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Togo : Discours de M. Jean-Pierre Fabre

D 30 mars 2017     H 05:37     A Jean Pierre Fabre     C 0 messages


Discours de M. Jean-Pierre Fabre
Président National de l’ANC, Chef de file de l’opposition,
devant la Diaspora togolaise à Paris (France)
Paris, siège de la Fédération Française pour l’UNESCO (FFPU), le 26 mars 2017

 • Mes Chers Compatriotes de la Diaspora ;
 • Monsieur le Président et Mesdames et Messieurs les Membres du Bureau de la Fédération Internationale ANC/Europe-Asie ;
 • Mesdames et Messieurs les Présidents et Membres des Bureaux des Sections et Sous-Sections de la Fédération Internationale ANC/Europe-Asie ;
 • Chers Camarades militants et sympathisants de l’ANC et de CAP 2015 ;
 • Chers Amis du Togo ;
 • Mesdames, Messieurs ;

Merci d’être venus nombreux à cette rencontre d’échanges et de dialogue directs avec nous, afin qu’ensemble, nous puissions mesurer le chemin parcouru et raffermir notre stratégie de lutte pour la libération de notre cher pays, le Togo.

Je vous apporte le salut fraternel des populations togolaises militantes. Elles vous expriment leur gratitude pour vos contributions diverses, vos soutiens et vos encouragements.

Ce genre de rendez-vousmérite d’être renouvelé le plus souvent possible comme le souhaitent la plupart d’entre vous. Mais je ne vous le cache pas, la chose est plutôt difficile à cause des contraintes de calendriersur place et, surtout,en raison des entraves à la liberté d’aller et venir du Chef de file de l’opposition, obligé d’obtenir, à chaque sortie du territoire national, une autorisation du juge, parce que arbitrairement inculpé dans la sordide affaire des incendies des marchés de Lomé et de Kara.

Je dois avouer aussi que les échos de vos nombreuses interrogations et questionnements me parviennent constamment, mais plutôt que d’y répondre par anticipation dans mon exposé liminaire, j’ai donné la préférence à l’expression directe, sur le vif et en toute franchise.

Mes Chers Compatriotes de la Diaspora,

Je ne vous apprends rien en affirmant que le Togo est un pays en crise depuis de longues décennies. Un pays exsangue, surendetté, avec une population parmi les plus malheureuses de la terre. Un pays au système scolaire défaillant, aux infrastructures sanitaires inexistantes ou obsolètes et insuffisantes là où elles existent. Le Togo a une population jeune fortement frappée par un chômage endémique et un manque de formation adéquate.

En somme, le Togo est pris en otage par le régime RPT/UNIR qui instrumentalise à des fins politiciennes, la diversité ethnique du pays. Et les populations togolaises refusent de faire allégeance à ce régime fondé sur le meurtre, le mensonge, la violation de la Constitution et des lois, le pillage des ressources nationales, le tribalisme et le mépris des citoyens. Un régime illégitime et des autorités de fait avec lesquelles la classe politique et l’ensemble des forces vives se voient contraints de composer.

Point n’est besoin de faire l’historique de toutes les tentatives menées pour mettre un terme à la crise togolaise, notamment, par les multiples dialogues dont les conclusions n’ont jamais été mises en œuvre. Le dernier dialogue en date est celui qui a abouti à la signature de l’Accord Politique Global (APG), en août 2006, à Lomé. Un accord destiné à conduire à l’alternance dans la paix à travers la mise en œuvre de réformes constitutionnelles,institutionnelles et électorales, après les coups de force successifs de 2005 (militaire, constitutionnel, parlementaire, électoral…), accompagnés de violences, de massacres de populations et d’exode de compatriotes par milliers.

Comme vous le savez, au mois d’avril 2015, après nos multiples efforts, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, pour réclamer mais en vain, la mise en œuvre des réformes politiques essentielles prescrites par l’APG, notre pays connaissait pour la énième fois un scrutin présidentiel calamiteux, organisé avec des dérives de toutes sortes par le régime RPT/UNIR pour conserver le pouvoir. ‘’Le mémorandum sur le coup de force électoral d’avril 2015 au Togo’’, publié à cet effet par CAP 2015 au mois d’août 2015, a suffisamment édifié l’opinion nationale et internationale sur ce gangstérisme d’Etat.

