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Libéria : Mae Azango a pris sur elle le sujet tabou de la Mutilation Génitale Féminine (MGF)

D 27 mars 2018     H 05:00     A     C 0 messages


Une des rares femmes journalistes au Libéria, Mae Azango a pris sur elle le sujet tabou de la Mutilation Génitale Féminine (MGF). Sa ténacité et l’intrépidité a conduit un gouvernement libérien auparavant réticents à évoluer vers l’interdiction de cette pratique.

Lors de la Conférence mondiale de l’UNESCO sur la liberté de la presse en mai 2013, Mae Azango a dit à Internews :
Les femmes et les filles sont les groupes vulnérables dans la société. Si nous les femmes ne parlons pas de ce qui affecte le plus des femmes, des hommes journalistes ne le feront pas. Si les femmes journalistes se taisent, ces choses vont continuer à nous arriver.

Une des rares femmes journalistes au Libéria, Mae Azango a pris sur elle le sujet tabou des Mutilations Génitales Féminines (MGF), avec comme conséquence pour elle d’être menacée et forcée à se cacher pendant une période. Pourtant, ce sont sa ténacité et son courage qui ont poussé un gouvernement libérien auparavant réticents à évoluer vers l’interdiction de cette pratique.

Selon des statistiques de l’Organisation Mondiale de la Santé, environ 58% des filles au Liberia ont été victimes des mutilations génitales féminines. Pourtant, le secret qui entoure ce rite d’initiation traditionnelle empêche de connaitre avec exactitude l’ampleur du problème. En Mars 2012, Azango a écrit un article qui allait avoir un impact dramatique. Publié dans Front Page Africa, l’article intitulé « Douleurs Croissantes : la tradition Sande de l’excision menace la santé des femmes libériennes » a repoussé les tabous, en décrivant comment « la coupure » [des parties génitales] est effectuée, la douleur endurée ainsi que les complications médicales à vie qui s’en suivent souvent. Azango a également écrit sur la façon dont les victimes craignaient de parler par peur d’être « traqué » par la société secrète des femmes Sande qui effectuent des mutilations dans leurs écoles de brousse où les filles sont préparées à la vie conjugale et à l’entretien des familles.

L’article a fait un scandale, à l’intérieur du pays et sur le plan international. Le journal a été inondé de menaces de mort venant des membres Sande ainsi que d’autres personnes qui ont estimé que cette question ne devrait pas être abordée. Azango a été contrainte de fuir sa maison avec sa fille de 9 ans, disant au Comité de Protection des Journalistes qu’elle avait été avertie « qu’ils me rattraperont et me couperont afin que je puisse me taire ».

Telle est la sensibilité autour du sujet des MGF que même la première femme présidente du Liberia et co-lauréat du Prix Nobel 2011 de la Paix, Ellen Johnson Sirleaf, avait été réticente à mettre en place des mesures visant à interdire cette pratique. Pourtant, le tollé suscité par le reportage de Azango et sa fuite forcée avaient contraint les autorités libériennes d’annoncer que la pratique devrait être arrêtée et que les écoles gérées par les femmes Sande devraient se voir retirées leurs licences. En septembre 2015, lors d’une réunion où plus de 80 chefs de gouvernements se sont réunis à l’ONU à New York pour affirmer leur engagement à l’élimination des inégalités fondées sur le sexe et la violence faite aux femmes, la Présidente Sirleaf a fait une promesse en disant : « Mon gouvernement s’engage à poursuivre l’effort de présenter les lois en dépit de bien difficultés de notre législature permanente afin de s’ assurer du respect de l’abolition [et] de l’application de l’interdiction des Mutilations Génitales Féminines ». Azango et d’autres inspirés par son exemple continueront de rendre compte et de veiller à ce que ces engagements de la présidente soient respectés.

Azango est récipiendaire de nombreux prix, y compris les prix de la liberté de la presse lui décernés en 2012 à la fois par le Comité de Protection des Journalistes et les Journalistes Canadiens pour la Libre Expression. En 2011, il lui a été accordé une subvention du Pulitzer Centre pour un projet sur la santé reproductive en Afrique. Puis, en 2014, le virus mortel Ebola a frappé l’Afrique, et le Libéria a été parmi les pays les plus touchés. Azango, inébranlable comme toujours, se tourna vers des reportages sur la dure réalité de la vie sous l’épidémie, au péril de sa propre vie en travaillant sur un documentaire primé intitulé « Vivre avec le virus Ebola », diffusé en novembre 2014 par Al-Jazira. Le film avait reçu le prix du Meilleur Documentaire au Mohamed Amin Africa Media Awards en mai 2015, compte tenu de « la meilleure qualité, du contenu le plus innovant et de la hausse des plates-formes qui changent la face de l’Afrique ».

Le journalisme d’Azango est façonné par son propre passé. En 1990, lors de la première guerre civile libérienne, son père, un juge, a été traîné hors de leur maison par les rebelles de Charles Taylor. Il est mort en captivité. En 1996, Azango a fui vers la Côte d’Ivoire où elle a vécu comme réfugiée jusqu’à son retour au Liberia en 2002.

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