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TUNISIE : Etoile Nord-Africaine Anticapitaliste

Déclaration du 19 décembre 2010

D 20 décembre 2010     H 19:31     A     C 0 messages


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ETOILE NORD AFRICAINE ANTICAPITALISTE

Déclaration du 19 décembre 2010

Tunisie : une nouvelle intifada secoue la Tunisie.

Un jeune chômeur diplômé s’immole par le feu dans une ville du centre de la Tunisie, Sidi Bouzid.

Bassin minier : acte I

Vendredi 17 décembre, un jeune étudiant au chômage, n’ayant pour survivre à la précarité qu’un emploi ambulant, a tenté de mettre fin à ses jours en s’aspergeant d’essence suite à la saisie par la police de son unique moyen de subsistance.

Par cet acte de désespoir, ce jeune, comme tant d’autres avant lui en Tunisie ou au Maroc, a voulu condamner la politique d’un régime qui ne laisse à sa jeunesse que le choix entre la mort par immolation ou la noyade en Méditerranée pour fuir un monde d’injustice et d’inégalités insupportables.

À l’image des tremblements de terre qui sont précédés par des secousses telluriques, cette nouvelle Intifada de Sidi Bouzid fait suite à d’autres soubresauts qui ont touché cette année plusieurs régions de la Tunisie profonde. Celle qu’aucune carte postale ne met en exergue.

Ce désespoir d’un jeune fait remonter à la surface l’origine et la réalité du prétendu « miracle » économique de la Tunisie, conduite de main de fer par le général Ben Ali.

Ce désespoir est le cri d’une jeunesse dont le jeune, Mohammed Bouazizi, est le représentant et le symbole. C’est la figure représentative de la bombe à retardement qui s’apprête à péter à la gueule des oligarchies militaro- policières qui gouvernent d’une main de fer l’ensemble des états de l’Afrique du Nord, Maroc, Algérie, Tunisie en passant par la Libye l’Egypte, le Sénégal ou le Mali etc. .

Ce désespoir est celui qui a fait se soulever l’ensemble des villes minières de la région de Gafsa, plus connu comme l’Intifada du bassin minier de Gafsa de janvier 2008. Cette Intifada qui s’est déroulée tout au long de l’année 2008 et qui s’est soldée par plusieurs morts, sans compter la répression par l’emprisonnement et la torture, a été déclenchée pour les mêmes motifs que celle qui se déroule aujourd’hui sous nos yeux à de Sidi Bouzid.

Sidi Bouzid : acte 2

Ces Intifada qui se succèdent comme un métronome sont le meilleur procès que l’on puisse faire à une dictature qui en 20 ans a réussi le tour de force de pousser la jeunesse de ce pays à choisir entre les embarcations de la mort pour traverser la Méditerranée et le suicide par immolation pour mettre fin à une vie qui ne vaut plus la peine d’être vécue.

Devant le tribunal qui jugera le général Ben Ali et sa clique, ce sont les martyrs du bassin minier, les suicidés par immolation, les jeunes naufragés de Méditerranée et les milliers de jeunes embastillés et qui meurent à petit feu dans les bagnes de la dictature, qui seront les procureurs.

Une fin de règne nauséabonde

Il se raconte qu’une valise diplomatique à voyager avec pour seul contenu la chemise usagée d’un cacique du régime en froid avec son ancien mentor, le général BEN Ali. Ce voyage commandé par la « régente » de Carthage avait pour destination un marabout, ayant une certaine renommée, afin que ce dernier puisse y décelé les traces de sorcellerie.

C’est dire l’état d’esprit qui règne au sein de la famille « régente ».

Et elle a raison de s’inquiéter ! Le dernier trimestre 2010 a été riches en évènements majeurs.

L’ensemble du secteur de l’enseignement a déclenchée une grève générale suivie à plus de 80%, le 27 octobre 2010, où les questions sociales concernant aussi bien la précarisation qui frappe ce secteur, que celles des rémunérations ou des remises en cause des statuts (retraite, conditions de travail etc.) étaient au cœur de la mobilisation. Une manifestation monstre comme la capitale, Tunis, n’en a pas vu depuis longtemps, s’est déroulée avec des mots d’ordre de rejet des politiques de prévarication et de népotisme. Une nouvelle journée de grève générale est appelée dès à présent pour le 27 janvier 2011.

