Vous êtes ici : Accueil » Afrique de l’Ouest » Niger » Niger : Les violences subies par les femmes

Niger : Les violences subies par les femmes

D 25 août 2010     H 22:57     A Elodie Apard     C 0 messages


Au Niger, deux journées sont officiellement consacrées aux femmes : le 8 mars, journée internationale et le 13 mai, journée nationale de la femme. Ces deux dates sont l’occasion, pour les organisations de la société civile et les associations de défense des droits humains entre autres, de dénoncer l’ensemble des violences subies par les femmes. Mais tout au long de l’année, il est nécessaire de rappeler que de nombreuses luttes sont à mener, au Niger et ailleurs. Dans les contextes de migrations notamment, la situation des femmes est extrêmement préoccupante.

Les parcours migratoires en Afrique sont généralement longs et difficiles, notamment les trajets à travers le Sahara en direction des pays du Maghreb. Pourtant, de nombreuses femmes font le voyage et souvent dans des conditions physiques très dures. De part leur statut de femme, elles constituent une catégorie particulièrement vulnérable. Au cours de leur trajet migratoire, elles peuvent être victimes de violences physiques ou morales mais le problème le plus grave, c’est qu’elles sont presque systématiquement victimes de violences sexuelles et très souvent de viol.

En mars 2010, l’ONG Médecins Sans Frontières a rendu public un rapport sur les abus commis à l’encontre des femmes migrantes, un rapport intitulé : « Violence sexuelle et migration. » Il vise à faire connaître le problème des violences sexuelles subies par les femmes d’origine subsaharienne lorsqu’elles voyagent à travers le Sahara, en vue de rejoindre le Maghreb ou bien l’Europe. Or, ce rapport est accablant. Après avoir recueilli le témoignage de dizaines de femmes africaines se trouvant au Maroc, le constat est le suivant : 1 femme sur 3 admet avoir subi des violences sexuelles. C’est parfois dès le départ, dans leur pays d’origine, que ces femmes sont violées, ce qui peut d’ailleurs être la raison de leur départ. Parfois c’est au cours de leur voyage et cela peut également avoir lieu dans le pays où sont bloquées, faute de pouvoir continuer plus loin. MSF constate que les femmes sont dans une situation de vulnérabilité qui augmente au fur et à mesure de leur trajet migratoire.

Une multiplicité des violences et de leurs auteurs

Les femmes migrantes, ainsi fragilisées, peuvent être sous l’emprise de réseaux de traite ou de trafic d’êtres humains et dans ce cas, ce sont les membres de ces réseaux qui les agressent, parfois quotidiennement. Certaines sont séquestrées et forcées à se prostituer. Mais dans de nombreux cas aussi, ce sont les agents de police ou les soldats eux-mêmes qui sont les auteurs des viols, au niveau des postes frontières en particulier, souvent isolés en plein désert. Elles n’ont aucun recours. Souvent, la peur due au fait d’être clandestine, la peur de se retrouver sans argent ou sans papier, les empêche de porter plainte ou même d’en parler à quelqu’un. L’immense majorité de ces crimes reste donc cachée et par conséquent, impunie. Parmi les témoignages recueillis au Maroc, plusieurs femmes ont raconté comment, lors de leur refoulement à la frontière algérienne, les policiers les ont amenées en plein désert et ont profité de cet isolement pour les violer, puis les abandonner.

On rencontre cette situation dans tous les pays traversés. Y compris au Niger. Uniquement parce qu’elles sont femmes, les migrantes subissent les agressions sexuelles sur leur trajet, que ce soit de la part des trafiquants, des passeurs ou des forces de l’ordre. La police, qui est censée les protéger, constitue elle aussi une menace pour ces femmes. Au Niger, dès qu’on arrive dans les zones désertiques, isolées du reste du pays, on arrive dans des zones de non-droit. Certaines femmes migrantes osent témoigner des violences qu’elles subissent au niveau des postes de contrôle - police gendarmerie, armée - et des viols dont elles sont victimes sur place.

Des femmes seules sur la route

Selon le rapport de MSF, plus de 70 % des femmes migrantes ont fui leur pays d’origine en raison des violences qu’elles subissaient là bas. Cela peut être en cas de conflit, de guerre, cela peut être aussi des cas de persécution politique. Mais souvent aussi, elles fuient d’autres types de violences, liées à leur statut de femmes, elles partent pour éviter un mariage forcé ou des violences conjugales. Près de 30 % des femmes entendues par MSF reconnaissent avoir été violées avant de quitter leur pays. Les femmes ne se lancent donc pas sur la route toutes seules par choix, mais parce qu’elles ne peuvent pas faire autrement.

D’autre part, les difficultés qu’elles rencontrent sur leur trajet sont accentuées par les politiques migratoires répressives de l’Europe, qui donnent aux polices des pays intermédiaires, notamment des pays du Maghreb, les pleins pouvoirs dans la chasse aux migrants. De plus, le renforcement des contrôles aux frontières pousse les voyageurs à emprunter les voies de la fraude, ce qui rend les trajets toujours plus chers et plus dangereux. Enfin, la politique d’asile des pays européens, de plus en plus restrictive, ne permet plus une garantie de protection pour les femmes victimes de violences.

Si MSF a réalisé un travail de récolte de témoignage important et utile, il appartient également aux organisations de la société civile, notamment les associations de défense des droits humains, dans chaque pays, y compris au Niger, de dénoncer ces injustices.

Elodie Apard

Source : www.alternativeniger.org