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Le Franc CFA ou le maintien de la Françafrique

D 19 août 2018     H 16:09     A Sadek Basnacki     C 0 messages


Alors que Macron en bon représentant de la défense des intérêts français en Afrique est entrain de faire une tournée en Afrique de l’Ouest, il a dû répondre à de nombreuses questions d’étudiants burkinabés à Ouagadougou dont une sur le Franc CFA, son attitude et sa réponse ne laissent pas de doute sur sa volonté de garder cette monnaie qui est l’un des piliers du néocolonialisme français.

Alors que Macron en bon représentant de la défense des intérêts français en Afrique est entrain de faire une tournée en Afrique de l’Ouest, il a dû répondre à de nombreuses questions d’étudiants burkinabés à Ouagadougou dont une sur le Franc CFA, son attitude et sa réponse ne laissent pas de doute sur sa volonté de garder cette monnaie qui est l’un des piliers du néocolonialisme français.

TOURNÉE AFRICAINE DE MACRON
Le Franc CFA ou le maintien de la Françafrique
Alors que Macron en bon représentant de la défense des intérêts français en Afrique est entrain de faire une tournée en Afrique de l’Ouest, il a dû répondre à de nombreuses questions d’étudiants burkinabés à Ouagadougou dont une sur le Franc CFA, son attitude et sa réponse ne laissent pas de doute sur sa volonté de garder cette monnaie qui est l’un des piliers du néocolonialisme français.
Sadek Basnacki
mercredi 29 novembre 2017 0

Crédit photo : DR

Le Franc CFA a une longue histoire. En effet, le franc CFA est le produit de la création de la Banque du Sénégal en 1855, banque créée grâce aux ressources versées par la métropole française aux esclavagistes en guise de réparations après l’abolition de l’esclavage le 27 avril 1848. Cette banque deviendra, au début du XXème siècle, la Banque de l’Afrique de l’Ouest (BAO), qui aura le privilège d’émission de la monnaie ancêtre du franc CFA qui naîtra officiellement le 26 décembre 1945, dix ans avant la création de l’Institut d’émission de l’Afrique occidentale française (AOF) et du Togo, qui deviendra la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) quelques années plus tard.

L’histoire de la monnaie dans l’Afrique française épouse les contours de la violence esclavagiste, coloniale et postcoloniale. Dans le Monde, l’économiste Kako Nubukpo explique que Macron nie « l’histoire monétaire françafricaine, renvoyant les dirigeants africains à leur servitude monétaire volontaire, les mettant à nu de la pire des façons, à travers des réponses d’une violence symbolique inouïe, dont la plus emblématique fut sans doute : « Le franc CFA est un non-sujet pour la France. » »

« Rien que pour cela, pour les souffrances des paysan.e.s africain.e.s obligé.e.s de payer l’impôt en franc CFA, dont la disponibilité exclusive était liée à la rémunération de la production et de la vente des produits de rente (café, cacao, coton) et donc l’abandon des cultures vivrières, M. Macron aurait dû faire preuve de respect et de plus d’égards à l’endroit des enfants et petits-enfants de paysan.e.s burkinabé.e.s qui ont payé un lourd impôt colonial, fait de travail forcé et de déportations massives vers la zone « office du Niger » au Mali.

Le Franc CFA outil ultime de l’impérialisme français

Le Franc CFA a été créé officiellement le 26 décembre 1945. Six ans avant, la France avait mis sur pied une « zone franc » en instaurant une législation des changes commune au sein de son empire colonial, au début de la Seconde Guerre mondiale. L’objectif était de « se protéger des déséquilibres structurels en économie de guerre » et continuer à s’alimenter en matières premières à bas prix auprès de ses colonies, autant dire du pillage systématique. CFA signifiait « colonies françaises d’Afrique » puis, à partir de 1958, « communauté française d’Afrique ». Lorsque la France a « accordé » l’indépendance à ses colonies africaines, au début des années 1960, elle leur a imposé la reconduction du système de la zone franc. Le FCFA est alors devenu franc de la « communauté financière africaine » en Afrique de l’Ouest, et franc de la « coopération financière en Afrique centrale » pour l’Afrique centrale. Cela devient alors un outil monétaire destinée à avantager les capitalistes français en Afrique, tout en bridant tout développement économique des pays concernés.