Aujourd’hui, presque deux ans après cette mascarade, et alors que les échéances constitutionnelles des élections législatives se profilent à l’horizon de mai 2018, le Chef de l’Etat s’enferme dans un refus obstiné des réformes politiques et s’évertue à instrumentaliser le HCCRUN et sa Présidente ainsi que des acteurs de la vie politique et sociale, y compris certains compatriotes de la diaspora, pour tenter de se soustraire à ses propres engagements.

De plus, à ce jour, aucune visibilité n’est donnée sur les contours réels du processus de décentralisation et encore moins sur le calendrier des élections locales auxquelles le gouvernement RPT/UNIR s’est engagé depuis plus de 12 ans. Nul n’ignore pourtant que la démocratisation et le développement économique et social passent également par la décentralisation, avec des collectivités territoriales administrées par des conseils municipaux, préfectoraux et régionaux, dûment élus par les populations elles-mêmes.

Au total, la situation sociopolitique qui prévaut aujourd’hui dans le pays inquiète à juste titre, la classe politique, les organisations de la société civile et l’ensemble des populations. On note, sur fond de corruption, de pillage en règle des ressources publiques et d’impunité, une mal gouvernance notoire, dont les effets désastreux se font sentir dans tous les secteurs d’activités, sur l’ensemble du territoire national, sur l’ensemble des populations, y compris la diaspora.

Nous avons encore en mémoire, entre autres, les mauvais traitements infligés à nos compatriotes Komdédzi Kofi FOLIKPO et Antoine RANDOLPH, kidnappés et maintenus en détention au cours de leur séjour au Togo, avant d’être libérés sous les pressions conjuguées de diverses forces démocratiques et d’autres bonnes volontés.

Mes Chers Compatriotes de la Diaspora,

La paralysie et le mauvais fonctionnement de toutes les institutions de la République, en particulier celles impliquées dans les processus électoraux sont patents. Le Togo est en panne de ses institutions qui sont toutes inopérantes et n’existent que de nom. Contrairement aux prescriptions de la loi, l’opposition n’y est pas représentée.

L’autre constat déplorable est que les hommes et les femmes, qui dirigent ou animent ces institutions, sont, en raison des conditions de leur nomination, des obligés du système RPT/UNIR, incapables d’assumer et d’exercer leur indépendance à l’égard du régime qu’ils s’emploient à maintenir en place et à défendre à tout prix. Ainsi :

La Cour Constitutionnelle s’érige en rempart du pouvoir RPT/UNIR contre toute quête de justice et d’équité provenant de l’opposition. Elle ne rend aucune décision qui ne soit favorable au maintien en place du système RPT/UNIR. Sur les injonctions du régime, elle n’a pas hésité à violer son propre Règlement Intérieur ainsi que l’article 54 de la Constitution pour révoquer 9 députés de l’opposition de leur mandat parlementaire.

La HAAC, dans la composition de laquelle le régime RPT/UNIR s’est obstinément refusé à intégrer toute représentation de l’opposition, violant ainsi et de manière flagrante, la loi portant statut de l’opposition et le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, protège en permanence, les intérêts du pouvoir en se dérobant aux exigences de sa mission. Elle vient une fois encore, de fermer arbitrairement, des stations de radio et de télévision jugées défavorables au régime.

La CENI, après la proclamation, lors de la présidentielle d’avril 2015, de résultats non délibérés en plénière et donc « sans aucune base légale » selon la mission d’expertise électorale de l’UE, ne craint pas de fonctionner en catimini, dans une composition incomplète et illégale au regard du Code Electoral, à la suite de l’exclusion arbitraire des 5 membres de l’opposition et du départ de deux de ses membres RPT/UNIR nommés au gouvernement. Ce qui rend illégales et irrecevables, toute délibération et toute décision de l’institution.

A l’Assemblée Nationale, le groupe UNIR s’emploie à discriminer et à marginaliser les députés de l’opposition en usant systématiquement de sa majorité mécanique pour imposer des mesures et des décisions antirépublicaines.

A l’occasion, la majorité parlementaire a rejeté un projet de loi de révision constitutionnelle, soumis par son propre gouvernement, dans le cadre de la mise en œuvre des réformes politiques. C’est également cette même majorité qui a torpillé les deux propositions de loi soumises dans le même sens par des députés de l’opposition, en bloquant l’examen de ces propositions de loi qui n’a donc pu prospérer jusqu’à la phase de délibération et de vote en séance plénière, comme l’exige le règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

J’ouvre ici une parenthèse pour souligner que les députés du Groupe parlementaire ANC, résolus à ne pas s’accommoder de tels dysfonctionnements, ont introduit, le 28 février dernier, une requête demandant à la Cour Constitutionnelle, en tant que garante constitutionnelle du bon fonctionnement des institutions de la République, d’enjoindre l’Assemblée nationale de mener à son terme la procédure d’examen et d’adoption des propositions de loi de révision constitutionnelle, abusivement interrompue et gelée.

