement des comptes à leur maire nouvellement réélu et candidat au leadership de la droite – le public serait peut-être encore resté modeste si le président Kagamé lui-même n’était venu mettre les pieds dans le plat.

Ibuka : « souviens toi ! »

Reprochant, dans un entretien accordé à Jeune Afrique, à la France et à la Belgique leur participation à l’extermination des Tutsi – à sa préparation comme à son exécution –, il aura contraint les autorités françaises à afficher leur soutien à la politique conduite alors par leurs prédécesseurs autant que leur mépris des faits. Et la question aura fait la une, plusieurs jours durant, de la presse mainstream. Il y a peu de chances toutefois que les allusions aux dérives autoritaires du régime et aux obscures arrière-pensées de son dirigeant aient beaucoup éclairé les lecteurs sur ce qui s’est passé il y a vingt ans.
On est loin cependant des centaines de milliers de manifestants qu’avait mobilisé la seconde guerre en Irak à laquelle pourtant la France ne participait pas. Et il faut bien que les organisations militantes, politiques et syndicales, aient une responsabilité dans cette apathie. Parle-t-on de l’implication française au Rwanda dans quelque réunion de gauche que ce soit (NPA, parti de gauche, Attac…) et l’on est accueilli par un silence atone, presque incrédule avant de passer très vite aux élections municipales... Or, prendre cette ignorance à bras le corps est l’affaire de tous et pas seulement de Survie.

Encore faut-il satisfaire à la rigueur historique et se garder des réponses toutes prêtes. « Le refus de l’analyse historique est une mystification », écrit, Jean-Pierre Chrétien[2]. Aux discours culturaliste, racialiste ou sociologiste doit en effet être opposée, selon l’historien des Grands Lacs, l’analyse des constructions idéologiques et de l’adhésion au crime, grâce à une « propagande cohérente et habile » du plus grand nombre. Ni lutte éternelle du bien et du mal, ni haines immémoriales, ni conséquence de la pression démographique ou des ajustements structurels là où l’État identifie et désigne l’ennemi au couteau.

[1] Il convient d’y ajouter la publication de nombre de livres dont certains traitant de la contribution française à l’événement et plus largement du racisme européen : B. Collombat, G. Servenay, Au nom de la France. Guerres secrètes au Rwanda, La Découverte ; J.-P. Chrétien, M. Kabanda, Rwanda, Racisme et Génocide. L’idéologie hamitique, Belin ; F. Graner, le Sabre et la Machette. Officiers français et Génocide tutsi, Ed. Tribord.

[2] J.-P. Chrétien, « un nazisme tropical au Rwanda ? Image ou logique d’un génocide », Vingtième Siècle, 1995, 48, pp 131-42