Son principe est assez simple et peut être résumé en 4 points. 1- Le Trésor français garantit la convertibilité illimitée du FCFA en euro (autrefois le franc français) ; 2- La parité du FCFA avec l’euro est fixe ; 3- Pour assurer cette parité, les réserves de change des pays de la zone franc sont centralisées dans leurs banques centrales, qui doivent en déposer la moitié sur un compte courant dit « compte d’opérations », logé à la Banque de France et géré par le Trésor français ; 4- Les transferts de capitaux entre la zone franc et la France sont libres. De cette manière, les Etats africains de la zone Franc se voient ôter toute souveraineté monétaire, tout levier monétaire, et constituent les pays du monde où l’accès au crédit est le plus faible. Et les réserves monétaires des différents pays sont maintenues bien loin de leur peuple, au cas où ceux-ci se soulèveraient. Pour assurer ses arrières, l’impérialisme français est allé jusqu’à faire produire les pièces et billets en CFA... à Chamalières, commune de 17 000 habitants, située dans le Puy-De-Dôme à 3 km de Clermont-Ferrand en France. Alors expliquer que « Le franc CFA est un non-sujet pour la France » et ce sans trembler des genoux est une prouesse assez impressionnante.

Les arrangements institutionnels organisant le fonctionnement de la zone franc permet d’accumuler les richesses hors du continent africain. Kako Nubukpo explique qu’ « en effet, la fixité de la parité entre le franc CFA et l’euro, la totale garantie de convertibilité entre ces deux monnaies, et enfin la liberté de circulation des capitaux entre les deux zones (franc et euro), permettent un siphonage en toute légalité des ressources africaines vers des cieux où le capital serait en meilleure sécurité, obligeant les forces productives de la zone franc à recommencer, chaque année, le processus d’accumulation du capital ». Pour la France, et par extension l’Europe depuis le passage à l’euro, ces règles sont intéressantes sur le plan économique. Grâce à la parité FCFA/euro, l’Hexagone peut continuer à acquérir des matières premières africaines (cacao, café, bananes, bois, or, pétrole, uranium…) sans débourser de devises, et ses entreprises peuvent investir dans la zone franc sans risque de dépréciation monétaire. Ces dernières, grâce à la libre circulation des capitaux, rapatrient leurs bénéfices en Europe sans entrave. Les multinationales comme Bolloré, Bouygues, Orange ou Total en profitent tout particulièrement. « Le système permet d’assurer les profits des groupes européens qui ne paient rien pour cette garantie : ce sont les citoyens africains qui, via les réserves de change placées au Trésor français, paient la stabilité du taux de change », observe Bruno Tinel, maître de conférences à Paris 1

Le Franc CFA créateur de pauvreté

En Afrique, de plus en plus de voix s’élèvent pour protester contre ce dispositif, vu comme perpétuant la domination française, surtout depuis quelques mois. Mais déjà en 1996, le président du Gabon, Omar Bongo, a expliqué : « Quand vous demandez à un Français dans la rue, il vous dira : “Ah, pour l’Afrique, on dépense beaucoup d’argent.” Mais il ne sait pas ce que la France récolte en retour, comme contrepartie. Un exemple : nous sommes dans la zone franc. Nos comptes d’opérations sont gérés par la Banque de France, à Paris. Qui bénéficie des intérêts que rapporte notre argent ? La France. » Une chose est certaine : les réserves de change africaines permettent à la France de payer une petite partie de sa dette publique : 0,5 %, selon les calculs de Bruno Tinel. En 2014, les réserves placées sur les comptes d’opérations étaient de 6 950 milliards de FCFA, soit 10,6 milliards d’euros.

