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Quand le Niger s’invite dans la guerre...

D 2 juillet 2012     H 05:00     A Albert Chaïbou     C 0 messages


Invité lundi dernier de notre confrère Christophe Boisbouvier sur RFI, le ministre des Affaires Etrangères, Mohamed Bazoum, répondant à une question sur la situation de guerre qui prévaut dans le Nord Mali, a eu ces propos : « L’option militaire est la seule qu’il y a lieu de retenir lorsqu’il s’agit de se battre contre AQMI, et tous ceux qui accepteraient d’être avec cette organisation jusqu’au bout ». Et comme pour lui emboiter le pas, le président de l’Assemblée nationale, Hama Amadou, clôturant le même jour la session ordinaire du parlement, a appelé le gouvernement à « intégrer sans aucune réserve le cadre de solidarité militaire de la Cedeao »...
Il est donc désormais clair que les autorités nigériennes ont choisi par rapport à la crise malienne, l’option guerrière plutôt que la négociation. Au moment même où des voix se lèvent au Mali et ailleurs pour privilégier le dialogue et appeler au respect de la souveraineté de ce pays.

Quel intérêt le Niger a-t-il aujourd’hui pour se faire « le porte voix des va-t-en-guerre » ?

Assurément aucun ! A moins de jouer à la marionnette de la France qui pousse, dans un scénario classique, la Cedeao et l’Union Africaine à saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies, à intervenir dans le cadre qui sera tracé. Visiblement, le Niger a bien joué ce piètre rôle avec d’abord le ballet diplomatique entre Niamey-Abidjan et Niamey-Paris, puis les déclarations fracassantes de son ministre des Affaires Etrangères et du président de son Parlement. Cerise sur le gâteau, le président béninois Boni Yayi, président en exercice de l’UA, en visite officielle en France, a aussi joué sa partition à l’Elysée. De même, les médias ne sont pas en reste. Dans un éditorial intitulé : « il faut aider les africains à sauver le Mali » paru dans son édition du lundi 4 juin, le quotidien français Le Monde, conclut son analyse ainsi : « toute la ceinture de l’Afrique sahélienne est menacée par les événements du Mali. Pour les Africains comme pour l’Europe, la perspective de l’installation durable d’Al-Qaida est un cauchemar stratégique. Les Africains et leurs organisations régionales sont décidés à intervenir... Militairement s’il le faut. Ils prennent pleinement leurs responsabilités. Il faut les aider, d’urgence ». Comme quoi, tout semble être bien préparé pour occuper par la force le Mali.

Si pour les puissances occidentales, notamment la France, les enjeux sont clairs, c’est-à-dire mener une lutte pour le contrôle des ressources minières dont regorge le Nord Mali et occuper le terrain afin d’évincer les terroristes d’Aqmi qui détiennent encore des ressortissants français, pour des pays comme le Niger, il serait hasardeux et trop dangereux de pratiquer la politique de l’autruche.

Il n’est pas évident que l’option militaire vers laquelle s’acheminent la Cedeao et l’Union Africaine ramènera la paix au Mali. M. Bazoum pousse même l’outrecuidance jusqu’à suggérer un armement des milices peulh, songhai et autres, qui essaiment la région. En clair de créer et de renforcer des groupes armés, nécessairement meurtriers et incontrôlables. Le risque est grand de « somaliser » ce pays.

Il est clair que l’envoi des troupes de l’Union Africaine et de la Cedeao, appuyés certainement par la France, cimentera davantage l’union des groupes armés qui occupent actuellement le Nord Mali. Avec l’armada dont ils disposent, en plus de la connaissance du terrain et le soutien des combattants d’Aqmi et d’autres groupes organisés écumant la zone, il va sans dire qu’il ne sera pas facile pour les forces coalisées d’en faire une bouchée ! C’est dire que tous les signes avant-coureurs sont réunis pour que le conflit s’enlise comme ce fut le cas de la Somalie en 1993. On connait la suite : la Somalie n’a toujours pas retrouvé la paix. Ce serait alors un scénario catastrophe pour le Niger qui sera désormais entouré de trois foyers de tension à savoir, le Nord Nigeria, le sud Libyen et le Nord Mali. La menace doit être prise au sérieux car, quoique disent nos autorités, le Niger reste fragile sur le plan sécuritaire.

L’Algérie qui a joué un rôle majeur dans le règlement des rébellions armées au Nord Mali et qui partage une frontière longue de plus de 1000 km avec ce pays, a pourtant bien compris qu’il fallait se montrer prudent dans un tel contexte. Et voilà que cette prudence est vue comme une passivité, une « attitude d’expectative » par notre ministre, qui « n’a pas sa langue dans sa poche ». Mais pour dire quoi ? Encore une bourde de plus !

Albert Chaïbou

Source : http://www.alternativeniger.org