Le 5 décembre 2010 à l’occasion de la commémoration de l’assassinat du fondateur de l’Union générale des travailleurs tunisiens Farhat Hached, en 1952, par les nervis fascistes du colonialisme français, s’est déroulée une importante manifestation contre le régime à « perpétuité » de Ben Ali.

De plus en plus de secteurs ont été touchées par des grèves, voire par des occupations d’usines qui ferment. Cela dans toutes les régions de la Tunisie. C’est que la crise économique du système capitaliste mondial qui perdure pèse sur une économie tunisienne dont un semblant de prospérité était en grande partie lié aux flux des capitaux de la spéculation mondiale cherchant des « paradis » avec retour sur investissement de plus de 15% !!!

Avant la mascarade électorale de la « réélection » de celui que le journaliste Ben Brik appelle par dérision, Général « Ben Avi », ( Il paya de six mois ferme son impertinence), qui s’est déroulée en 2009, les prévisionnistes du régime tablaient sur une progression du PIB de 6 % annuellement afin de contenir le chômage officiellement déclaré à 14 % de la population active.(En réalité si on agglomère les précaires de l’économie parallèle et un grand nombre de femmes au foyer il faut doubler ce chiffre pour approcher la réalité des exclus).

La crise du capitalisme international qui a démarré en 2008 a ramener cette progression à un petit 3 % selon les données des instances internationales telles la banque mondiale ou le FMI. Cette nouvelle donne explique que le chômage explose et frappe durement la jeunesse dans son ensemble. Les jeunes diplômés qui se bousculent par dizaines de milliers, tous les ans, au sortir des universités, munies d’un sésame qui ne leur offre au mieux aujourd’hui qu’un travail précaire, un job dans l’économie souterraine ou la roulette d’un passage clandestin à bord de rafiots, chèrement payé en devises, afin de quitter l’enfer du désœuvrement pour rejoindre les rives de « l’eldorado Europe ».

Cela donne une idée de la bombe à retardement de l’exclusion sociale par le chômage qui frappe tout les pays au Sud de la Méditerranée.

Si on ajoute à ces données les coupes sombres que prévoit le régime dans les pans entiers de l’économie étatique et semi étatiques ayant échappé à la privatisation on peut avoir un aperçu du bouillonnement qui agite le bocal tunisien. Ce ne sont pas les rodomontades du régime sur la « stabilité » qui changeront quelque chose. Une stabilité obtenue par l’embastillement de milliers de jeunes condamnés à de lourdes peines de bagnes pour « faits de terrorisme ». Pas une semaine ne passe sans que les courageux militants d’organisations de défense des prisonniers et contre la torture ne signalent des procès où les jugements tombent comme des couperets. Les peines de bagnes se comptent par dizaines d’années. Il ne reste à ce régime aux abois que la répression féroce pour taire la rébellion de la jeunesse, des précaires et de tous les exploités.

Il ne se trompe pas d’ennemi. C’est bien cette jeunesse qui menace les fondements de ce régime despotique « familial ». La famille régnante ayant fait main basse sur les secteurs les plus juteux de l’économie en deux décennies. Ce sont les banques, l’immobilier, la téléphonie et Internet et bien entendue l’import-export qui sont devenue la chasse gardée de ces derniers.

Régime illégitime !

Le régime de Ben Ali issu du coup d’état médical de 1987 vit une fin de règne qui s’apparente à celle du premier dictateur : Bourguiba.

Les répercussions de la crise économique mondiale dont on observe les ravages aussi bien dans la vieille Europe ; Grèce, Irlande, Espagne, Portugal, qu’en Afrique, avec la nouvelle guerre civile qui menace d’ensanglanter la Côte d’Ivoire après bien d’autres guerres civiles larvées qui plombent ce continent ; sont le moteur de toutes les Intifada qui se déroulent en Tunisie ou qui s’annoncent ailleurs.

L’économie tunisienne arrimée à l’Europe depuis deux décades est secouée par les chambardements qui frappent le vieux continent. Et nous ne sommes qu’au début du processus.

Les politiques d’austérité et de contreréformes (touchant les retraites en France par ex) ne sont pas simplement des remèdes temporaires d’une maladie curable. Ils sont la réponse de la minorité de dominants et des possédants à la crise qui frappe leur système : le système capitaliste.

