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XXVème sommet Afrique-France : sous le signe du renouveau ?

D 1er juillet 2010     H 12:43     A Robin Guébois     C 0 messages


Au début de son mandat, Sarkozy souhaitait faire de la
rénovation des sommets France-Afrique un des symboles de
sa prétendue volonté de rupture en matière de politique
africaine. Après avoir hésité à abandonner cette grand messe
rituelle de la Françafrique, puis avoir consulté différentes
personnalités pour en faire évoluer la forme et le contenu, la seule
nouveauté finalement retenue pour le XXVe sommet qui se
déroulera à Nice les 31 mai et 1er juin prochains sera la présence
des multinationales françaises sous couvert d’ouverture à la
« société civile ».

Créé en 1973, ces sommets bisannuels, alternativement réunis
en France et en Afrique, ont pour objet de réunir autour du
président français les chefs d’Etat africains, d’abord ceux du « pré
carré » francophone, puis des autres pays du continent : symbole
évident de certaines relations de vassalité entretenues par delà les
indépendances formelles et manifestation de la « grandeur » de la
France et des survivances de son empire colonial. De ce point de
vue, pas de changement : le XXVe sommet, initialement prévu en
Egypte puis rapatrié en France, est toujours très officiellement
qualifié de « réunion de famille » par Sarkozy, et c’est à huis clos
et en comité restreint que seront discutées les affaires
françafricaines les plus sensibles. Le sommet s’inscrit par ailleurs
dans les cérémonies (françaises) du cinquantenaire des
indépendances des anciennes colonies africaines, qui, sans
surprise, prennent surtout l’allure d’une célébration de la période
coloniale.

Mais le sommet se déroule également dans une période de
concurrence accrue, mondialisation capitaliste oblige, et de perte
(relative, car sa capacité de nuisance et ses intérêts restent
considérables) de l’influence française en Afrique, qui se traduira
peut-être par une baisse du nombre de participants de « haut
niveau » par rapport au sommet de Cannes en 2007. C’est dans ce
contexte que la France va, lors de ce sommet, une nouvelle fois
tenter de se faire passer pour l’avocate et la porte-parole des
intérêts africains en matière diplomatique (création d’un poste de
membre permanent du conseil de sécurité attribué à un pays
africain), économique (place de l’Afrique dans les négociations de
l’OMC suite au processus de Cancun), écologique (avec la
bénédiction des dictateurs francophones des pays du bassin du
Congo) et enfin militaire. Pour ce dernier volet, Sarkozy entend
mieux « expliquer » sa « réforme » de la politique militaire qu’est
censée illustrer la renégociation des accords de défense en cours,
et va à nouveau proposer de mettre ses bases et sa coopération
militaires à disposition des futures forces de maintien de la paix
de l’Union africaine : manière de fournir une nouvelle légitimité
à la présence militaire française en Afrique et de poursuivre une
politique d’influence et d’ingérence en ce domaine.

Mais la véritable nouveauté du sommet, c’est la décision de
l’ouvrir aux entreprises privées : la totalité du CAC 40 et 40
grosses PME, ainsi que 150 entreprises africaines, seront ainsi
invitées à débattre de « l’environnement des affaires », de la
formation professionnelle, de la « responsabilité sociale et
environnementale » ou encore des énergies durables, sous
prétexte d’élaborer une charte des entreprises françaises en
Afrique. En fait, il s’agit
bien évidemment de
consolider les intérêts
économiques de la France
dans ses anciennes
colonies et de les
développer davantage dans
les autres pays. Pour parer
à ce genre d’accusations,
Sarkozy a également tenté
de faire cautionner
l’initiative par des
organisations syndicales
françaises et africaines,
lesquelles ont fort heureusement pour la plupart refusé. Les
chefs d’Etat invités ont en revanche mis leur véto à la présence
des partis politiques ou des organisations de la société civile,
craignant que ces derniers n’utilisent le sommet comme une
tribune pour dénoncer les crimes et l’absence de légitimité
démocratique des dictatures et des démocratures « amies de la
France ».

Comme pour les sommets précédents, un contre sommet,
intitulé « forum citoyen », est organisé à l’initiative de
l’association Survie et avec la participation d’autres
organisations françaises et africaines. Il se tiendra cette année à
Aubervilliers le 29 mai (programme complet sur
http://www.afrique2010.fr). Une manifestation (ainsi que
d’autres initiatives, voir le site d’Attac 06 pour le programme
complet) sera également organisée à Nice pendant le sommet,
qui constituera un temps fort dans la lutte pour la régularisation
des sans-papiers. Une centaine de personnes sont ainsi parties
à pieds de Paris le 1er mai (fête des travailleur-euse-s, même
sans-papiers) pour arriver à Nice à la fin du mois afin de
« dénoncer la collaboration des
chefs d’Etat africains avec la
politique d’immigration choisie
française, avec les expulsions
de masse, avec la souffrance
de la vie des sans-papiers dans
ce pays » ainsi que l’explique le
Ministère de la régularisation de
tous les sans-papiers à l’origine
de la marche. La manifestation
de Nice entend ainsi dénoncer
la double politique de la France
à l’égard de l’Afrique, résumée
par le slogan : « ChasséEs d’ici,
pilléEs là-bas ! ». Alors tou-te-s
à Nice !

Robin Guébois