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À peine sorti de la crise, le Mali en proie à la faim

D 15 mars 2014     H 05:29     A IRIN     C 0 messages


BAMAKO - Alors que le Mali se remet doucement de la crise politique de 2012 et de l’insurrection islamiste dans le Nord, [ http://www.irinnews.org/webspecial/mali/indexfr.html ] le nouveau gouvernement et ses partenaires mettent l’accent sur le développement à long terme. Cependant, les groupes d’aide humanitaire préviennent qu’il est urgent de répondre aux besoins humanitaires. Il faudra notamment s’assurer que les populations extrêmement vulnérables du nord du pays reçoivent plus d’aide alimentaire.

« La crise humanitaire est toujours là. Il y a des personnes qui sont extrêmement pauvres et qui ont besoin d’assistance humanitaire », a dit Mohamed Coulibaly, directeur pays d’Oxfam au Mali. Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime [ http://www.wfp.org/countries/mali/overview ] qu’environ 1,5 million de personnes auront besoin d’aide alimentaire cette année.

Dans une déclaration de janvier [ http://www.oxfam.org/fr/pressroom/pressrelease/2014-01-31/nord-mali-bord-nouvelle-crise-alimentaire ] , 11 organisations non gouvernementales (ONG) ont tiré la sonnette d’alarme sur la pénurie alimentaire dans le nord du Mali.

Leurs préoccupations portent notamment sur : le début précoce de la saison maigre, qui commence habituellement en avril ou en mai et qui coïncide avec l’épuisement des réserves des ménages ; la dégradation des pâturages et la perte probable de bétail ; les conséquences des mauvaises récoltes de la saison 2012-2013 ; le mauvais état des routes et l’insécurité qui continuent d’entraver l’accès à l’aide.

La déclaration a également mis en garde contre une « réduction drastique » du financement de l’aide humanitaire et les dangers d’une réduction des contributions des bailleurs de fonds.

Sortir du cycle de crises

Sally Haydock, directrice du PAM au Mali, souligne que le pays connaît « sa troisième année de crise ». Les effets de la sécheresse de 2011-2012 ont été exacerbés par l’éclatement du conflit en janvier 2012 ; bon nombre de personnes ont perdu leur emploi et n’ont pas pu semer.

Selon Mme. Haydock, il est possible de sortir du cycle de crises si l’on prend les mesures appropriées. « Il faut apporter un soutien suffisant - sous forme de semences, d’intrants, d’engrais - lors de la saison agricole », a-t-elle souligné. Une bonne pluviosité est également primordiale.

Elle a reconnu que les performances agricoles et les besoins alimentaires variaient d’une région à l’autre. Cette année, la situation est particulièrement préoccupante en pays dogon [http://www.irinnews.org/report/99479/mali-s-dogon-hit-by-double-crisis ], notamment dans la région centrale de Bandiagara, où les réserves sont épuisées depuis la mi-janvier. Mme Haydock a dit que la région aura besoin de distributions alimentaires pendant plusieurs mois.

Le PAM a élaboré un programme de résilience d’une durée de trois ans visant notamment à enrayer le cycle de pénuries alimentaires. La récupération de l’eau, l’irrigation et le maraîchage sont quelques-unes des stratégies proposées par l’agence pour promouvoir les priorités agricoles post-crise au Mali.

« Je pense qu’il est important de ne pas oublier le Mali, malgré les besoins concurrents de la RCA [la République centrafricaine], du Soudan du Sud et de la Syrie. Les bailleurs de fonds se sont engagés à verser des sommes importantes lors de la conférence de Bruxelles [pour] garantir la stabilité du pays et nous devons nous assurer que cela continue », a dit à IRIN Mme Haydock.

Respecter le programme humanitaire

M. Coulibaly d’Oxfam a dit que les mesures prises par les bailleurs de fonds en réponse à l’alerte lancée par les ONG ont été décevantes, et certains craignent que les besoins humanitaires du Mali ne soient occultés par d’autres crises.

« S’il y a une augmentation de l’aide sous forme d’assistance militaire et de soutien budgétaire, alors il doit y avoir une augmentation notable de l’aide humanitaire », a affirmé M. Coulibaly. « Et il faut faire vite. Si la réponse n’intervient pas rapidement, la situation risque de s’aggraver. »

Les crises qui secouent le Soudan du Sud et la RCA ont éclipsé la situation au Mali.