Le Général Ben Ali comme d’autres dictateurs n’est pas en reste. Sur la question des retraites, il applique les mêmes potions que ses collègues Sarkozy et consorts. Concernant les salaires, un blocage de ceux-ci est prévu sur le long terme puisque la rémunération du travail n’est perçue partout que comme un « coût » qu’il faut réduire. Voir ce qui se déroule sous nos yeux en Grèce, en Espagne, en Irlande et au Portugal pour ne citer que ceux là où des pan entiers de la société sont sacrifiés sur l’autel de la sauvegarde des privilèges de ceux d’en haut.

Peut-on encore réformer le système capitaliste ?

Il y a toujours cette petite musique de ceux qui s’illusionnent de voir, enfin, le système capitaliste fonctionner avec des critères « moraux » et « rationnels ». On se rappelle les déclarations fracassantes des grands de ce monde, au lendemain du déclanchement de la crise mondiale, sur le thème de la « moralisation » du système et sa « rationalisation ». D’aucun pourrait se poser la question : comment peut-on « moraliser » un système qui dans son essence est immoral parce que basé sur l’exploitation, et « rationnaliser » son fonctionnement alors que la décision ultime relève de la propriété individuelle et privée ? Comment peut-on continuer à « croire » en la fiabilité d’un système qui déballe ses forfaitures au quotidien.

On renfloue les banques et on remet sur ses pattes un système spéculatif financier qui menace de s’écrouler avec l’argent public et que font ces derniers une fois requinquer : ils spéculent contre les Etats qui les ont sauvé du désastre. Ils mordent la main qui les a secourus. Dans le même mouvement ils spéculent sur les secteurs « juteux » comme les produits agricoles avec pour conséquence palpable la mort programmée de centaines de millions de personnes de famine.

On fait exploser les budgets militaires sous le prétexte fallacieux de « prolifération du terrorisme » pour mieux engraisser les mêmes fauteurs de guerres et on prépare et attise les prochaines guerres civiles et guerres entre les peuples. Voilà pour la moralité.

Le syndrome de la Côte d’Ivoire.

La guerre civile qui se déroule à l’heure actuelle en Côte d’Ivoire et qui n’est que le prolongement d’une guerre civile larvée qui dure depuis plus d’une décennie montre à l’évidence qu’il n’y a pas et il n’y aura pas de solution « démocratique » à la crise qui frappe nos pays.

Les oligarchies financières qui se sont constituées en siphonnant littéralement les biens publics ne peuvent pas être et la cause et la solution. Aucune fraction des bourgeoisies régnantes ne peut être porteuse d’un projet alternatif au cul-de-sac dans lequel on se retrouve aujourd’hui.

Le divertissement des « processus électoraux » vendus comme l’alternative miraculeuse d’une sortie de crise a du plomb dans l’aile. (Voir les exemples de l’Égypte, d’Haïti et maintenant de la Côte d’Ivoire).

Seule la perspective du renversement des oligarchies est à même d’ouvrir de véritables processus de mobilisation des travailleurs, de la jeunesse et de tous les exploiter en vue de s’organiser ou briser les reins de ces systèmes dictatoriaux. Le rassemblement de tous les secteurs en lutte, travailleurs, précaires, jeunes, paysans, artisans etc. dans des structures d’auto organisation à l’image de ce qui s’est déroulé en Guadeloupe avec le L. K.P est un exemple à suivre. Au sein de cette coordination d’organisations syndicales, associatives, politiques, le peuple des exploités en lutte a pris son destin en main.

Ces structures d’auto organisation sont appelées à refonder les processus constitutionnels en imposant des cadres législatifs basés sur l’égalité totale et la répartition des richesses.

L’égalité totale de tous les citoyens, femmes et hommes, et la garantie d’une représentation paritaire à tous les échelons de responsabilité. La répartition des richesses est devenue le leitmotiv de toutes les mobilisations du bassin minier de Gafsa à Sidi Bouzid. À chaque mobilisation les slogans fusent contre les voleurs des biens publics et la réclamation qu’ils soient rendus à leurs destinataires.

Répartir le travail, répartir la richesse : voilà le programme de transition.

Pour le réaliser, unissant nous dans des « majaless choura » à l’échelle locale, régionale et nationale. Ce sont nos traditions de « soviets » qu’il faut réhabiliter. Seules cette auto organisation peut exprimer les doléances, les revendications et trouver les modalités de leur réalisation par une coordination nationale.

Construisant l’alternative à la dictature du général Ben Ali.

Construisant la coordination des « majaless choura » partout, tout de suite, il y a urgence.