Naturellement, la réponse de la Cour constitutionnelle, qui vient tout juste de nous parvenir, n’est pas l’injonction ferme, claire et sans équivoque à laquelle on pouvait s’attendre et ordonnant la reprise de la procédure laissée inachevée.
En tout état de cause, la décision C-001/17, rendue ce 22 mars 2017 par la Cour Constitutionnelle, est en cours d’examen par nos juristes et nous aviserons en temps opportun.

Pour l’heure, cette saisine, dont les attendus se passent de tout commentaire, montre à quel point le régime RPT/UNIR s’évertue à ramer à contre courant de l’APG et des réformes politiques. Elle montre également l’engagement résolu de l’ANC et de ses députés aux côtés du peuple togolais pour obtenir la mise en œuvre de ces réformes, malgré nos moyens politiques et institutionnels limités, face aux dilatoires et entraves de toutes sortes, dans un contexte de lutte hostile.

Je ferme cette parenthèse pour poursuivre avec les autres institutions, notamment, la Cour des comptes, le HCRRUN, l’armée, la police, la gendarmerie, la justice, toutes à la solde du régime RPT/UNIR qui les instrumentalise d’autant plus aisément que les recrutements et nominations sont adossés à des critères tribalistes.

Le dysfonctionnement de toutes ces institutions fait de notre pays un Etat atypique qu’il est impératif de ramener à des normes et standards acceptables, notamment au travers de réformes conséquentes. En l’occurrence, les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales prescrites par l’APG.

Il est donc inacceptable que le Chef de l’Etat décide unilatéralement du sort de ces réformes, en mettant en place une ‘’Commission nationale de réflexion sur les réformes institutionnelles et constitutionnelles’’, dans le but évident d’enterrer l’APG et de s’offrir d’autres moyens de s’accrocher au pouvoir.
Le maintien de cette « commission d’intellectuels » envers et contre tous, constitue un nouveau coup de force qui ne fait qu’aggraver la crise. Notre pays ne doit pas s’inscrire dans la logique du coup de force permanent.

Voilà pourquoi, dans ma récente lettre au Chef de l’Etat, le 13 janvier 2017, je lui demande de rapporter la mise en place de cette commission et de rechercher avec l’opposition, les voies d’un dialogue pour mettre en œuvre l’APG.

Je réitère ma volonté de le rencontrer, à tout moment à sa convenance, conformément à l’article 15 de la loi portant statut de l’opposition, pour discuter de la question et sortir notre pays de l’impasse actuelle.

Cette rencontre est d’autant plus capitale qu’il convient d’aborder également avec le Chef de l’Etat, des questions pressantes et récurrentes, notamment :

1) les violences policières et le déploiement systématique de l’armée pour assurer le maintien d’ordre. Il est inacceptable que les populations, en particulier les jeunes y compris des élèves, soient délibérément abattus à bout portant par des éléments des Forces Armées Togolaises qui répriment dans le sang, les manifestations publiques pacifiques organisées pour exprimer le mécontentement populaire. Il est inadmissible que de jeunes élèves, qui réclament leurs enseignants et la reprise des cours, soient pourchassés, traqués, embastillés par des forces de répression ou contraints à la clandestinité dans les pays voisins ;

2) la liquidation des libertés publiques par la poursuite de la fermeture des journaux, des stations de radios et de télévision, les menaces, les agressions, les intimidations exercées par le pouvoir RPT/UNIR à l’encontre des journalistes et autres professionnels des médias qui sont molestés, embastillés et torturés dans l’exercice de leur fonction ;

3) le maintien en détention ainsi que l’inculpation arbitraire de dirigeants, militants et sympathisants de l’opposition, dont certains sont contraints à l’exil ;

4) le maintien de tensions sociales généralisées par les hausses successives, injustifiées et arbitraires des prix des produits pétroliers, des confiscations abusives des propriétés foncières des populations et par le refus d’accéder aux revendications légitimes des travailleurs des secteurs sociaux de base.