Les bailleurs de fonds ont rencontré les responsables du gouvernement intérimaire du Mali en mai 2013, à l’occasion de la conférence « Ensemble pour un nouveau Mali » organisée à Bruxelles après que les forces françaises [http://www.irinnews.org/fr/report/97272/inqui%C3%A9tudes-rumeurs-et-soulagement-alors-que-les-frappes-a%C3%A9riennes-se-poursuivent-au-mali ] ont chassé les rebelles islamistes des villes du Nord. Lors de cette conférence, la France, l’Union européenne (UE) et d’autres pays ont pris l’engagement ferme de bâtir sur la paix reconquise.

Les bailleurs de fonds se sont engagés à verser quelque 3,3 milliards d’euros en mettant l’accent sur « la transparence et la responsabilité mutuelle », mais les observateurs ont noté qu’une partie de l’argent promis correspondait à des « fonds déjà prévus » par les précédentes lignes budgétaires dédiées à la coopération. L’aide, notamment celle allouée par l’UE, était conditionnée à des progrès significatifs en matière de gouvernance, de rétablissement des services publics, d’organisation des élections et de lutte contre la corruption.

Une année qui s’annonce difficile

Avec la réussite des élections, le rétablissement de la démocratie et la prise en charge par l’État - bien que lente - de la fourniture des services de base, la situation du Mali devrait être meilleure aujourd’hui qu’en 2012 ou en 2013. Mais David Gressly, coordonnateur humanitaire des Nations Unies, met en garde contre l’autosatisfaction.

« L’année s’annonce difficile », a-t-il reconnu, en prévenant qu’il n’y avait pas de garantie que les besoins humanitaires soient satisfaits. « En 2013, nous n’avons collecté que 55 pour cent [265 millions de dollars US sur 477] de ce dont nous avions besoin », a-t-il dit, en soulignant que le Mali a besoin de plus de ressources. « Il faut que l’argent continue à arriver pour la nourriture et la nutrition. »

Dans le Plan de réponse stratégique [ https://docs.unocha.org/sites/dms/CAP/SRP_2014-2016_Mali_FR.pdf ] pour le Mali 2014-2016 élaboré par les Nations Unies, 255 millions de dollars sont consacrés au financement de la sécurité alimentaire sur un budget humanitaire de 569 millions de dollars pour l’année 2014.

Alors qu’un nombre croissant de déplacés et de réfugiés rentrent chez eux, les groupes d’aide humanitaire soulignent que la réussite de la réintégration exige une planification minutieuse. Il faudra résoudre les problèmes de sécurité. Les agriculteurs qui reviennent chez eux auront besoin d’aide pour retrouver leur autonomie. Et l’accès à l’eau potable pour tous sera un élément essentiel.

M. Gressly a noté que les besoins des communautés hôtes doivent être pris en compte, en soulignant qu’« il est probable que les plus vulnérables soient ceux qui sont restés ».

L’absorption des anciens déplacés constituera un défi majeur pour le gouvernement. « La volonté est là, la vision est là, mais la capacité du gouvernement reste problématique », a dit M. Coulibaly d’Oxfam. « Ils doivent opérationnaliser les initiatives débattues en matière de décentralisation dans le Nord et satisfaire les besoins de la population. »

Vulnérabilité

Une évaluation de la sécurité alimentaire conduite en juillet 2013 par le PAM et ses partenaires a confirmé la gravité de la situation dans plusieurs régions du Nord. Les études réalisées sur le terrain ont permis de distinguer différents niveaux d’insécurité alimentaire et ont révélé que 75,2 pour cent des foyers du Nord avaient besoin de l’aide alimentaire.

Le pic de la soudure a été atteint en juillet 2013, mais les résultats ont fait l’effet d’une bombe. « Lors de leur publication, les gens ont dit, ’Ce n’est pas possible, les chiffres sont beaucoup trop élevés’, mais cela correspond à ce que nous avons observé », a dit Christian Munezero, responsable du programme humanitaire d’Oxfam.

M. Munezero a reconnu l’ingéniosité et la flexibilité traditionnelles des éleveurs et des communautés sédentaires, mais il évoque également une vulnérabilité inhérente.

« Le moindre bouleversement peut tout perturber. Lorsque les personnes sont vulnérables, le moindre choc, par exemple des précipitations moins abondantes que prévu, peut entraîner un fort déséquilibre jusqu’à la récolte suivante. Il faut des conditions minimales pour que la résilience soit possible. »

Source : http://www.irinnews.org/