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EGYPTE : UN PROGRAMME D’AUSTÉRITÉ À LA MODE DU FMI !

D 27 août 2014     H 05:42     A Rabha Attaf     C 0 messages


Au matin du 5 juillet, les Égyptiens se sont réveillés avec une douche glacée ! Il est vrai que la température estivale est élevée, surtout en ce mois de Ramadan. Mais c’est d’autre chose qu’il s’agit : les prix des carburants vont désormais flamber. La veille au soir, le gouvernement a annoncé une vaste restructuration des subventions des produits pétroliers. En clair, « restructuration », signifie baisse des subventions... et donc hausse des prix !

Les plus fortes concernent les carburants les plus couramment utilisés, à savoir le diesel et l’essence 80 octane. Le premier passe de 1,10 LE (livre égyptienne) à 1,80 LE, et le second de 0,90 LE à 1,60 LE - soit respectivement 64% et 78% de hausse [1 LE = 0,10 €]. Parallèlement, les heureux propriétaires de moyennes et de grosses cylindrées auront à supporter une augmentation de 40% pour les premiers, et de seulement 6,4% pour les seconds. Ce traitement de faveur est certainement du au fait que la subvention de leurs carburants respectifs (le 92 octane et le 95 octane) a été progressivement supprimée depuis 2012.

Quant au gaz naturel, utilisé par un grand nombre de taxis, son prix fait un bond de 175% (1,10 LE le m3 contre 0,40 LE antérieurement) ! La colère des chauffeurs de taxis ne s’est d’ailleurs pas faite attendre. Dès ce samedi matin, ils ont bloqué plusieurs routes du Caire et d’autres gouvernorats. Déjà pénalisés par les pénuries récurrentes de carburant -qui les obligent parfois à se fournir sur le marché parallèle - ils redoutent le déchaînement de colère de leurs clients à l’annonce de l’augmentation conséquente du prix de la course !

Sans compter le fait que, déjà accablés par la hausse des denrées alimentaires en cette première semaine du mois de Ramadan, la grande majorité des Égyptiens - dont 34 millions, selon le gouvernement, vivent au dessous du seuil de pauvreté - va devoir se serrer, encore plus, la ceinture. Indépendamment du prix du carburant à la pompe, ces hausses se répercuteront, en effet, sur le coût du transport de la nourriture et des biens, sur les transports en commun, sur l’électricité et les bonbonnes de gaz déjà rationnés, sans oublier les services. Pour la grande majorité des Égyptiens, cette suppression de l’aide de l’État aux carburants et aux produits de première nécessité (cf « Égypte : rationnement du pain high-tech ») va donc avoir une conséquence désastreuse. Leur pouvoir d’achat va s’en trouver drastiquement réduit, car c’est le programme des produits subventionnés qui leur permettait de boucler péniblement leur fin de mois. De plus, en l’absence de réglementation des prix, ils peuvent désormais s’attendre à une valse anarchique des étiquettes !

Bref, la pilule va être dure à avaler, car jusqu’à présent, aucun gouvernement n’avait osé s’attaquer au système de subventions, redoutant certainement des mouvements de contestation sociale. Mais à peine élu, après une campagne présidentielle axée sur son prestige et non sur un programme clair - on sait maintenant pourquoi !- le maréchal Al-Sissi a finalement annoncé la couleur, et défendu le programme d’austérité, appelant les Égyptiens à faire des sacrifices pour l’économie de leur pays. L’heure est à la restriction budgétaire ! Excepté pour les « chouchous » du régime, comme les militaires dont la retraite à été revalorisée, ou la police désormais équipée de tenues et de véhicules anti-émeutes dernier cri !

Pourquoi cette coupe drastique dans le programme de subventions de l’État aux produits de première nécessité ? Tout simplement parce que depuis janvier 2011, l’Égypte tente d’obtenir du Fmi un prêt de 4,8 milliards de dollars. Les récentes mesures d’ajustement structurel en cours - concernant les produits pétroliers mais aussi la farine - seront sans doute perçues comme un signal fort pour la reprise des discussions avec le banquier international, jusque-là restées au point mort.

Logiquement, la prochaine étape de ce plan devrait toucher un secteur hyper-sensible de la société égyptienne : l’administration publique tentaculaire qui emploie des millions de fonctionnaires. Cela signifie des charrettes de chômeurs en perspective. Autant dire que les Égyptiens, qui vivent déjà sous haute tension sécuritaire et avec une épée de Damoclès dissuasive -« The protest law », la loi anti-rassemblements qui criminalise les manifestations- vont devoir avaler amèrement les couleuvres de la Sissicratie !

Rabha Attaf est journaliste indépendante franco-algérienne. Auteure de Place Tahrir, une révolution inachevée, éditions workshop19, Tunis, 2012 (Source : http://place-tahrir.blogspot.com)

Source : http://pambazuka.org