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PRISE D’OTAGES EN AFRIQUE

Sale temps pour les Français

D 25 septembre 2010     H 13:20     A     C 0 messages


Les Français constituent une cible de choix pour les preneurs d’otages qui semblent vouloir en découdre avec Nicolas Sarkozy. Le chef de l’Etat français qui veut se succéder à lui-même en 2012, a des soucis à se faire. Il lui faut remonter la pente dans les sondages alors que ces prises d’otages semblent quelque part tributaires d’une politique chaque jour décriée. Les enlèvements sont fréquents en pleine mer au sud du Nigeria. Mais c’est la première fois que des citoyens français sont pris dans la nasse. Cela défraie la chronique, d’autant qu’on ignore tout de la véritable identité des preneurs d’otages. Les rebelles du Delta du MEN ou des alliés à eux ? On sait que le groupe de rebelles nigérians est divisé : sous feu le président Yar’Adua, une partie avait déposé les armes suite aux négociations ; l’autre attend d’avoir pleine satisfaction. La récente prise d’otages ne constitue pas une bonne publicité pour le président Jonathan Goodluck en pleine campagne électorale. En revanche, pour les rebelles du MEN, l’occasion est fort belle : en offrant leur médiation, ils s’invitent à la campagne présidentielle. Sans doute chercheront-ils du même coup à bien monnayer leurs talents de négociateurs, les otages étant précieux. Après AQMI dont l’audace a sidéré plus d’un, suite au kidnapping intervenu en plein fief français au Sahel, voilà encore le gouvernement français cloué au pilori. Pourquoi ces rapts de Français ? Des facteurs du contexte en constituent des déterminants majeurs. Par exemple : la montée de la xénophobie en Europe. L’électeur a tendance à accorder ses faveurs aux pouvoirs d’extrême droite, favorisant du coup la montée de l’intolérance à tous les niveaux et faisant des Africains, des victimes de choix. Les populations africaines, de tradition si hospitalières, comprennent difficilement pourquoi l’Occident leur ferme les frontières ou leur fait des injustices.

De toutes les anciennes puissances coloniales, la France est celle dont l’intrusion est manifeste dans les affaires politiques et économiques du continent. Cette implication se remarque par le soutien à peine voilé à des régimes iniques. Elle en profite pour maintenir des bases militaires et consolider ses chasses-gardées sur le continent. Dans ses anciennes possessions, elle dispose de puissants lobbies qui font la part belle aux multinationales françaises. Mais si AQMI et autres parviennent à harceler et à narguer une multinationale comme AREVA, c’est que le terrain y est propice : ils bénéficient de complicités au sein des populations livrées à elles-mêmes. Le fait est que bien des multinationales occidentales qui opèrent en Afrique sont insensibles au sort des populations. On l’a vu au Nigeria où le MEN a toujours reproché à SHELL, la néerlandaise du pétrole, de se préoccuper uniquement de l’exploitation pétrolière au mépris de la préservation de l’environnement et de la santé des populations qui croupissent dans la misère. Ces multinationales occidentales doivent absolument revoir leur copie à ce niveau. Il ne suffit pas de s’attacher les complicités de gouvernants véreux, auxquels l’on a beau jeu d’attribuer ensuite les impératifs d’une juste répartition des "fruits de la croissance". Les pouvoirs africains n’ont pas toujours à cœur ce souci d’une distribution équitable des richesses nationales. Or, il convient de plus en plus de s’assurer que les retombées économiques de l’exploitation des ressources minières, forestières, hydrauliques et autres, profitent effectivement aux populations et non pas uniquement aux élites qui décident dans leur confort douillet de la capitale, du contenu de cahiers de charges parfois trop complaisants. Les multinationales qui sont le plus souvent libres dans leur gestion, font partout ou presque la pluie et le beau temps. Nombreuses sont celles qui se préoccupent peu de promouvoir l’expertise locale, évitent de bâtir sur place des industries de transformation qui auraient pourtant pu aider à résorber le chômage des jeunes, et à réduire l’importation de produits manufacturés. Sans aucun égard pour les déchets environnementaux et le sort des populations, ces multinationales rapatrient d’énormes superprofits.

Certes, en Occident, les prises d’otages permettent d’alerter l’opinion démocratique qui exerce alors des pressions sur les pouvoirs en place. Cela conduit parfois les multinationales à opérer des changements et les gouvernants africains à entreprendre des réformes quand bien même timides. Mais aujourd’hui, l’exaspération gagne du terrain. De plus en plus, ces populations livrées à elles-mêmes viennent grossir les rangs des kidnappeurs. Pour n’y avoir pas veillé de près, l’on a ouvert des brèches dont profitent des organisations du type de la nébuleuse Al- Qaida, faisant des enlèvements, un véritable fonds de commerce. A la limite, les prises d’otages qui sont très lucratives, vont au-delà du sentiment anti-blanc, anti-occidental, ou tout simplement anti-français. Il s’agit aujourd’hui d’une affaire juteuse qui, ô comble de l’ironie, participe d’une manière ou d’une autre à lutter contre la pauvreté et la marginalisation, dans une Afrique indigente après cinquante ans d’indépendance. Il faut s’attendre à un pourrissement de la situation. En faisant débarquer ses soldats, la France confirme qu’elle est en territoire conquis, et que les Etats africains sont incapables de s’assumer. Cet esprit de "va-t-en-guerre" pourrait envenimer les choses. Il pourrait aussi en découler une alliance entre rébellions armées et groupes religieux fondamentalistes. L’une des meilleures réponses à l’expansion du terrorisme sur le continent est pourtant bien connue : la bonne gouvernance. Celle-ci inclut l’alternance au pouvoir par les urnes et de manière saine, la promotion des droits humains, l’égalité des chances, une répartition équitable des richesses nationales dans un contexte de tolérance et de paix, préalable indispensable au développement durable.

"Le Pays"


Voir en ligne : le pays - Burkina Faso