Mes Chers Compatriotes de la Diaspora,
Chers Camarades militants et sympathisants de l’ANC et de CAP 2015,
Chers Amis du Togo,
Mesdames, Messieurs,

L’ANC ainsi que les partis membres de CAP 2015, partagent la même vision de la conquête du pouvoir. C’est dire que nous nous sommes engagés à conduire la majorité des Togolaises et des Togolais qui nous soutiennent, à conquérir le pouvoir par des élections équitables et transparentes, sanctionnées par la vérité des urnes.

Nous connaissons tous, les exigences et les contraintes de la voie des urnes dans un pays aussi atypique que le Togo. Mais nous avons la ferme conviction que les urnes togolaises finiront inéluctablement par accoucher de leur vérité, celle de l’alternance et du changement, celle de la démocratie et du développement.

Cette vision partagée fonde notre stratégie de lutte. Elle détermine la cohérence de nos actions et le bien-fondé de nos prises de position, qu’il s’agisse de notre présence dans les compétitions électorales, qu’il s’agisse de notre combat pour obtenir des conditions d’élections justes et équitables, notamment à travers la mise œuvre des réformes politiques prescrites par l’APG.

L’option de la vérité des urnes, qui est la nôtre, n’empêche nullement le peuple togolais souverain de prendre résolument son destin en mains et de s’opposer par tous les moyens à la dictature. Nous avons en effet, la ferme conviction que la mobilisation populaire triomphe toujours des dictatures. Et dans ce sens, nous n’avons de cesse d’entreprendre sur le terrain, des actions et des activités de formation et d’information, d’explication et de sensibilisation, de conscientisation et de mobilisation.

Je voudrais à cet égard saluer les efforts des compatriotes de la diaspora qui, à travers les réseaux sociaux, participent également à ces diverses actions d’éveil des consciences et de mobilisation.

Je voudrais en particulier, féliciter les trois Fédérations Internationales de l’ANC, la Fédération Internationale ANC-Afrique, la Fédération Internationale ANC-Amériques et la Fédération Internationale ANC-Europe/Asie, dont le travail constant et la persévérance favorisent l’implantation, la visibilité et la vitalité de nos sections et sous-sections, et permettent de relayer à l’étranger les messages du parti ainsi que les préoccupations des populations togolaises.

Nous demeurons persuadés qu’une alternance politique, respectueuse des principes démocratiques, est un facteur déterminant de résolution juste et durable de la crise togolaise et, partant de développement économique et de progrès social.

Nous sommes donc déterminés, comme je le disais devant nos compatriotes à Wuppertal, au mois de septembre 2014, à œuvrer pour l’alternance et le changement auxquels aspirent tous les Togolais. Un changement porteur des valeurs de liberté, de justice et de paix, de développement et de progrès social pour le Togo et pour le peuple togolais tout entier.

Mes Chers Compatriotes de la Diaspora,

Ici à Paris comme hier à Wuppertal, je veux vous dire que nous avons besoin les uns des autres. Car ensemble, avec votre engagement et vos nombreuses initiatives visant la réalisation de notre objectif commun, nous mettrons fin à la forfaiture et à l’imposture du système RPT/UNIR. Un système qu’à juste titre, certains finissent par qualifier d’« ethnocrature » ou encore de ‘’démocratie tétraplégique’’.

Je veux vous dire aussi que le Togo ne peut rester indéfiniment une curiosité dans une Afrique en marche vers la démocratie. Depuis les années 1990, la plupart des pays africains ont fait leur mue démocratique. Dans notre voisinage immédiat, en Afrique de l’Ouest, la démocratie s’installe peu à peu. Il n’y a pas de fatalité qui condamne le Togo et son peuple à rester en marge de cette mutation.

Je veux vous dire enfin, et très solennellement, que l’alternance démocratique est désormais un impératif républicain et patriotique qui appelle à la mobilisation, chaque Togolaise et chaque Togolais, quels qu’ils soient et où qu’ils se trouvent.

La foi qui nous anime demeure inébranlable. Elle convie chacun de nous au dépassement de soi et nous indique, dans le sillage des pères de l’indépendance et fondateurs de la nation togolaise, que ni la médisance, ni les dénigrements, ni la défection, ni la trahison, ni la lassitude, ni l’abandon, ni les répressions sanglantes, ni les tentatives de déstabilisation, d’où qu’elles viennent, ne doivent avoir raison de notre détermination à poursuivre le combat pour libérer le peuple togolais de l’imposture et de la dictature.

La lutte populaire est invincible !

Que Dieu vous bénisse !

Et que Dieu bénisse le Togo et le peuple togolais !

Je vous remercie.