Pour les économistes, ce n’est pas un hasard si 11 des 14 pays africains de la zone franc sont aujourd’hui classés parmi les pays les moins avancés. « Les taux de croissance de la zone CFA sont moins élevés sur les dix dernières années » par rapport aux autres pays d’Afrique, a reconnu le rapport « Afrique France : un partenariat pour l’avenir », remis en 2013 aux autorités par l’ex-ministre Hubert Védrine. Si le FCFA n’est pas la seule explication à cette situation, il y contribue grandement.

Macron a même le culot d’expliquer devant les 800 burkinabés rassemblés devant lui que le FCFA est « une bonne chose pour un aspect, ça donne de la stabilité à ceux qui l’ont ». Cette monnaie contrôlée par la France, censée aider les pays africains qui l’utilisent depuis 70 ans est justement l’un des pires fléaux de ces pays. Aucun des 14 pays qui utilisent le franc CFA ne font partis du « Top 10 africain » en terme de compétitivité économique. Pire encore, ces 14 pays figurent sur la liste des 35 pays pauvres très endettés (PPTE), qui font parti des pays les moins compétitifs au monde. Le franc CFA joue un grand rôle dans cette catastrophe.

La politique africaine de la France n’existe pas.. vraiment ?

Comment Macron comme tous ces prédécesseurs, explique qu’il ne faut pas avoir « sur ce sujet une approche bêtement post-coloniale ou anti-impérialiste. Ça n’a aucun sens, ça n’est pas de l’anti-impérialisme, ce n’est pas vrai ». Pourtant lutter contre le Franc CFA qui assouvie les peuples africains ne peut être rien d’autre. Et le chef de l’Etat français a beau dire qu’il n’y a pas de politique africaine française, personne n’est dupe. Les Total, Areva qui pillent les sous sol du contient, les dictateurs mis en place par la France puis maintenues au pouvoir grâce à elle, le Franc CFA qui enlève toute souveraineté économique aux Etats membres sont bel et bien les dessous de la françafrique.

Macron explique que « la France accompagnera la solution qui sera portée par vos dirigeants. J’accompagnerai la solution qui sera portée par l’ensemble des présidents de la zone franc. S’ils veulent en changer le périmètre, j’y suis plutôt favorable. S’ils veulent en changer le nom, j’y suis totalement favorable. Et s’ils veulent, s’ils considèrent qu’il faut même supprimer totalement cette stabilité régionale et que c’est mieux pour eux, je considère que c’est eux qui décident et donc je suis favorable. » En même temps il ne pouvait pas dire le contraire, un élargissement ne peut être que profitable à l’ Etat français qui se gave sur le dos de l’Afrique depuis presque deux siècles maintenant, un changement de nom ne remet en aucun cas en cause le système. Par contre le ton change lorsqu’il est question d’abandonner le Franc CFA. C’est une menace à peine déguisée comme De Gaulle l’avait fait avant lui en 1958 avec la communauté africaine. Sur le papier aussi, les pays africains pouvaient refuser le Franc CFA mais la réalité a été bien différente.

Celui qui n’a pas voulu du Franc CFA

Lors de la mis en place de la communauté africaine et du référendum, un pays pouvait contre mais cela voulait dire faire sécession et avoir une total indépendance sans l’aide de la France notamment d’un point de vue économique. Ce qui était clairement une menace lorsque l’on sait que la totalité de l’économie des états africains dépendait du colonisateur français. C’est dans ce contexte qu’en Aout 1958 De Gaulle entame sa tournée africaine qui se passe bien excepté en Guinée Conakry de Sékou Touré.

De Gaulle arrive à l’aéroport se dirige en direction de la capitale dans une voiture avec Sékou Touré. Une foule gigantesque, colorée, danse et chante tout le long du trajet. Premier problème, ce n’est pas en l’hommage de De Gaulle ou de la France que les chants sont destinés mais au chef de l’Etat guinéen. Cette démonstration de force montre à De Gaulle que le peuple de Guinée est derrière son leader. S’en suit un discours des deux hommes. Sékou Touré qui évoque le fait de vouloir continuer une relation avec la France reste menaçant notamment à travers sa célèbre phrase « préférer la liberté dans la pauvreté que la richesse dans la servitude ». C’est un affront pour De Gaulle qui comprend que son homologue guinéen appellera à voter non au référendum sur la communauté africaine. Et quelques semaine plus tard la Guinée Conakry votera effectivement non et choisit l’indépendance sans la France. Pour De Gaulle cela signifie contre la France et tout va être mis en œuvre pour se débarrasser de Sékou Touré

Cela commence par des mesures monétaires punitives. Avant même le référendum, l’État français organise une véritable opération commando, les milliards de Franc CFA qui se trouvaient dans une succursale de la banque centrale à Conakry sont volés avec l’intervention des parachutistes et de la marine. Après le référendum Sékou Touré affirme haut et fort qu’il veut rester dans la zone franc mais en même temps, il cherche a créer sa propre monnaie qu’il fera imprimer très discrètement en Angleterre. En France, la riposte est impitoyable et le SDECE est chargé d’imprimer des faux franc guinéen et dès que la nouvelle monnaie est mise en circulation la masse de fausse monnaie est envoyé là-bas. De fait, la nouvelle monnaie est rapidement dépressiée ce qui ruinera l’économie guinéenne qui n’était pas déjà très brillante. C’est Jacques Foccard, le monsieur Françafrique de l’Elysée qui organisera toutes les opérations contre Sékou Touré.

La France qui a beaucoup d’intérêts économiques en Guinée avec notamment une toute nouvelle usine de transformation de la bauxite en aluminium a peur qu’avec le flirt de Sékou Touré avec le camp de l’est pousse le dirigeant africain à nationaliser l’usine, organise plusieurs coup de force qui seront tous des échecs.

D’autres dirigeants ont subit les foudres de Paris après avoir voulu quitter la zone Franc CFA.

On ne conteste pas le Franc CFA

Sylvanius Olympio est le premier président élu de la République du Togo. Remettant en cause la domination de la France, décide de sortir de la zone Franc afin de créer sa propre monnaie. Le 13 janvier 1963, soit quelques jours après les premières impressions, Olympio est assassiné.

Modibo Keita, également le premier président élu du Mali. Pour lui, ce système monétaire était un frein au développement du pays. Il décide donc de retirer son pays de la zone Franc et créa le franc malien, qui devient la monnaie officielle du Mali, en 1962. Mais il a subi quelques années plus tard un coup d’État.

Thomas Sankara, le président panafricaniste déclare que le système monétaire français est une arme qui permet au Français de dominer le pays. Il refuse donc toute aide du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale pour ne plus subir le dictât des financiers internationaux. Trois mois après son discours incitant les autres pays africains à faire comme lui, il fut assassiné par Blaise Compaoré.

Bien évidemment tout cela a été organisé par l’Etat français qui a installé des hommes plus dociles qui lui devait leurs place. Macron sait bien qu’une sortie des pays africains de la zone franc CFA n’est pas envisageable. La France ne peut pas permettre que ces anciennes colonies créent leur propre monnaie pour avoir le contrôle totale sur leur banque centrale. Il sera prêt à tout notamment renverser des gouvernement pour conserver cet état de fait. Si les pays africains veulent se libérer du dictât de l’impérialisme français, ils doivent retrouver le contrôle de leur monnaie. La monnaie est une base fondamentale pour le développement économique et social d’un pays, si vous ne contrôlez pas votre monnaie, vous ne contrôlez pas le pays et ce ne sont pas les dictateurs mis en place par l’Etat français qui rendront la souveraineté au peuple africain.


Voir en ligne : Révolution permanente